Explosion de fleurs de cerisiers. Lanternes japonaises au garde-à-vous. Le parc oriental de Maulévrier s’est mis sur son trente-et-un, ce dimanche 7 avril, pour célébrer Hanami. Au Japon, c’est une coutume multiséculaire. Elle remonte au VIIIe siècle, à la période Nara. Dès les premières fleurs, les Japonais partent pique-niquer en famille ou entre amis sous les cerisiers pour profiter de leur entrée en pleine floraison.
À Maulévrier, à une dizaine de kilomètres de Cholet, Didier Touzé, le chef jardinier du parc, et son équipe peaufinent les derniers préparatifs avant l’ouverture au public prévue à midi. Ils finissent d’installer des voiles d’ombrages au-dessus de bâches bleues dressées sur la pelouse, pour accueillir les visiteurs qui viendront y déjeuner. Tout est fin prêt. Les petites fleurs blanches nimbées de rose des Prunus serrulata Accolade lévitent au-dessus du grand parterre d’herbe vert tendre qui s’étend en contrebas du château Colbert. Les carpes Koï multicolores frétillent dans leurs bassins non loin d’opulentes fleurs de magnolias asiatiques roses et pourpres en pleine floraison. Tout comme les azalées en forme de trompette. Outre son attrait esthétique, Hanami revêt une dimension spirituelle. La floraison ne durant que quelques semaines (parfois quelques jours seulement), cette fête populaire symbolise l’impermanence des choses, la fragilité de l’existence.
Cyprès chauves et bonsaïs
13 heures. Des visiteurs grimpent sur un sentier qui zigzague au milieu des hêtres, des séquoias, des cyprès chauves et autres ginkgos en direction du salon de thé planté sur une hauteur dominant le parc. Sous un auvent dressé sur une pelouse, des cuisiniers servent des bentos, des paniers-repas emplis d’aliments sculptés, décorés et découpés avec soin. Au menu : soupe miso, saumon grillé, poulet frit (karaage), porc pané frit (tonkatsu), gâteaux de riz et thé. La file s’allonge devant l’étal des cuisiniers et se poursuit le long du salon de thé en direction de la serre aux bonsaïs.
Sur les rives de l’étang, tout est redevenu plus calme. Après avoir franchi le pont khmer et ses sculptures bouddhiques, dont celle du Dieu Garuda tenant dans ses griffes le naja à sept têtes, on grimpe sur un sentier qui serpente en pente douce en direction de la pagode surmontée d’un clocheton de style japonais. En contrebas, un jardin étonnant symbolise les âges de la vie : la naissance est représentée par une source jaillissant d’un bloc de rochers, l’enfance par un ruisseau, l’adolescence par un bassin calme prolongé par une chute d’eau, l’âge adulte et la vie professionnelle par les méandres d’un cours d’eau légèrement sinueux et la vieillesse par un étang, symbole de sagesse et de méditation. L’immortalité est, elle, incarnée par le grand étang qui occupe les 3/10es des douze hectares de la partie orientale d’un parc qui en compte vingt-six.
La floraison ne durant que quelques semaines (parfois quelques jours seulement), la fête d’Hanami symbolise l’impermanence des choses, la fragilité de l’existence.
Des ifs hors d’âge taillés en nuages (ou niwaki) se dressent au-dessus d’un gracieux pont de bois peint en rouge-orangé qui révèle son caractère sacré. Un pont relie les deux petites îles du paradis : celle de la grue (associée au ciel et au cosmos) et celle de la tortue (le fond des mers), qui symbolisent toutes deux le Ying et le Yang, la cohabitation harmonieuse entre deux extrêmes. Accroché à une colline, le jardin de méditation, dissimulé dans un sous-bois, est un havre de paix. Il fait bon s’y promener bercé par le bruissement de la brise qui agite le feuillage léger d’arbres caducs et par les clapotis de l’eau de la cascade en contrebas.
Un parc de la période Edo
Le parc oriental de Maulévrier a été aménagé entre 1899 et 1913 par Alexandre Marcel, un célèbre architecte orientaliste – auquel on doit notamment le cinéma La Pagode à Paris -, avant d’être restauré dans les années 1980. Racheté par la commune de Maulévrier, sa gestion a été confiée, depuis, à une association qui s’est employée à le restaurer. En 1987, c’est la consécration : le parc est reconnu par des spécialistes des universités de Tokyo et de Niigata comme un parc de promenade japonais emblématique de la période Edo (1600-1868). Le lieu n’est pourtant pas entièrement de style nippon. On y trouve aussi un temple bouddhiste et une pagode khmère réalisés par Alexandre Marcel pour l’Exposition universelle de 1900, avant d’être achetés par ses soins pour être installés dans son parc du Val de Loire.
Le 7 avril, à l’occasion de la fête des cerisiers, Maulévrier a accueilli plus de 2700 visiteurs en une journée. « Un record », explique Hervé Raimbault, le directeur de ce lieu en plein développement qui reçoit 130 000 visiteurs par an. « Nous continuons de restaurer le parc et de planter, nous l’enrichissons chaque année de 500 nouveaux végétaux », souligne-t-il. L’hiver dernier, les jardiniers ont abattu des acacias et des douglas pour libérer de l’espace afin de planter des cerisiers Prunus yedoensis, des cèdres du Japon (Cryptomeria japonica) et des ginkgos