Une retraite collective chez les bouddhistes : oui mais laquelle ?

Publié le

S’extraire de son quotidien et des sollicitations extérieures, trouver une réponse intérieure à notre quête de sens, mieux comprendre les enseignements du Bouddha… Les motivations pour entreprendre une retraite bouddhiste sont variées, mais toutes rejoignent le même besoin : prendre le temps de se retrouver. Paradoxalement, il n’est pas indispensable d’être seul. Se frotter aux autres est aussi une occasion de découvrir nos propres fonctionnements. De nombreux centres bouddhistes proposent des retraites collectives. Quelle tradition choisir ? Nellie a expérimenté plusieurs longs séjours en silence dans le style Vipassana (Theravada). Christel a vécu une semaine zen au Village des Pruniers (Mahayana). Valérie est adepte des retraites Vajrayana. Témoignages.

Dans le silence des retraites Vipassana

L’une des caractéristiques du Theravada est de vouloir maintenir une tradition qui soit la plus proche possible du bouddhisme ancien. Certains centres perpétuent les enseignements des Moines de la forêt, d’autres mettent l’accent sur la pratique de Vipassana, avec plus ou moins de références au bouddhisme. Nellie a découvert les retraites Vipassana dans un centre français de S.N. Goenka, enseignant de méditation formé auprès d’un maître birman. Le côté intensif et formel l’a attirée. « Dix heures par jour pendant dix jours, entre 4h30 et 21h, pour apprendre progressivement la technique, et ce en silence, cela correspondait à mon esprit strict de l’époque. J’avais quarante-quatre ans, j’étais insatisfaite de la vie et déterminée à changer tout ça. » Le cœur de la méthode est de voir les choses telles qu’elles sont, avec équanimité, en prenant conscience de l’impermanence. Cela passe d’abord par l’observation attentive de la respiration, puis des sensations à travers le corps. « Au début je ne savais même pas faire la différence entre une émotion et une sensation. Les premiers dix jours, j’ai réalisé qu’en fait, j’avais beaucoup pensé. »
Elle y retourne à plusieurs reprises : « J’avais besoin de me retrouver dans ce contexte d’isolement où l’on ne communique pas, même par le regard. Le silence permet une profonde introspection. En lien avec les sensations, j’observais en moi l’attachement, la colère, la frustration, l’impatience, l’ennui, parfois de la béatitude ». À la lueur des enseignements et de la méditation intensive, elle commence à voir les processus de l’ego. « Quand « les autres » m’énervaient, j’ai compris que c’était mon problème. Peu à peu, j’ai pris la responsabilité de toutes mes actions-réactions. L’insatisfaction de ma vie s’est peu à peu inversée, elle prenait la direction de la joie pure et simple et de la compassion. Mais cela reste un processus, l’important étant le chemin, non le but. »

Nellie part trois mois en Birmanie, dans un lieu créé par un autre maître du bouddhisme Theravada, Sayadaw U Pandita, puis quatre mois aux États-Unis, dans le centre de retraite du Massachusetts IMS (Insight Meditation Society). Toujours en silence, sauf lors de l’entretien quotidien avec l’enseignant référent, qui écoute les expériences et oriente l’étudiant. « Lors des retraites longues, la durée permet d’entrer plus profondément dans les bienfaits de la méditation : une compréhension accrue de toute chose émerge alors, moins de pensées, voire plus de pensée du tout, juste la conscience d’être consciente. J’en ressortais avec une vraie présence à l’instant qui procure la paix de l’esprit. Des attachements et des jugements se sont envolés. ». Pour autant, Nellie ne recommande pas de commencer par une retraite longue : « Il vaut mieux avoir un peu d’expérience avant de rentrer longtemps en silence, en isolement ».

Dans la bienveillance d’un centre zen

En France, la majorité des centres zen sont issus de traditions vivantes au Japon (Zen Soto, Zen Rinzaï). Murs blancs, silence et pratiques méditatives sont là pour nous mener à la compréhension expérientielle de la vacuité. Le Mahayana met aussi l’accent sur la compassion universelle et l’idéal du bodhisattva, qui s’engage à libérer tous les êtres. Cette compassion, Christel V. l’a éprouvée lors d’une semaine de retraite au Village des Pruniers, autre forme du bouddhisme Zen, fondé par le moine vietnamien Thich Nhat Hanh. Fragilisée par un récent divorce, elle est bouleversée par « la grande douceur et la bienveillance » qui se dégagent des lieux et de la sangha monastique : « Le jardin était superbe, on mangeait bien, des plats végétaliens à base de produits frais et bio. Les enseignements étaient magnifiques. On est pris dans cette bienveillance comme dans un cocon ». Résultat, elle pleure pendant une semaine, ce qu’elle considère comme l’un des grands bénéfices de cette retraite. « J’avais besoin de « sortir les poubelles ». D’ailleurs, pour l’aide aux tâches ménagères, j’ai demandé à m’occuper du recyclage ! »

