C’est à peine si Ismael, onze ans, ne tire pas la main de sa maman pour arriver plus vite au Temple. Son blouson et ses chaussures enlevés, il monte directement à la salle de méditation. On sent qu’il connaît bien les lieux que sa mère et lui ont découverts l’an dernier, lors de « la Journée de la Paix ». Mais pour Ulysse, quatre ans, c’est une première ! Avec son doudou Bambi collé sous le bras, il ne lâche pas la main de son père Charlie, un habitué du Temple. « La méditation aide les enfants à s’ancrer, se concentrer et gérer leurs émotions. J’aimerais qu’il ait une approche de cette pratique et qu’après, en grandissant, il puisse continuer à développer cela ». Pour sa première classe, il restera avec lui.
Identifier ses émotions
Dans cette salle baignée de soleil où les boiseries colorées brillent de plus belle, l’ambiance est joyeuse et chaleureuse. Dominique accueille les enfants avec un sourire qui d’emblée met en confiance. Enseignante en maternelle, bouddhiste et pratiquant la méditation, elle sait y faire avec eux. « Nous allons faire ensemble de nouvelles expériences avec Yupsi le dragon, et allons avoir la même curiosité qu’un martien qui découvrirait ce monde pour la première fois », annonce-t-elle, en présentant les trois objets joliment disposés sur un coussin : la peluche Yupsi, des cloches pour marquer le début et la fin de chaque session, et la pierre de parole pour le partage de ce que l’on a vécu.
Ulysse, captivé, écoute Dominique qui démarre sa classe avec un travail sur les émotions. À l’aide de cartes où sont dessinés des visages expressifs, elle demande aux enfants de s’en servir pour dire comment ils se sentent là maintenant. « Reconnaître ses émotions et les comportements qu’elles génèrent est central dans mon enseignement », explique-t-elle. Beaucoup de petits sont submergés par leurs émotions. « Quand ils apprennent à identifier dans leur corps où et comment elles se manifestent, quand elles arrivent, ils y sont plus attentifs et peu à peu, les laissent moins s’enflammer ».
Raisin, coton et bol d’eau pour développer une forme de Pleine conscience
En compagnie de Yupsi, Dominique apprend aux enfants à développer la concentration sur les cinq sens. Pour cela, elle utilise des « objets de transition ». « Un enfant ne peut pas imaginer une situation, il doit la vivre sensoriellement pour la comprendre et l’intégrer ».
Dans leurs petites mains, elle dépose un raisin sec. Assis, les enfants touchent, sentent, goûtent, les yeux fermés. S’ensuit le bol d’eau : un bol à moitié rempli qu’Ismael et Ulysse se passent sans en faire tomber une goutte.
Puis, l’exercice se complique : en marchant, elle leur demande de se concentrer. « Prenez conscience de vos pieds sur le sol ».
Puis, elle sort un coton. « On va le passer sur toutes les parties de notre corps pour porter notre attention à notre corps et le sentir ». En passant le coton dans son cou, Ulysse s’exlame « Ça chatouille ! ». Tandis qu’Ismael, imperturbable et n’ayant quasiment pas bougé de sa posture en tailleur depuis le début de la séance, respire lentement en faisant cet exercice.
« La gratitude est l’un des chemins, avec la compassion : deux des valeurs bouddhistes que je véhicule aux enfants. »
A l’aide du bol, Dominique travaille ensuite la concentration sur l’écoute. « Écoutez les sons du bol et aussi tous les autres sons, dans la pièce et même à l’extérieur ». Pour elle, cet exercice développe tant l’écoute extérieure qu’intérieure.
Avec les enfants dit-elle, « je cherche à développer l’attention aux autres et à soi, à ses besoins, à ses émotions, à ses ressentis dans son corps et dans son cœur. Cela leur apprend comment développer cette conscience intérieure pour accueillir plus tard les émotions et les situations comme elles se présentent ». Son souhait ? « J’aimerais qu’en grandissant, ces enfants qui ont développé ces petites graines de sagesse voient le verre à moitié plein et non vide, et sachent se réjouir des choses positives qui leur arrivent. C’est surtout à cela que la méditation peut leur servir. »
Trésors de gratitude
Comme elle le fait chaque semaine avec ses élèves de maternelle, elle choisit de clore la séance par un moment de gratitude. « La méditation, ce n’est pas pour se calmer, c’est pour apprendre à vivre mieux. La gratitude est l’un des chemins, avec la compassion, pour y parvenir. Ce sont deux des valeurs bouddhistes que je véhicule aux enfants ».
A la fin de la séance, elle leur demande de mettre symboliquement dans un coffre des petits trésors de gratitude : quelque chose qui les a rendus bien et heureux dans la semaine. Charlie prend la parole : « J’y mets le plaisir d’avoir pu partager ce moment avec mon fils. C’était très important pour moi ». Ismael lui, choisit de déposer « la joie qu’il a ressentie en donnant à sa prof de français un haïku qu’il avait écrit ». Et Ulysse, son Bambi contre lui, lâche dans un grand bâillement de détente : « Je veux dormir. Ça m’a fait du bien au corps et je ne veux plus partir ».
En classe de 6e, Ismael retire de ces séances de méditation beaucoup de calme intérieur qui l’aide à gérer son stress aux contrôles, à mieux se concentrer et dormir quand il refait dans son lit quelques exercices. « J’ai découvert la méditation l’an dernier et je savais que cela pouvait m’apporter quelque chose. Maintenant, ça fait un peu partie de ma vie, et venir ici me fait partager de beaux moments », précise-t-il avec fierté, tendant son « cahier de méditation » à Dominique pour qu’elle y colle des images ou des pensées… à méditer