Pierre Bourges : « L’important n’est pas ce qui survient aux personnes, mais ce qu’elles en font. »

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Après sa rencontre avec Kalou Rinpoché, Pierre Bourges s’est progressivement engagé sur le chemin du Dharma. Psychologue de formation, il a utilisé son expérience de la méditation auprès de publics en difficulté d’insertion professionnelle. En les aidant à accepter les aléas de la vie, il leur a permis de reprendre confiance en l’avenir. Aujourd’hui à la retraite, ce proche de Lama Gyourmé propose des accompagnements personnalisés aux Gîtes du Sentier (Vienne) et des retraites de calme mental à Vajradhara Ling, en Normandie.

Vous avez découvert le bouddhisme dans les années 70. Qu’est-ce qui vous a attiré ?

Très jeune, j’étais déjà en quête d’une dimension spirituelle susceptible de donner un sens à ma vie. À onze ans, je fréquentais assidûment une librairie ésotérique rue Saint-Jacques, à Paris. Quelques années plus tard, j’ai commencé à m’intéresser au bouddhisme. Je l’ai découvert lors de la venue du maître Kalou Rinpoché en France. J’ai trouvé, dans l’enseignement du maître kagyüpa, une façon de se découvrir soi-même et des valeurs proches des miennes. En 1991, j’ai retrouvé Lama Gyourmé à Vajradhara-Ling, en Normandie et, en 1996, j’ai décidé de me rendre en Inde pour participer aux séminaires qu’organisait le maître Bokar Rinpoché avec l’aide de deux lamas occidentaux : Lama Tcheuky et Lama Namgyal. À partir de ce moment-là, j’ai vraiment commencé à pratiquer, étape par étape, puis j’ai travaillé avec Lama Gyourmé, qui s’est révélé un être fantastique, capable de m’éclairer sur mon chemin.

En travaillant à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), vous avez expérimenté des techniques innovantes pour des publics en difficulté d’insertion. Comment leur avez-vous appris à mieux utiliser leurs ressources mentales ?

D’abord recruté en tant que psychologue du travail, j’ai proposé des formations dont l’objectif était de développer les capacités d’apprentissage et de réussite, à des personnes en difficulté d’insertion professionnelle. En travaillant en particulier sur leurs capacités de mémorisation, j’ai constaté que pour elles, le problème n’était pas tant la mémoire qu’un certain mal-être, une vulnérabilité qui occasionnait une incapacité à faire des projets. J’ai proposé à l’Afpa d’utiliser des techniques que j’avais apprises auprès de Lama Gyourmé pour installer le calme mental (« chiné » en tibétain). Sous la tutelle du ministère du Travail, l’association m’a autorisé à introduire la méditation en formation professionnelle, en prenant toutefois des précautions sur le vocabulaire utilisé. Des résultats très positifs ont été enregistrés sur tous les stages que j’ai menés. À partir de là, l’Afpa a créé un cursus de formation appelé ORME (Optimisation des ressources mentales), qui a été proposé à des demandeurs d’emploi, mais aussi à de nombreuses entreprises pour les salariés et leur encadrement.

Pour accompagner les personnes, vous vous appuyez ces dernières années sur des enseignements qui portent sur les huit consciences et les cinq sagesses. Pouvez-vous nous expliquer ?

J’utilise Le traité des cinq sagesses et des huit consciences de Thrangou Rinpoché, qui reprend un texte du XIVe siècle écrit par le 3e Karmapa, Rangjung Dorje. En 2018, avec mon épouse, nous nous sommes rendus au Népal pour rencontrer Thrangou Rinpoché. Le maître nous a donné son accord et sa bénédiction pour utiliser ses enseignements. Ce livre est un outil incroyable. Il donne des clés pour nous aider, au quotidien.

