Christian Galliou : l’attention pour seul credo

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Noter toute sensation ou pensée au quotidien : Christian Galliou s’impose cette rigueur d’esprit depuis qu’il a découvert la méditation Vipassana avec le Vénérable Nyanadharo il y a plus de trente ans. Le Breton, qui partage aujourd’hui la méthode du maître birman Mahasi Sayadaw lors d’ateliers hebdomadaires à Morlaix (Finistère), pratique parfois plusieurs semaines en solitaire, à son domicile, où il réside avec sa femme, Marie-Noëlle. Les époux trouvent, au cœur des Monts d’Arrée, l’énergie nécessaire à leur concentration.

L’imposant viaduc, édifice emblématique de Morlaix, apparaît à travers les fenêtres de la salle de yoga. Vêtu d’un pull et d’un pantalon amples, Christian Galliou est assis en demi-lotus sur son coussin. Trois femmes un et homme suivent l’atelier du samedi soir. Derrière ses lunettes, l’enseignant de méditation Vipassana les prévient d’une voix grave et posée : « Il ne s’agit pas de relaxation, mais d’un travail de transformation dans le but d’atteindre le nibbâna (1) ». Lorsque sa femme, Marie-Noëlle, fait résonner le bol, les participants entament trente minutes de marche attentive suivies de quarante-cinq minutes de méditation assise. Chaleur, froid, dureté du parquet, gonflement du ventre lors de la respiration, les méditants doivent noter chaque sensation ou pensée.

Christian Galliou a découvert le bouddhisme en 1977. Non pas dans la tradition Theravada qu’il suit aujourd’hui, mais dans le Zen, qu’il découvre par hasard dans une revue. « Le Zen avait un côté exotique et esthétique. J’ai tout de suite été attiré par les vêtements, les cérémonies, la philosophie et la poésie qui flattent l’intellect, et par la personnalité de Taisen Deshimaru. Un contact avec lui, on s’en souvient longtemps », témoigne le Finistérien. Ordonné moine par le maître japonais à la fin des années 70, Christian devient responsable du dojo de Brest pendant neuf ans, avant de le quitter en 1987. « Le zazen ne m’apportait pas grand-chose dans la vie quotidienne », constate-t-il.

Le gratin dauphinois, ou l’expérience du ventre vide

La même année, il suit un ami au monastère Bodhinyanarama, en Ardèche, pour rencontrer le Vénérable Nyanadharo. Il se souvient encore du choc spirituel ressenti lorsqu’il a aperçu le moine de la forêt laotien. L’impact est tel que Christian se décide à faire l’aller-retour une fois par mois, pendant quinze ans, entre la pointe finistérienne et le monastère de Tournon-sur-Rhône.

« Lors d’un petit-déjeuner, il y avait un gratin dauphinois sur la table. Tout le monde se frottait les mains, en attendant le signal pour manger. Le Vénérable Nyanadharo a attendu que ce soit bien froid. Nous avons ainsi patienté jusqu’à 11h, notant toutes les sensations qui nous traversaient. C’est ça, le Vipassana. »

L’enseignement du maître Theravada est atypique. « Avec lui, c’est non-stop du vendredi soir au dimanche, s’amuse le Breton. Quand on se lève de notre coussin, qu’on boit notre thé… On n’a jamais fini de pratiquer. » Une anecdote amusante lui vient à l’esprit. « Lors d’un petit-déjeuner, il y avait un gratin dauphinois sur la table. Tout le monde se frottait les mains, en attendant le signal pour manger. Le Vénérable a attendu que ce soit bien froid. Nous avons ainsi patienté jusqu’à 11h, notant toutes les sensations qui nous traversaient. C’est ça, le Vipassana », s’esclaffe Christian.

C’est dans le monastère ardéchois que Christian rencontre sa femme actuelle, Marie-Noëlle. Tous les deux mariés à l’époque, ils n’en ressentent pas moins l’un pour l’autre un très fort attrait d’ordre spirituel. Mais pas question d’aller plus loin. « Au monastère, on n’était pas là pour draguer », se souvient Christian. Ils nouent finalement le contact en 1994. Marie-Noëlle souhaite acheter une maison. La banque où travaille Christian se révèle être celle qui pratique les meilleurs taux à l’époque. Cette occasion donne aux deux pratiquants Vipassana la possibilité de mieux se connaître. Ils emménagent ensemble à Lampaul-Plouarze et se marient, en 1999. « La vie de couple n’est pas évidente quand l’un pratique et pas l’autre. Mais elle se trouve facilitée lorsque la pratique est partagée », remarque Christian. En 2002, Christian prend sa préretraite. Pendant trois ans, ils séjournent au monastère Bodhinyanarama pour aider Janine Boitel, l’administratrice des lieux. À son décès en 2008, le couple assiste le Vénérable pendant six mois.

L’enseignement du Bouddha, du pali au breton ?

Le Breton conserve des souvenirs de la période ardéchoise dans sa salle de méditation, aménagée au premier étage de sa maison, à Commana, où le couple réside depuis 2005. Sur un petit autel rudimentaire, une fleur de lotus repose sur un petit coffret en bois renfermant un bout de la robe du Vénérable. Régulièrement, le couple se réserve des périodes de solitude complète pendant deux à quatre semaines. Christian en profite pour pratiquer la marche attentive dans un coin dissimulé par la haie, à l’arrière de la maison. L’énergie ressentie dans ce village des Monts d’Arrée lui permet de se concentrer sur sa pratique : « À la fois apaisante et dynamique, elle nous aide à revenir à l’attention ».

En 2016, Christian décide de partager son expérience par le biais d’ateliers hebdomadaires à Morlaix, une ville près de chez eux. En parallèle, il entame la traduction de l’anglais au français, du livre Méditation Minfulness-Vipassana du maître birman Mahasi Sayadaw. Ce travail a duré des mois. « Le texte a d’abord été traduit du pali au birman puis du birman à l’anglais. Chaque terme est sujet à interprétation. Le traducteur a une grande responsabilité dans le choix des mots utilisés. » Le Finistérien, très ancré à ses racines armoricaines, confie, amusé, aimer traduire parfois en breton certains textes du Bouddha. Un passage doit paraître prochainement dans le bulletin municipal. De quoi faire le bonheur de la petite commune où il réside.

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Fabrice Groult

Fabrice Groult est un aventurier, photographe et bouddhiste qui parcourt le monde depuis son plus jeune âge. Après avoir étudié le bouddhisme en Inde, il s'est engagé dans un voyage de dix-huit mois à travers l’Asie qui l'a mené jusqu'en Himalaya, où il a découvert sa passion pour la photographie. Depuis, il a parcouru le monde pour capturer des images de beauté et de sagesse bouddhiste. Il a été guide pendant dix ans, et est aujourd'hui journaliste chez Bouddha News.

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