Tenzin Gyatso, 14e Dalai Lama
Dans la méditation, les procédés utilisés visent à entraîner l’esprit et à modifier progressivement les habitudes et comportements qui en découlent, au quotidien. Aucune pratique bouddhique n’est magique. Toutes demandent de faire preuve de constance, de courage et de discipline. Cela n’a rien d’exotique, ne fait pas rêver, mais c’est ce que recommandent les maîtres pour commencer à avancer sur cette voie en apparence banale, mais exigeante. Méditer est donc l’affaire de tous. Comme le dit le moine bouddhiste Matthieu Ricard : « Méditer est un ensemble de processus, accessible à tout le monde puisqu’il s’agit d’une gymnastique de l’esprit qui apprend à se familiariser avec la tolérance, l’altruisme, la tendresse, qualités dont nous avons tous le potentiel, mais que nous ne déployons que par instants fugaces. Ce travail concerne à la fois le corps et l’esprit ».
« Méditer est un ensemble de processus, accessible à tout le monde puisqu’il s’agit d’une gymnastique de l’esprit qui apprend à se familiariser avec la tolérance, l’altruisme, la tendresse, qualités dont nous avons tous le potentiel, mais que nous ne déployons que par instants fugaces. Ce travail concerne à la fois le corps et l’esprit. » Matthieu Ricard
Les méthodes présentées ici portent parfois des noms différents et présentent des variantes selon les écoles bouddhiques. Pour éviter toute confusion, je m’appuierai ici sur leur dénomination sanscrit-tibétain : Samatha-Chiné, le calme mental, et Vipassana-Lhagtong, la vision profonde et pénétrante. Pratiquées dans cet ordre, elles permettent au méditant d’acquérir une compréhension intellectuelle et émotionnelle plus juste de ce qu’est la réalité au sens bouddhique du terme, ce qui le conduit naturellement à agir avec plus de compassion, amour, générosité et bienveillance.
Le calme mental : Samatha-Chiné, ou comment s’aider de la vigilance pour accroître l’attention et la concentration de la conscience en un point.
Comment ça marche ? La posture de base adoptée, le méditant fixe son esprit sur un objet de méditation de son choix : le souffle, la respiration, une fleur, une statue sacrée, une peinture, peu importe. Le fait de porter l’attention sur « un point » favorise sa concentration, canalise ses pensées et émotions, et développe le calme mental. Tout est là, oui, mais le mental est malin et surtout indiscipliné depuis notre naissance, aussi il se rebelle. C’est le jeu, il s’agit d’un apprentissage. Au début, l’esprit confus, agité, insoumis, est emporté par les pensées et émotions chaque fois qu’il tente de se concentrer sur un point, et un nombre invraisemblable d’images, de situations, de projections jaillissent en lui, pour le distraire de son objectif. Ne vous inquiétez pas, c’est normal, soyez patient, ne cherchez pas à obtenir des résultats, ne changez pas de support de méditation en cours d’exercice, ne doutez pas de votre capacité à pratiquer cette méthode, et surtout ne renoncez pas à la première difficulté, ou parce que vous vous ennuyez, avez faim, sommeil, ressentez des contractures ou êtes tendu. Tout comme vous avez mis des semaines pour apprendre à marcher en confiance et seul, parvenir à observer de manière factuelle ce qui se passe dans votre esprit – en percevant vos pensées et émotions passer en arrière-plan sans vous identifier à elles – demande un entraînement régulier. Il faut du temps, car il s’agit de désamorcer un processus mental rodé chez nous depuis des années. Vous y mettrez fin à force de répétitions, en apprenant à maintenir votre attention sur le support que vous avez choisi et en vous efforçant d’y revenir dès que vous avez conscience que vos pensées vous en éloignent. Petit à petit, le mental devient moins agité, ce qui permet au méditant de s’entraîner ensuite à d’autres méthodes.
En dehors de la pratique assise, le quotidien est aussi un formidable terrain d’entraînement. La pratique et la vie ordinaire interagissent l’une sur l’autre. Ainsi, grâce à la pratique du calme mental, vous serez plus facilement satisfait de ce que vous avez, vous critiquerez moins les autres, vous vous sentirez plus paisible, plus serein et vous vivrez les circonstances avec plus de recul. Et ça, c’est un sacré challenge !
La vision profonde : Vipassana-Lhagtong, ou comprendre intellectuellement et émotionnellement la réalité.
Cette méthode ne se pratique pas en première intention. Analyser la nature réelle des phénomènes pour vivre ce que l’on en comprend, ensuite, dans le quotidien, suppose que le pratiquant acquiert, auparavant, un minimum de calme mental, de concentration. Comment ça marche ? Après avoir adopté la position de base, le méditant étudie intellectuellement des sujets tels que l’impermanence, l’interdépendance, la vacuité, le soi, le non-soi, la vérité relative, la vérité absolue, les douze liens interdépendants. Étudier signifie, ici, comprendre et expérimenter intellectuellement et émotionnellement comme l’explique Matthieu Ricard : « Les phénomènes sont le résultat d’un flux dynamique d’événements interdépendants, dont les caractéristiques, sans cesse changeantes, résultent d’innombrables causes et conditions ».
De nombreuses heures de méditation analytique sont nécessaires pour acter de manière factuelle, concrète, que tout ce qui existe, y compris notre esprit, ne se manifeste qu’en relation, naît d’une série de causes et conditions, n’existe qu’en et par soi, et que toute émotion est douleur. C’est long, complexe, fastidieux, mais nécessaire pour parvenir à réaliser peu à peu dans sa chair, son corps, et son esprit, que cette notion de « moi », de « je », qui nous est si chère, ne possède aucune réalité, et le traduire dans la vie courante par des actes plus altruistes. Votre quotidien exprime, naturellement, votre réalisation de la vue profonde