Créé il y a quatre ans, le programme Peace (1) s’étale sur dix semaines, à raison d’un quart d’heure, deux fois par semaine. « On commence par le souffle et le corps », explique Élisabeth Couzon, formatrice et instructrice MBSR (2), lors d’une conférence sur la pleine présence à l’école à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), le 22 mai dernier. Auteure de nombreux ouvrages sur la pleine présence, elle intervient régulièrement pour l’Association Méditation dans l’Enseignement (AME). Associant le geste à la parole, Élisabeth Couzon montre ce qu’il convient de faire, inspire et expire, gonflant et dégonflant le dôme d’une balle avec ses mains… « Tout est très codifié », explique-t-elle. « Pour commencer, les jeunes s’aident de cette balle extensible pour apprendre à respirer selon des rythmes précis qui leur permettent de s’apaiser ou de se concentrer. Puis, ils « travaillent » l’ancrage et la verticalité par des méditations visualisant un arbre ; la concentration et l’attention au son des clochettes ou en écoutant les bruits environnants ; à appréhender leurs émotions, le stress, la confiance en soi, l’écoute, la bienveillance et l’altruisme. Et on termine par la capacité à transmettre », détaille-t-elle.
Le souffle du petit écureuil
Si les thèmes sont les mêmes de la maternelle au supérieur, la méthode pédagogique évolue. « Avec les plus jeunes, on utilise, par exemple, l’histoire du petit écureuil : on regarde comment il respire, sent son ventre, son corps », précise l’instructrice MBSR. Dans les établissements ayant expérimenté la méthode, « les effets positifs sont notables sur les qualités d’attention et de concentration. On observe également une diminution de l’impulsivité, une capacité à repérer ses émotions, les nommer, savoir les accueillir et les laisser glisser sans arriver à des comportements compulsifs », ajoute-t-elle.
Depuis deux ans, sa collègue Patricia Pinna fait également travailler des élèves du collège de Pont-Rousseau, à Rezé (Loire-Atlantique), sur ce programme. L’année dernière, toutes les classes de sixième, soit 152 élèves, l’ont pratiqué. Douze enseignants de l’école sont pleinement engagés dans la démarche, ainsi que des professeurs volontaires. Dans cet établissement, « lancer un tel programme n’a pas été sans difficulté, car il fallait trouver un juste milieu pour que le temps passé à pratiquer la méditation n’empiète pas sur l’organisation du contenu pédagogique ». Les résultats positifs étant indéniables, le collège souhaite continuer l’expérience l’année prochaine. « L’idée, désormais, c’est que les enseignants s’imprègnent de l’outil pour être libres de l’utiliser à tout moment ». Ainsi, les élèves de cinquième poursuivront l’expérience avec des professeurs formés. « On espère ensuite qu’ils continueront et feront des émules en quatrième et en troisième ».
Du village des Pruniers au programme Peace
Pour nourrir ses ateliers d’orientation laïque, Patricia Pinna admet s’inspirer de citations de Thich Nhat Hanh. De même pour Élisabeth Couzon, qui s’est initiée à la pleine conscience au village des Pruniers, où elle a rencontré le grand maître zen vietnamien. L’instructrice MBSR a également suivi plusieurs retraites Vipassana. Dans le programme Peace, elle retrouve tout ce qu’elle a appris : « La présence sert de fil conducteur : se changer soi pour changer le monde ».
« Quand je demande à un enfant comment il a pratiqué la méditation et qu’il me répond : « À la récréation, on m’a donné un coup de pied, moi j’ai respiré », et qu’un autre me dit que sa maman était en colère, qu’il l’a donc prise par la main et l’a invitée à respirer avec lui, je sais que je n’ai pas perdu mon temps ». Élisabeth Couzon
« L’éducation du futur sera beaucoup plus ouverte à l’intuition et à la pensée sensible », ajoute Florent Pasquier pendant la conférence. Il forme les futurs professeurs en master éducation et enseignement à La Sorbonne. « Le souffle, la conscience du souffle et la répartition du souffle sont des méthodes dont l’école peut s’emparer au moment de la récréation par exemple ». Le maître de conférences, qui se dit « très inspiré par les principes bouddhiques – impermanence, non-dualité, conscience globale, respect de la vie et d’autrui – », se réjouit de pouvoir utiliser des outils issus de la méditation dans un cadre laïque.
Savoir-être et savoir devenir
Tous l’affirment, cette pratique permet le développement de compétences transversales, liées au savoir-être et au savoir devenir : créativité, capacité de coopération et de dialogue, prise de recul. « Des facultés encouragées, depuis 2005, par la création du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, qui peut tout à fait inclure les pratiques méditatives », précise Florent Pasquier. Elles sont par ailleurs défendues dans d’autres textes officiels, notamment la Convention internationale des droits de l’enfant, qui stipule qu’il doit être associé à toutes les décisions qui le concernent. « Il n’y a rien à inventer, il y a juste à trouver les moyens les plus adéquats pour exploiter ces outils », insiste l’universitaire.
Pour Élisabeth Couzon, les résultats sont très encourageants pour la suite. « Quand je demande à un enfant comment il a pratiqué la méditation et qu’il me répond : « À la récréation, on m’a donné un coup de pied, moi j’ai respiré », et qu’un autre me dit que sa maman était en colère, qu’il l’a donc prise par la main et l’a invitée à respirer avec lui, je sais que je n’ai pas perdu mon temps ».
Même satisfaction du côté des enseignants qui y gagnent en détente et en présence. « Ils n’ont pas besoin d’avoir du charisme. Ils sont juste là. Et quand on est là, dans le cœur, les enfants le sentent ».