En cette matinée hivernale de janvier, il est à peine 9h quand les nonnes, dans leur toge marron et flanquées d’un bonnet assorti, cueillent des branchages pour décorer la salle d’accueil où arrivent déjà les premiers participants. Estelle, 28 ans, une habituée des journées Wake Up et de la Maison de l’Inspir, située à Noisy-le-Grand en bord de Marne, aide une sœur à disposer harmonieusement les branches. Richard, un fidèle depuis 2011, arrive. Puis Alexandre. Puis Myriam…
En moins de dix minutes, la salle s’est remplie d’une vingtaine de jeunes. Ici, on ne fait pas la bise, on ne tend la main. Mais on se serre dans les bras « en pleine conscience sur trois respirations », raconte Alexandre, vingt ans, après avoir salué Anaïs. Les cheveux ondulés, un look volontiers baba cool, il parle d’une voix calme et posée. « Je viens ici depuis deux ans, une fois par mois pour les week-ends méditation ouverts à tous. Mais c’est ma première journée Wake Up ». Autrefois nerveux et stressé, il a connu le monastère et s’est initié à la méditation grâce à un ami. Depuis, sa vie a changé. « Je sais gérer mes crises d’angoisse et fais de la marche méditative tous les jours en allant au travail », raconte cet étudiant en BTS de cuisine.
Alors qu’il va se servir une tasse de thé, une cloche retentit doucement : un rituel de l’enseignement de Thich Nhat Hanh pour nous ramener à notre pleine conscience. Pendant une minute, le silence envahit la salle. Tous ferment leurs yeux pour se concentrer sur leur respiration. Tout au long de la journée, cette cloche retentira.
Pour une société saine et compatissante
« Se réunir dans la pratique des Cinq Entraînements à la Pleine conscience pour prendre soin de nous-mêmes, développer le bonheur et contribuer à la formation d’une société plus saine et compatissante : telle est l’intention du mouvement Wake Up », explique Dao Son, venu avec sa fille de six ans qui médite déjà depuis deux ans. « Cette éthique offerte par le Bouddha est une pratique concrète de l’amour véritable et de la compassion, montrant la voie vers une vie harmonieuse les uns avec les autres et avec la Terre » expose-t-il. Nul hasard donc, à ce qu’il ait proposé pour l’édition 2019 la thématique « Écologie, Humanité et Bonheur véritable : ce que nous apprennent les peuples premiers ».
C’est alors que démarre véritablement cette journée avec la projection d’un documentaire sur les Jarawas, un peuple premier des îles indiennes Andamann, amené à nous faire réfléchir sur le sens du bonheur, de la possession. « Regardez-le comme une méditation », nous disent les monastiques qui encadrent cette journée. Puis, dans le silence, la sangha Wake Up quitte la salle pour la traditionnelle marche méditative sur les bords de Marne. Un autre rituel clé de l’enseignement de Thay : « Nous courons trop après le temps, allons toujours vite et sommes ultra sollicités avec mille et une activités », explique l’une des sœurs présentes. « Alors ce temps de marche est nécessaire pour nous relier à nous, nous recentrer, dans le silence et la lenteur ».
« Cette éthique offerte par le Bouddha est une pratique concrète de l’amour véritable et de la compassion, montrant la voie vers une vie harmonieuse les uns avec les autres et avec la Terre »
Des marches méditatives, les groupes Wake Up en organisent régulièrement, que ce soit à Paris, en Province, ailleurs en Europe ou dans le monde : partout où des groupes locaux Wake Up se sont constitués. « C’est mon moment préféré », confie Myriam, 38 ans, musulmane et office manager dans les assurances. Si elle n’appartient pas au groupe Wake Up de Paris, créé en 2012, elle vient au moins un dimanche par mois aux journées méditation de la Maison de l’Inspir. « Il y a cinq ans, j’ai lu un article sur la méditation, car j’étais trop speed. Je suis venue ici pleine de préjugés. Ce fut une révélation et depuis, je suis accroc à la méditation ! Cela a eu des changements très positifs qui rejaillissent aussi sur mon fils », observe-t-elle.
« Le partage », une écoute empathique
Retour à la « Maison », où un repas offert par les organisateurs nous attend. Assis en cercle dans la salle de méditation, nous déjeunons en silence, toujours dans cette pleine conscience. Ce n’est qu’après une longue relaxation axée sur les cinq sens que nous pouvons « briser » le silence pour ce moment tant attendu de la journée : le partage où chacun pourra se dévoiler sans peur d’être jugé. « On peut dire librement ce que l’on a sur le cœur ou une émotion, et comme personne ne va répondre ou réagir, on se sent pleinement accueilli et surtout pas jugé », témoigne Kevin. Une écoute empathique précieuse pour ces jeunes dont beaucoup se retrouveront demain dans un dojo à Bastille, où le groupe parisien Wake up se réunit tous les dimanches