« La grande force de Thich Nhat Hanh est de traduire les enseignements bouddhistes en termes du quotidien. Comment parler avec mon mari si je suis en colère ? Comment ramener la joie en moi ? Des choses simples, mais racontées avec tant de grâce que j’en étais emportée. » Christel V.

Même si rien ne l’y oblige, Christel participe à tout. Levée tôt pour rejoindre la première méditation à 6h, elle enchaîne par un cours de Hatha yoga. Puis petit-déjeuner en silence, enseignements, marche méditative, déjeuner, temps calme, groupe d’échanges animé par une moniale ou un moine, dîner en silence. « Après chaque repas, nous faisions notre vaisselle, en silence, mais en pleine conscience. »

Les paroles de Thich Nhat Hanh, dispensées par des moines et moniales, lui laissent une impression durable. « Sa grande force est de traduire les enseignements bouddhistes en matière de quotidien. Comment parler avec mon mari si je suis en colère ? Comment ramener la joie en moi ? Des choses simples, mais racontées avec tant de grâce que j’en étais emportée. » De retour chez elle, elle continue à se sourire à elle-même le matin avant de se lever ou à faire une mini-pause lorsqu’elle entend une cloche sonner, « pour me recentrer et me replacer dans une démarche spirituelle. »

Transformer ses émotions avec le Vajrayana

Les retraites Vajrayana sont menées par des lamas originaires le plus souvent du Tibet ou du Bhoutan. Plus récemment, des lamas occidentaux apparaissent, formés auprès des premiers. Les centres sont richement décorés de thankas et de statues figurant des divinités paisibles ou courroucées, parfois en union avec leur parèdre. Mantras, chants sacrés et instruments rituels résonnent. Les pratiques réveillent nos émotions, qui sont pure énergie, pour nous aider à les transformer en sagesse. Les retraites intègrent des enseignements bouddhistes fondamentaux (interdépendance, impermanence, les Quatre Nobles Vérités, la nature des émotions, etc.). Pour les étudiants avancés, elles comportent des initiations, des transmissions orales de pratiques spécifiques et l’accomplissement de rituels précis. Le Dalaï-Lama donne régulièrement des initiations au tantra de Kalachakra, qui rassemblent des milliers de personnes. De nombreux lamas proposent des transmissions liées à des divinités du bouddhisme tibétain, comme Tara (mère de tous les bouddhas), Chenrezi (compassion universelle) ou Guru Rinpoche (qui a implanté le bouddhisme au Tibet). Valérie a participé à plusieurs retraites en Inde et en France : « Le but est de voir le fonctionnement de notre esprit. C’est comme si on mettait une loupe qui grossit dix fois nos schémas intérieurs. Nous ne sommes que dans les émotions négatives ou positives. Ce qui sort est très fort : « Oh ! je suis si jalouse et en colère que ça ? Je pensais avoir travaillé la jalousie et c’est encore là ! » Parfois ce n’est pas du tout plaisant, je sature et j’ai besoin d’aller me promener. Parfois, au contraire, on a une belle expérience. Mais tout de suite, l’ego s’en empare : « Oh ! je suis quelqu’un de spécial ! » Le maître est alors là pour trancher et me rappeler que le Vajrayana, c’est pour le bien de tous les êtres. »

Photo of author

Fabrice Groult

Fabrice Groult est un aventurier, photographe et bouddhiste qui parcourt le monde depuis son plus jeune âge. Après avoir étudié le bouddhisme en Inde, il s'est engagé dans un voyage de dix-huit mois à travers l’Asie qui l'a mené jusqu'en Himalaya, où il a découvert sa passion pour la photographie. Depuis, il a parcouru le monde pour capturer des images de beauté et de sagesse bouddhiste. Il a été guide pendant dix ans, et est aujourd'hui journaliste chez Bouddha News.

Laisser un commentaire