Ariya Baumann : de l’Europe à la Birmanie sur la voie du Vipassana

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Alors qu’elle enseignait la danse et la musique, Ariya Baumann a quitté son pays, la Suisse, pour voyager. Un périple qui l’a conduite à être nonne en Birmanie pendant vingt-et-un ans auprès du maître Sayadaw U Janaka. Depuis son retour en Suisse, elle enseigne le Vipassana dans le monde entier et a repris une vie bien active, guidée par la méditation qu’elle pratique depuis ses seize ans.

« J’ai reçu une éducation protestante. À l’adolescence, je ne voulais plus seulement croire à ce qui était écrit dans la Bible. Je pensais qu’il y avait une dimension plus absolue de Dieu et de l’amour dont je pourrais faire l’expérience par moi-même. J’ai alors lu des livres sur le bouddhisme, dont Siddhartha de Herman Hesse et Le Zen dans l’art du tir à l’arc d’Eugen Herrigel, qui m’ont beaucoup marquée. C’était le début de ma pratique. J’avais seize ans », raconte Ariya , à l’aune de ses soixante ans. Cette « étincelle » allait s’allumer pour toujours avec la découverte de la méditation et du bouddhisme.

« Je voulais partager le Dhamma »

Dans son élégante tunique ajustée en soie rose qui souligne sa silhouette svelte et son beau port de tête, Ariya a vécu jusqu’à la trentaine entre son piano et les studios de danse, enseignant ces deux disciplines. « Je ne pouvais imaginer une vie de plénitude et de bonheur sans. » Mais, avec le temps, un désir plus profond fait surface : celui « d’être dans le monde pour le bien-être des autres et partager le Dhamma. Ça venait de mon cœur », avoue-t-elle d’une voix posée.

Dans les années 90, baroudeuse dans l’âme, elle enfile son sac à dos et part en Australie puis en Birmanie dans l’idée d’aller y méditer quelques semaines. Sa rencontre avec le maître de Vipassana, Sayadaw U Janaka, change le cours de sa vie. Elle reste vingt-et-un ans auprès de lui et découvre la force de concentration. « Il nous apprenait à être attentif à chacun de nos mouvements et actions quotidiennes en les ralentissant au maximum. J’ai alors réalisé que l’attention à chaque perception du corps, du cœur et de l’esprit représente le caractère principal de la méditation Vipassana ». Et approfondit trois valeurs clés qui guideront sa pratique et ses enseignements : « metta », la bienveillance ; « sati », l’attention, la pleine conscience, et « sila », la vertu. « J’étais si curieuse de continuer cette pratique que j’ai suivi le maître dans son monastère de Yangon avec la volonté d’être ordonnée nonne pour soutenir ma volonté à chaque pas que je faisais. » Le maître qu’elle définit comme étant « celui qui permet à l’humain de prendre conscience de ses capacités à contrôler son esprit ».

Birmanie : une nonne…

Vêtue de ses nouvelles robes de religieuses prêtes en soixante-douze heures, elle s’immerge pendant trois mois dans le monde de la méditation : « Un voyage intérieur bien plus riche que ceux que j’avais faits en parcourant le monde », lâche-t-elle sur un ton amusé. Puis reconduit ce trimestre une fois, deux fois, trois fois… « Après trois ans, j’ai soudain réalisé que j’étais toujours religieuse en Birmanie. Le plus étonnant était que ni le chant ni la danse, ni même jouer du piano ne me manquaient ! Au contraire, je n’avais jamais été aussi heureuse et sereine de ma vie ! J’ai donc décidé de rester. »

« Les Birmans ont beaucoup de respect pour les moines, mais hélas très peu pour les religieuses qui n’ont pas droit à l’ordination complète. Ne vivant que d’offrandes, il leur est difficile de survivre en ne sortant que deux fois par semaine, alors que les moines peuvent sortir quotidiennement ».

