Yann Arthus-Bertrand : Pour un Père Noël écoresponsable

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Et si nous déposions autre chose que des jouets en plastique ou des bibelots fabriqués à l’autre bout du monde sous le sapin ? Telle est la question que pose le célèbre photographe et activiste écologiste Yann Arthus-Bertrand, à quelques jours des fêtes de fin d’année.

Comment faire en sorte que Noël soit aussi une fête pour la planète ? Pour Yann Arthus-Bertrand, il suffit de ne plus acheter « bêtement » et pour suivre la mode, mais d’offrir des « cadeaux humanistes, comme donner un don à des associations venant en aide aux réfugiés telle SOS Méditerranée », explique-t-il dans une interview accordée en décembre au Huffington Post.

À cette occasion, il pointe un paradoxe propre à cette période de consommation compulsive : se ruer dans les grands magasins, se faire bousculer dans les rayons pour acheter des produits fabriqués trop souvent au détriment d’autres humains ou de l’environnement et dis que ce n’est pas vraiment un cadeau à se faire à soi-même et à son prochain. YAB n’est pas un adepte du lèche-vitrine. L’an dernier, il a offert à ses enfants « un stage dans une ferme. Je trouvais que c’était un cadeau intéressant et intelligent. »

Ainsi, pour lui, désormais, l’esprit de Noël devrait être écoresponsable, soutient le photographe qui, du ciel, a trop vu la destruction de la Terre. Début décembre, il a lancé avec sa fondation Good Planet la troisième édition de son Marché de Noël écologique et solidaire : cinquante exposants ont proposé à la vente de jeux éducatifs, cosmétiques naturels, confiseries bio et autres produits à zéro déchet. Ces Pères Noël-là ne font pas des ordures.

« Il est trop tard pour être pessimiste. »

Par ses nombreux projets (documentaires Human et Planet Ocean, programmes Action Carbone Solidaire en 2017 et La solution est dans l’assiette lors de la COP 21, etc.), depuis des décennies Yann Arthus-Bertrand sensibilise l’opinion publique et agit sur le terrain pour « placer l’écologie au cœur des consciences ». C’est le leitmotiv d’un photographe qui a élargi sa focale au fil de ses reportages et qui a créé la fondation Good Planet en 2005.

« C’est génial qu’un pape soit capable de nous dire que le capitalisme détruit la planète. Je suis persuadé qu’aujourd’hui l’écologie doit être humaniste. »

On pourrait le croire résigné, catastrophé, à l’image des collapsologues et des scientifiques, qui ne cessent d’alerter les gouvernements sur cette Terre qui ne tourne plus rond depuis le premier Sommet de la Terre à Stockholm en 1972. En 2009, n’avait-il pas déclaré dans une interview accordée aux Échos que « nous avons dix ans pour changer notre façon de vivre. Après, l’inertie sera telle qu’on ne pourra plus jamais revenir en arrière » ? Nous y sommes…. Est-il trop tard ? Il ne le croit pas comme le confiait Matthieu Ricard récemment sur Europe 1 : « J’en parlais récemment avec Yann, il avait une phrase que j’aime beaucoup : « Il est trop tard pour être pessimiste ». Le moine bouddhiste dont les photos de son dernier livre, Émerveillement, ont été exposées cet automne dans les jardins de Good Planet, le rejoint dans son approche.

Pas question de baisser les bras ni de tomber dans le « y-a-qu’à », YAB se mobilise plus que jamais, appliquant au quotidien cette citation du poète et philosophe martiniquais Édouard Glissant : « Agis en ton lieu, pense avec le monde ». De l’agronome visionnaire René Dumont – premier candidat à se présenter à une élection présidentielle sous étiquette écologiste en 1974, dont tout le monde se moquait, mais qui tapa dans l’œil du jeune photographe -, à la jeune Suédoise Greta Thunberg qu’il qualifie de « miracle », l’activiste semble ne pas avoir perdu foi en l’homme et se mobilise sans compter face aux enjeux environnementaux.

Une écologie spirituelle

La révolution verte passera-t-elle forcément par un bouleversement spirituel ? Au fil de ses prises de parole, Yann Arthus-Bertrand semble le croire. Il évoque, pêle-mêle, la compassion, la méditation qu’il pratique depuis quelque temps et œuvre pour se transformer pour préserver l’habitat commun.

En octobre 2018, dans le cadre de la sortie de l’encyclique du pape François, Laudato si, qu’il avait illustrée (1), Yann Arthus-Bertrand saluait dans une interview accordée à La Croix un texte « altermondialiste » : « C’est génial qu’un pape soit capable de nous dire que le capitalisme détruit la planète. Je suis persuadé qu’aujourd’hui l’écologie doit être humaniste, et c’est pour cela que ce texte est très fort (…) Malheureusement, nous assistons aujourd’hui à une sorte de résignation, alors que ce monde est en train de s’écrouler. Or, le spirituel peut aider à reprendre conscience de ce à quoi nous assistons. Ce n’est malheureusement pas le cas du politique ».

À cette occasion, il en profitait pour brocarder « une sorte de religion de la croissance », dont le monde serait prisonnier : « Or cette croissance, qui est le rêve absolu de tous les pays du monde, est en train de détruire la vie sur Terre. On a l’impression que cela ne s’arrêtera jamais. Pour nous sortir de là, que nous faut-il ? La révolution ne sera pas scientifique : on ne va pas remplacer les 95 millions de barils de pétrole que le monde consomme chaque année. Elle ne sera pas non plus économique, car l’économie ne veut que la croissance, qui demeure le Graal absolu de tous les chefs d’État. Je ne vois qu’une seule voie possible : la révolution spirituelle. Une révolution qui passe par le rappel de valeurs éthiques, morales, par l’humanisme. Qu’est-ce que je peux faire pour que les choses aillent dans le bon sens ? Personne ne m’oblige à mettre de l’essence dans ma voiture ni à manger de la viande : c’est cette réflexion-là, profonde, qu’il nous faut avoir », concluait-il.

Du pape François au moine bouddhiste Matthieu Ricard, de la sobriété heureuse de Pierre Rabhi à la citation de l’ancien président uruguayen José Mujica : « Toute notre vie, on travaille pour acheter, mais à la fin de notre vie, on ne peut pas la racheter ».

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Fabrice Groult

Fabrice Groult est un aventurier, photographe et bouddhiste qui parcourt le monde depuis son plus jeune âge. Après avoir étudié le bouddhisme en Inde, il s'est engagé dans un voyage de dix-huit mois à travers l’Asie qui l'a mené jusqu'en Himalaya, où il a découvert sa passion pour la photographie. Depuis, il a parcouru le monde pour capturer des images de beauté et de sagesse bouddhiste. Il a été guide pendant dix ans, et est aujourd'hui journaliste chez Bouddha News.

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