Soûtra de l’Entrée dans la dimension absolue

- par Henry Oudin

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Lire un Soûtra de plus de 600 pages est-il à la portée de chacun ? Peut-être, si l’on s’y plonge comme un enfant dans un conte de fées, une histoire chaque soir. Le sinologue et tibétologue Patrick Carré s’est attelé à une œuvre incroyable et nous offre des années d’effort, assurément pleines de mérites ! Il a traduit du chinois au français, le récit initiatique du jeune Sudhana, à l’origine composé en sanskrit (Gandavyihasutra). Désireux d’étudier la conduite des bodhisattvas, Sudhana formule cette requête auprès du grand bodhisattva Manjushri. Celui-ci, ayant reconnu que le jeune homme avait « engendré l’esprit de l’insurpassable Éveil authentique et parfait », l’envoie chercher « de véritables amis de bien ». Ainsi débute le « périple de Sudhana », divisé en une cinquantaine de chapitres narrant les rencontres successives du jeune homme avec des êtres aussi extraordinaires que variés. Ils s’appellent moine Bonne vue, parfumeur Lotus Bleu, courtisane Amie des Dieux, déesse Printanière… Chacun agit en ami spirituel transmettant à Sudhana son approche de la dimension absolue sous l’aspect d’une pratique méditative.

Dans les pas de Sudhana

Le lecteur curieux ou érudit lira ces textes dans l’ordre pour vivre la progression spirituelle de Sudhana en même temps que le héros. Mais rien n’empêche de se plonger dans un chapitre au hasard, juste pour le plaisir de savourer l’une de ces rencontres hors du commun. Sur fond d’arbres aux fruits d’ambroisie, de fontaines tapissées de poudre d’or et de parcs débordant de joyaux, des êtres doués de sagesse profonde lui (nous) dispensent des conseils précieux. L’ensemble est orné d’inspirantes photos de bas-reliefs représentant Sudhana et ses maîtres successifs, richesses provenant du mandala-temple-stoûpa de Borobudur sur l’île de Java en Indonésie.

Sudhana avait « engendré l’esprit de l’insurpassable Éveil authentique et parfait ».

Le Soûtra de l’Entrée dans la dimension absolue, en tant que tel, constitue le tome 2 d’un diptyque magnifiquement présenté dans un coffret enluminé. Le premier volume, destiné aux lecteurs avancés, rassemble plusieurs textes destinés à approfondir notre compréhension du Gandavyuhasutra et de son contexte de traduction. On y apprend que ce Soûtra correspond à la dernière partie (les vingt derniers rouleaux) du Soûtra des Ornements du Bouddha, traduit du sanskrit en chinois par Siksananda en 699. Patrick Carré met en avant la vie romanesque de trois personnages de la Chine du VIIe siècle, qui ont compté dans l’histoire du Soûtra : la terrible impératrice Wu Zhao, impératrice régnante au prix du sang, et adepte du bouddhisme ; le moine lettré Fazang, le plus grand enseignant des Ornements du Bouddha à cette époque. Quant à l’ermite Li Tongxuan, son grand commentaire du Soûtra des Ornements du Bouddha, dit le Traité, a tant éclairé Patrick Carré qu’il a tenu à le partager. Ainsi, la traduction en français de la partie du Traité consacrée au Soûtra de l’Entrée dans la dimension absolue révèle celui-ci sous des lumières toujours plus profondes.

Enfin, les fins connaisseurs du bouddhisme tibétain s’intéresseront à l’analyse comparative esquissée par Patrick Carré. Le traducteur s’est interrogé sur les différences entre ce Soûtra et les tantras, et sur la prétendue supériorité de ces derniers en ce qui concerne la bouddhéité parfaite. Vaste débat, auquel il n’est nul besoin d’adhérer pour goûter à la joie de Sudhana au fur et à mesure de ses réalisations.

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Henry Oudin

Henry Oudin est un érudit du bouddhisme, un aventurier spirituel et un journaliste. Il est un chercheur passionné des profondeurs de la sagesse bouddhiste, et voyage régulièrement pour en apprendre davantage sur le bouddhisme et les cultures spirituelles. En partageant ses connaissances et ses expériences de vie sur Bouddha News, Henry espère inspirer les autres à embrasser des modes de vie plus spirituels et plus conscients.

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