Plus surprenant encore, ce choix d’une vie religieuse « n’a pas été vraiment conscient », affirme Ariya. « C’est par la voie de l’ordination provisoire que j’ai trouvé mon chemin ». Elle apprend le birman et s’engage dans la vie quotidienne du centre, devient « manager » des activités pour les Occidentaux, s’occupe des méditants, des plannings, de l’accueil, traduit les entretiens et les enseignements… « Pour moi, ce n’était pas vraiment une vie monacale. J’étais active et cela me plaisait beaucoup. Vivre dans une communauté de nonnes aurait été bien différent », soupire-t-elle, l’air triste. Le statut des nonnes en Birmanie et leur dure vie monastique l’a beaucoup choquée.

… Révoltée

« C’était déprimant de voir leur lutte quotidienne pour leur survie », se souvient-elle. « Les Birmans ont beaucoup de respect pour les moines, mais hélas très peu pour les religieuses qui n’ont pas droit à l’ordination complète. Ne vivant que d’offrandes, il leur est difficile de survivre en ne sortant que deux fois par semaine, alors que les moines peuvent sortir quotidiennement ». Révoltée par cette inégalité, impuissante face à l’ancrage séculaire de la culture birmane, elle fait tout pour changer la donne. Elle commence alors à enseigner dans le centre de Sayadaw U Janaka. « J’étais l’une des si rares femmes à le faire ! Pour les entretiens que j’organisais avec le maître, j’allais à contre-courant des coutumes qui veulent que ce soit d’abord les moines, les hommes, les nonnes puis les femmes. J’ai fait exactement l’inverse ! », s’amuse-t-elle, en laissant un rire franc jaillir spontanément.

En 2000, avec l’accord de son maître, Ariya part enseigner la méditation en Australie, aux États-Unis et en Europe. Et passe de moins en moins de temps en Birmanie. Une amie l’appelle même « la religieuse volante ». En octobre 2013, après vingt-et-un ans, elle décide de retirer sa robe de religieuse bouddhiste, convaincue que le retour à la vie civile est « le bon choix ». À sa grande surprise, « cette deuxième métamorphose se passe de manière toute aussi naturelle et aussi doucement que la première ».

De la prothèse à l’Himalaya !

Suite à des métastases osseuses en 2012, elle est amputée d’une jambe. S’occupant alors de ses parents malades et âgés, elle décide de rester en Suisse. « On me donnait un an ou deux à vivre. Mes priorités étaient : méditer et aider mes parents », se rappelle Ariya, aujourd’hui « orpheline ». Sa voix est joyeuse, son regard serein, ses yeux brillants quand elle se raconte : « Du pied au genou, j’ai une jambe artificielle, mais je peux tout faire ! Je roule en vélo, grimpe dans les montagnes, même dans l’Himalaya ! J’ai été sportive toute ma vie et la prothèse n’est pas un problème. La santé physique est importante pour la santé mentale : un esprit sain dans un corps sain ».

Aujourd’hui, elle retourne écouter des concerts de Bach et rejoue du piano. « Jouer est une forme de méditation. Il faut être très présent pour sentir ses doigts toucher le clavier et écouter le son. Un jour, j’ai réalisé que mon prof de piano avait été mon premier prof de méditation. » Elle enseigne également le Vipassana aux quatre coins du monde. « Dans tout ce que je fais, la méditation est là ! » Son prochain voyage va la conduire en Birmanie et au Ladakh pour suivre les projets de son association Metta in Action. La pratique de la compassion n’a pas de frontière.

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Sophie Solère

Sophie Solère est une journaliste économique et sociale qui s'intéresse depuis des années à l'environnement et à l'interdépendance. Elle travaille pour Bouddha News, une plateforme de médias dédiée à la spiritualité et à la sagesse bouddhiste. En pratiquant le yoga et la danse méditative, Sophie a découvert le pouvoir des voyages spirituels, qui offrent tant de chemins pour se (re)trouver. Elle se consacre à partager avec les lecteurs de Bouddha News des histoires inspirantes et des conseils précieux sur la pratique spirituelle et l'environnement.

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