Philippe Rei Ryu Coupey : Une vie hors des clous au service de zazen

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Ancien disciple de Taisen Deshimaru, Philippe Coupey est un maître de l’école Zen Soto. Depuis quarante-cinq ans, il partage sa vie entre la pratique de zazen et l’écriture.

Il a l’assurance tranquille des fils de bonne famille, les yeux rieurs et le sourire en coin de ceux qui ont vécu plusieurs vies. « Je n’arrive pas à rester dans les clous », glisse-t-il mi-figue, mi-raisin. Né à New York en 1937 dans une riche famille, il a été, tour à tour, après des études de littérature à l’université Saint Lawrence de Big Apple, prospecteur d’uranium, peintre en bâtiment, assistant social, traducteur et éditeur. « J’ai passé pas mal de temps à vivre dans le désert et dans la prairie en tant que prospecteur d’uranium », explique-t-il, le front plissé et le regard au loin, assis dans sa chambre au Domaine de Bordigné, dans la Sarthe, où il est venu, fin février, diriger la sesshin Sans Demeure. « C’était costaud. Nous étions tous armés, et parfois, il fallait que l’on s’en serve. Il était difficile de rester dans la légalité. On était parfois dans l’illégalité, mais sans jamais faire de mal à autrui. J’ai connu les tribunaux et passé des moments de ma vie en prison. »

Adepte du yoga et du karaté

La vie de cet adepte du yoga et du karaté a pris un nouveau cours quatre années après son arrivée en France en 1969, peu après les événements de 1968. Tout s’est joué en 1972, au Dojo zen de Pernety, le jour où il a rencontré celui qui deviendra son maître : Taisen Deshimaru. Il est devenu rapidement l’un de ses plus proches disciples et a travaillé, à ses côtés, à l’écriture de plusieurs livres transcrivant ses enseignements comme La Voix de la Vallée (1979), Le Rugissement du Lion, Zen Rinzai et Soto Zen (1994) et Zen et Budo (2014).

Depuis quarante-cinq ans, Philippe Rei Ruy Coupey, ordonné moine et devenu l’un des enseignants de la première génération du Zen Soto, vit au rythme de zazen. Levé tous les jours à 5h30, il rejoint le dojo zen de Paris bien avant la séance qui commence à 7h30. Il a créé sa propre sangha en 2001, la Sangha Sans Demeure qui réunit quelque 300 pratiquants en France et en Allemagne principalement. Il est, depuis de longues années, enseignant et référent spirituel d’une trentaine de dojos en France, en Allemagne, en Angleterre et en Suisse. Sa vie se partage entre zazen et l’écriture. « Il ne se prend pas pour Dieu. Il ne se met pas à part, tout en étant conscient de son rôle. Il est proche de ses disciples. Il a conscience de ses défauts et travaille dessus », explique sans fard Françoise Sho Jaku Lesage, devenue sa disciple quelques années après la disparition d’Étienne Zeisler. À Paris, ils sont une bonne vingtaine à pratiquer tous les matins sauf le lundi. Il y a trois zazen par jour, matin, midi et soir. Philippe Coupey y enseigne le mercredi. « L’enseignement se fait aussi au quotidien en allant prendre un café avec Philippe. On peut aussi l’appeler quand on en a besoin. Sa porte est toujours ouverte. Quand ma mère est décédée, c’est lui qui a été la première personne que j’ai appelée. Il m’a dit : « Passe » et on a parlé », raconte Juliette Heymann, devenue l’une de ses disciples à la fin des années 1990.

Un Conseil de la Sangha Sans Demeure

Le maître zen s’emploie depuis quelques années à passer le relais à certains de ses disciples. Quarante d’entre eux dirigent, aujourd’hui, des sesshins en France, en Allemagne et en Suisse. En 2019, il a commencé à mettre en place un Conseil de la Sangha Sans Demeure pour l’aider dans son fonctionnement, « assurer sa continuation et son développement et éviter sa dispersion », selon ses propres mots. « Pour que nous puissions continuer ainsi, si je me retire un peu, et aussi quand je ne serai plus là », écrivait-il en août 2019 dans une lettre d’information.

« Philippe ne se prend pas pour Dieu. Il ne se met pas à part, tout en étant conscient de son rôle. Il est proche de ses disciples. Il a conscience de ses défauts et travaille dessus. »

En 2006, favorable à une autonomie par rapport à la tutelle ecclésiastique japonaise, Philippe Coupey s’est prononcé en faveur de l’autonomie du Dojo Zen de Paris. Résultat ? Il lui a été interdit, pendant huit ans, de diriger des camps d’été à la Gendronnière, le navire amiral du Zen Soto en Europe. Il dit avoir compris et accepté cette sanction. « Maintenant que j’ai pris un peu de distance, j’ai un pied dans l’Association Zen Internationale (l’AZI, créée dans les années 1970 par maître Deshimaru, est la plus ancienne et la plus importante association zen en Europe) et un pied dehors. Et c’est beaucoup mieux », souligne-t-il.

En 2011, Philippe Coupey a initié le Réseau Zen Simple Assise. Son objectif ? Permettre aux disciples de Deshimaru qui ont quitté l’Association Zen Internationale (AZI) pour créer leur sangha dans toute la France et en Europe de se retrouver une fois par an, tout en conservant, chacun, leur autonomie. « Nous sommes différents, mais nous pouvons pratiquer ensemble. J’ai été aussitôt convoqué par l’AZI qui pensait que cette initiative avait été lancée par défiance à leur égard. Ce n’est pas du tout le cas. Tout le monde est le bienvenu dans le Réseau Zen simple assise », glisse-t-il les yeux brillants.

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Sophie Solère

Sophie Solère est une journaliste économique et sociale qui s'intéresse depuis des années à l'environnement et à l'interdépendance. Elle travaille pour Bouddha News, une plateforme de médias dédiée à la spiritualité et à la sagesse bouddhiste. En pratiquant le yoga et la danse méditative, Sophie a découvert le pouvoir des voyages spirituels, qui offrent tant de chemins pour se (re)trouver. Elle se consacre à partager avec les lecteurs de Bouddha News des histoires inspirantes et des conseils précieux sur la pratique spirituelle et l'environnement.

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