Olivier Germain-Thomas : quand les rencontres bouddhistes faites sur les chemins d’Asie deviennent le miel du quotidien…

- par Henry Oudin

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Éternel curieux, Olivier Germain-Thomas a toujours conçu et pratiqué la philosophie sans frontières. Inspiré par l’Inde et le bouddhisme, l’écrivain témoigne de ses aventures asiatiques dans plusieurs de ses livres. Il retrouve dans la voie du Bouddha, toutes écoles confondues, une force pour développer la compassion et l’amour bienveillant. Un trésor accessible à tous, quelle que soit sa culture ou sa religion.

Le magnolia n’est plus en fleurs, en ce début mai. Olivier Germain-Thomas reçoit notre appel sur un banc, derrière un beau bâtiment normand ancien, le centre de cure ayurvédique de Tapovan (Seine-Maritime). Le lieu, verdoyant et paisible, s’apprête à accueillir ses 11es journées littéraires et artistiques, sur le thème des « visages de l’amour ». Pour l’ancien producteur de radio de France Culture, aujourd’hui âgé de 75 ans, « ces rencontres sont l’occasion d’élever des ponts entre la culture européenne et la pensée indienne ».

Cette envie de connaître les autres cultures habite Olivier depuis toujours. Étudiant curieux des pensées du monde, inscrit à un cursus de lettres et de philosophie à la Sorbonne, il décide rapidement de ne pas se cantonner à l’étude des sagesses grecque et européenne. « Je me disais qu’il y avait, ailleurs, des hommes et des femmes qui, depuis des siècles, voire des millénaires, réfléchissaient aux grandes questions universelles : celles du temps, de la mort, de l’amour, du sens de la vie, de l’origine du monde, etc. ». À 24 ans, il se lance donc dans un doctorat sur l’esthétique de la philosophie bouddhique des premiers siècles. Il part en Inde où sa démarche universitaire prend une tournure spirituelle dans cet autre monde. Ce premier voyage lui permet d’approcher la richesse des fêtes hindoues, des pèlerinages, mais aussi les relations complexes entre les castes, les hommes et les femmes. Dans cet immense pays, voyager en train est un moment de fraternité magnifique où des inconnus avec qui il partage quelques heures, n’hésitent pas à lui demander ce qu’il pense de Dieu…

La méditation Vipassana, le rayonnement du Vajrayana et la force du Zen

Il retournera souvent dans ce pays qui le fascine. Au fil des ans, ses nombreuses pérégrinations sont émaillées de rencontres lumineuses. Olivier se souvient notamment d’un homme, assis, qui gardait le site, à Sanchi, haut lieu du bouddhisme dans le centre du pays. « J’ai trouvé dans cet être modeste une belle simplicité liée à une authentique sagesse. Pas de grands mots, mais un « être là », présent à ce qui était ». Puis c’est la rencontre avec maître Goenka, de tradition Theravada, l’un des plus grands enseignants de la méditation Vipassana. L’écrivain participe, sous son autorité, à une dizaine de jours de méditation intense. À la fin du stage, il doit rester immobile pendant cinq heures. « Quand ça s’est terminé, j’ai eu l’impression que presque rien ne s’était passé, que le temps était comme une feuille de papier », se souvient-il.

De retour en France, il continue son voyage intérieur au contact d’autres maîtres. Au centre de Karma Ling, en Savoie, Kalou Rinpoché, grand maître du bouddhisme tibétain, le marque profondément. « Ça n’a duré qu’une heure, mais c’était suffisant pour ressentir sa présence et l’intensité de son rayonnement ». Et, plus tard, il côtoie à plusieurs reprises le maître Zen Taïsen Deshimaru. « Il ne parlait pas très bien anglais, mais, parfois, le contact se passe de langage. J’ai aimé sa force vitale. »

Ces maîtres, Theravada, Vajrayana et Mahayana, sont ses points de repères. Pour Olivier, peu importent les véhicules et les écoles, l’essentiel est d’aborder le bouddhisme par la pratique : « Nous avons à l’intérieur de nous une force spirituelle qu’il nous faut déployer, par la méditation et la compassion ».