Pour résumer, on peut dire que nous disposons d’un ensemble de consciences connectées entre elles et dont certaines ont pour support les organes des sens (les cinq consciences sensorielles). La conscience mentale (sixième conscience), conceptuelle, détermine par exemple si une perception visuelle est plaisante ou déplaisante. Les autres niveaux de conscience sont, eux, non formels. La septième conscience possède deux aspects : l’un est lié à la continuité des pensées, l’autre est responsable de la naissance des affects de la conscience-base universelle (huitième conscience), qui recueille et conserve notamment toutes les empreintes karmiques. Cette conscience universelle est la base de toutes les apparences illusoires auxquelles nous sommes confrontés chaque jour de notre vie. On peut la comparer à l’océan et les autres consciences aux vagues qui apparaissent en surface. Toutes les consciences sont individuelles. Elles se transforment en différentes formes de sagesse au cours de la progression spirituelle, dont le point d’orgue est la réalisation.

« La conscience universelle est la base de toutes les apparences illusoires auxquelles nous sommes confrontés chaque jour de notre vie. On peut la comparer à l’océan et les autres consciences aux vagues qui apparaissent en surface. »

L’écoute de ces enseignements, un travail de réflexion, une pratique assidue de la méditation et être accompagné par un maître qualifié permettent de progresser sur la voie, pour notre bien et pour celui de ceux qui nous entourent. Leur richesse est telle qu’on y retrouve de nombreuses conclusions identiques à celles de la physique quantique.

Ces techniques sont-elles efficaces pour gérer son stress et améliorer la confiance en soi, notamment après un parcours de vie difficile ?

L’objectif est d’amener chaque personne à se libérer des apparences illusoires et à avancer sur un chemin qui lui permettra, à terme, de réaliser la nature de son esprit. Dans notre éducation judéo-chrétienne, il existe un fort esprit de culpabilité. Dans mon travail, j’ai rencontré beaucoup de gens qui avaient l’impression d’avoir généré tous les problèmes qu’ils rencontraient. Or, quand on a compris le mécanisme des consciences, on remarque que ce qui se manifeste va largement au-delà de notre propre identité. Dans le bouddhisme, l’origine de ce qui arrive ne vient pas forcément de cette vie.

Avec cette pratique, on voit les événements venir tels qu’ils sont, sans être perturbé par l’étiquette « C’est bon pour moi » ou « C’est mauvais pour moi ». L’important n’est pas ce qui survient aux personnes, mais ce qu’elles en font, par rapport à leur projet de vie. Aujourd’hui à la retraite, je continue d’accompagner, de façon individualisée, ceux qui le souhaitent aux Gîtes du Sentier, en utilisant l’ensemble des savoirs et savoir-faire mis à notre disposition par nos maîtres tibétains.

Vous partagez aussi vos enseignements lors de retraites laïques de Chiné, à Vajradhara-Ling. Que peut apporter ce travail dans notre époque axée sur la performance ?

Aujourd’hui, beaucoup de gens ont du mal à se reconnaître dans certaines des valeurs véhiculées par notre société. Développer le calme mental permet d’accéder à des principes plus authentiques et pas forcément contradictoires avec l’épanouissement professionnel de la personne. Avec l’accord de Lama Gyourmé, j’organise chaque année, à Vajradhara Ling, une retraite de quelques jours au cours de laquelle chacun peut apprendre les bases de la méditation : les conditions nécessaires (lieu et moment de la journée), la posture, les stades à franchir, les difficultés que l’on peut rencontrer… Les participants peuvent ensuite pratiquer de façon autonome et cultiver progressivement une harmonie entre leur pratique, leurs aspirations spirituelles et leur vie familiale, professionnelle et sociale.

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Sophie Solère

Sophie Solère est une journaliste économique et sociale qui s'intéresse depuis des années à l'environnement et à l'interdépendance. Elle travaille pour Bouddha News, une plateforme de médias dédiée à la spiritualité et à la sagesse bouddhiste. En pratiquant le yoga et la danse méditative, Sophie a découvert le pouvoir des voyages spirituels, qui offrent tant de chemins pour se (re)trouver. Elle se consacre à partager avec les lecteurs de Bouddha News des histoires inspirantes et des conseils précieux sur la pratique spirituelle et l'environnement.

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