Un premier espace, très aéré, offre repères chronologiques et géographiques sur les développements doctrinaux et l’expansion géographique du bouddhisme. Le propos de l’exposition y est résumé par le biais de deux œuvres phares. Le grand rouleau tibétain donné au musée par le collectionneur C.T. Loo en 1929 relate les épisodes de la vie du Bouddha, de son avant-dernière existence dans le Ciel des Satisfaits au partage des reliques. Les scènes correspondant à des événements survenus après le sermon de Sarnath ne se voient accorder qu’une importance mineure dans cette peinture, dont les auteurs semblent s’être fondés sur le texte du Lalitavistara. Le plus beau Bouddha Maravijaya des collections thaïlandaises fait pendant à cette célèbre peinture tibétaine. Issue de l’école de Sukhothai et datée du XVe siècle, cette pièce, qui figure le Bouddha prenant la Terre à témoin au cours des assauts de Mara, illustre une iconographie particulièrement prisée en Asie du sud-est.
Sur les pas du Bouddha
Après une évocation des existences antérieures, le découpage de l’exposition, clair et didactique, suit les diverses étapes de la vie du Bouddha, de sa naissance et des prodiges qui l’auréolent à la grande extinction (Mahâparinirvâna), détaillant les épisodes marquants de sa jeunesse, puis les Quatre Rencontres qui le menèrent au renoncement puis à l’Éveil, ainsi que les moments marquants de sa vie « publique ». Une riche sélection d’œuvres de datation et de provenance variées est organisée autour des célèbres thankas xylographiés de la suite ramenée du Tibet par Jacques Bacot, explorateur et tibétologue, au début du XXe siècle.
Deux incises dans ce parcours abordent les bases de l’iconographie du Bouddha et, un peu plus loin, la formation de la communauté monastique avec un choix d’œuvres évoquant la figure de l’arhat, de l’Inde au monde chinois. Cette dernière section présente plusieurs œuvres que le public peut découvrir pour la première fois : des peintures japonaises sur le thème des 16 arhats, attribuées à Kano Kazunobu et ramenées du Japon par Émile Guimet lui-même en 1876, ou encore les trois arhats chinois en porcelaine correspondant sans aucun doute à une commande impériale du XVIIIe siècle. Y figurent également plusieurs kesas (vêtements liturgiques du bouddhisme japonais) que leur fragilité ne permet pas d’exposer de manière régulière.
Une peinture khmère datée du XVIIIe siècle faisait partie, semble-t-il, du cabinet de curiosité du château de Versailles, dont les précieux objets servaient à l’éducation des enfants de Louis XVI.
L’exposition se clôt sur un ensemble impressionnant de représentations du Bouddha, de toutes provenances et de toutes époques, illustrant l’extraordinaire diversité de l’image du Bienheureux.
Un Bouddha ascète en réponse au tremblement de terre de 2011
Les œuvres exposées appartiennent presque toutes aux collections permanentes du musée. Les visiteurs fidèles retrouveront donc, présentés sous un autre jour, des objets qui leur sont familiers. Néanmoins, un nombre non négligeable de pièces ont été pour l’occasion sorties des réserves, et le cas échéant spécialement restaurées. Quelques acquisitions récentes, achats ou donations sont également visibles pour la première fois. C’est ainsi le cas d’une œuvre japonaise contemporaine du sculpteur japonais Takahiro Kondo. Profondément marqué par le tragique tremblement de terre de 2011, l’artiste répond à la catastrophe par cette œuvre en céramique, exécutée d’après un moulage réalisé sur son propre corps. En posture de yogi aisément reconnaissable, la figure pourrait évoquer la silhouette du bouddha ascète. Tout à la fois image de vie et de mort, positionnée dans l’exposition là où l’on aurait pu souhaiter – dans l’idéal, le magnifique Bouddha ascète du musée de Lahore -, cette œuvre, quoique ne représentant pas directement le Bienheureux, a toute sa place dans une évocation de la vie du Bouddha.
De Louis XVI aux souverains mandchous
Deux prêts exceptionnels ont été consentis. Une peinture khmère datée du XVIIIe siècle -ancienneté exceptionnelle pour une œuvre sur textile en provenance d’un pays de climat tropical – appartient aux collections du musée du Quai Branly-Jacques Chirac. Elle figure un thème cher à l’Asie du Sud-Est : les dix grands jâtakas illustrant les dix perfections que tout pratiquant, à l’image du futur Bouddha, se devrait idéalement de mettre en application. Outre son intérêt iconographique, cette pièce présente également la particularité d’être arrivée en France très tôt, puisqu’elle faisait partie, semble-t-il, du cabinet de curiosité du château de Versailles, dont les précieux objets servaient à l’éducation des enfants de Louis XVI. De son côté, le musée chinois de l’impératrice Eugénie du château de Fontainebleau a prêté un impressionnant stûpa en cuivre doré et incrusté de turquoises daté du milieu du XVIIIe siècle. Le raffinement de cette pièce spectaculaire laisse penser qu’il s’agissait d’une commande impériale, provenant peut-être de l’empereur Qianlong lui-même. Les souverains mandchous parrainaient en effet le bouddhisme tibétain.
On aura garde d’oublier qu’Émile Guimet, fondateur de l’institution qui est aujourd’hui devenue le musée national des arts asiatiques, avait à l’origine eu le projet d’un musée des religions au sein duquel le bouddhisme occupait une place de choix. Cette exposition consacrée à la vie du Bouddha, qui était en germe depuis plusieurs années, est donc pleinement justifiée en ses murs. Profitez des mois d’été pour la découvrir