La réalité de l’impermanence

Olivier Germain-Thomas le reconnaît : « Il y a des périodes de ma vie où je ne pratique plus. Pour remédier à cette petite indiscipline, je médite parfois de manière plus intensive. Il m’est plus facile de pratiquer en groupe que seul dans ma chambre, même si je m’efforce de le faire quand je sens mon esprit disponible ». Mais, ajoute-t-il, « les pensées ne peuvent pas toujours être disciplinées. Parfois, elles viennent et m’agressent. Il ne s’agit pas de leur taper dessus, mais de les regarder en souriant à leur fugacité. Ça permet, dans la vie, de ne pas s’agripper à sa propre personne ni aux biens, car on sait que c’est éphémère. » L’éphémère, l’impermanence, l’un des piliers de la méditation.

« Il y a dans la Voie du milieu une spiritualité qui peut aider des athées, des chrétiens, des juifs, des musulmans à prendre conscience que nous avons en nous un trésor que la société moderne veut détruire, pour faire de nous, des consommateurs. »

Sur ces mots, la météo vient confirmer la loi de l’impermanence. Le vent perturbe la communication. « Il y a cinq minutes, je me trouvais en plein soleil, et voici des nuages qui annoncent la pluie », constate-t-il. Il essaie, à nouveau, de décrire son expérience méditative. Pas simple, même si le verbe est son métier. « Sans doute parce que l’écriture est stimulée par des passions, alors que la méditation consiste à s’en éloigner ». Ce dont il est certain, néanmoins, c’est que « la pratique nous met dans un état d’ouverture et de bienveillance tel qu’on accepte beaucoup plus l’éventuel mécontentement qui viendrait des autres ». Olivier partage tout cela avec sa femme, adepte de yoga, et ses quatre enfants : « Je leur présente la méditation en leur disant simplement que ça existe, que c’est puissant, lumineux, et que, désormais, c’est à eux de jouer s’ils le souhaitent ».

En nous, réside un trésor universel

Pour permettre au plus grand nombre de s’intéresser à cette philosophie de vie, Olivier Germain-Thomas a écrit des centaines de pages sur le bouddhisme. Essentiellement des expériences vécues au Japon et en Inde, ou auprès de maîtres tibétains en France. Il a également essayé de mettre le Dharma en lumière lors de ses 36 années en tant que producteur à France Culture, en invitant Taïsen Deshimaru, le Dr Jean-Pierre Schnetzler, Jacques Brosse, Philippe Cornu, des nonnes bouddhistes, et tant d’autres…

Le vent souffle fort. Il pleut des cordes maintenant, Olivier part s’abriter derrière un mur. « On parle de mon passé, mais malgré mon âge, j’ai toujours envie d’ouvrir des portes », dit joyeusement l’écrivain, qui insiste : « Le Dalaï-Lama répète qu’on peut très bien pratiquer la philosophie du Bouddha sans être bouddhiste. Cette tradition n’appartient pas à un peuple, à une culture ou à une époque. Avec le christianisme, c’est une des religions profondément universalistes. » Deux fois par an, Olivier, qui reste attaché à ses racines chrétiennes, fréquente des monastères bénédictins. Avant de se réfugier au chaud dans le centre où il réside, il précise un dernier point : « Il y a, dans la Voie du milieu, une spiritualité qui peut aider des athées, des chrétiens, des juifs, des musulmans à prendre conscience que nous avons en nous un trésor que la société moderne veut détruire pour faire de nous des consommateurs. » La tempête fait rage, mais Olivier reste optimiste. Le soleil sera sûrement de retour le soir-même. Telle est la réalité de l’impermanence

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Henry Oudin

Henry Oudin est un érudit du bouddhisme, un aventurier spirituel et un journaliste. Il est un chercheur passionné des profondeurs de la sagesse bouddhiste, et voyage régulièrement pour en apprendre davantage sur le bouddhisme et les cultures spirituelles. En partageant ses connaissances et ses expériences de vie sur Bouddha News, Henry espère inspirer les autres à embrasser des modes de vie plus spirituels et plus conscients.

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