Localisé dans l’État du Maharashtra, à cent kilomètres environ au nord d’Aurangabad, le site fut redécouvert fortuitement en 1819 par un groupe de soldats britanniques dont l’attention fut attirée, au cours d’une partie de chasse ou de manœuvres militaires, par l’arche surplombant l’entrée de l’une des grottes, visible par-dessus la luxuriante végétation.
L’ensemble compte une trentaine de grottes dont les plus anciennes furent excavées au cours des deux siècles précédant le début de l’ère chrétienne. Mais l’âge d’or d’Ajantâ correspond aux Ve et VIe siècles de l’ère chrétienne. La dynastie Gupta régnait alors sur tout le nord de l’Inde et entretenait des relations cordiales – parfois renforcées par des alliances matrimoniales – avec les souverains Vâkâtaka, installés dans le nord du Deccan. On doit à ces derniers la création de la majorité des grottes, mais l’extraordinaire impact de la culture gupta se ressent de manière très marquée sur l’art d’Ajantâ.
Les Vâkâtaka, comme les Gupta, étaient d’obédience hindoue. Mais, conformément à l’idéal du souverain parfait, ils se faisaient un devoir de veiller à faire régner l’harmonie entre les diverses religions présentes dans leurs États. Ils protégeaient donc aussi le bouddhisme et certains très hauts personnages de leur cour – plusieurs ministres même – financèrent manifestement des constructions sur le site, comme en témoignent plusieurs inscriptions.
Des grottes sublimes, un patrimoine universel unique
Deux types de grottes coexistent à Ajantâ. Cinq sont des « chaitya », terme qui désigne, à l’origine, un lieu sacré, qu’il soit naturel ou édifié par l’homme. Le chaitya de l’architecture excavée est une longue salle voûtée terminée en abside et comportant deux bas-côtés. Un stûpa, comportant parfois une niche abritant un bouddha, se dresse au centre de l’abside. La façade est un mur-écran percé de portes et surmontée d’une grande ouverture en fer à cheval formant auvent et assurant l’éclairage à l’intérieur de l’édifice.
Les autres grottes sont des « vihara », résidences monastiques semble-t-il, salles quadrangulaires de taille très variable comportant sur un côté une véranda ouverte sur l’extérieur et sur les trois autres côtés, les cellules destinées aux moines. Les plus anciens vihara sont d’une grande simplicité, sans colonnes intérieures, et n’abritent pas d’image du Bouddha. Puis apparaît dans le mur du fond un petit sanctuaire abritant une statue ou un groupe sculpté, doté d’une antichambre.
Certaines grottes, demeurées inachevées, ont un grand intérêt technique, car elles permettent de comprendre les différentes étapes de l’excavation. La façade et la véranda étaient réalisées avant l’intérieur que l’on commençait par le haut, avec l’aménagement et le décor du plafond, avant de descendre progressivement jusqu’au niveau du sol, tout en laissant les réserves de pierre nécessaires à la réalisation des colonnes.
La peinture à Ajantâ
Paradoxalement, les sujets sont religieux, mais par leur facture, par les compositions et leur décor, les peintures d’Ajantâ permettent d’imaginer ce que pouvait être la riche tradition de peinture profane de l’époque, aujourd’hui en grande partie disparue. Les artistes, appartenant sans doute à des ateliers itinérants, travaillaient aussi bien sur des commandes religieuses que séculières et incorporaient forcément à leurs créations les références esthétiques traditionnelles. La palette, restreinte pour les exemples les plus anciens, s’enrichit par la suite, tout en privilégiant des teintes que l’on pourrait qualifier d’automnales. Les pigments étaient d’origine essentiellement minérale. Techniquement, les peintures d’Ajantâ ne sont pas des fresques, terme trop souvent utilisé à tort pour les désigner. La surface à peindre était nivelée et nettoyée avant de recevoir plusieurs couches d’enduit. Le dessin était tracé avec des bâtonnets de charbon puis repris au pinceau avant application des pigments liés à l’aide d’une colle.
Les peintures traitent presque exclusivement de ce que l’on peut appeler la « légende dorée » du Bouddha : vies antérieures, récits édifiants et épisodes de la vie du Bouddha Shakyamuni.
Les compositions sont foisonnantes et de ce fait parfois déconcertantes, avec de savants groupements des personnages et de subtiles transitions d’une scène à l’autre. Le traitement des personnages témoigne d’une étonnante maîtrise du modelé et des effets de reliefs suggérant la plénitude des formes.
Les scènes narratives se déploient essentiellement sur les parois, parfois sur les piliers comme dans la grotte 10, qui est le plus ancien chaitya du site. Les plafonds, en revanche, sont ornés de motifs géométriques et floraux dans la plupart des cas et la palette employée est plus claire.
L’iconographie du site, sculptures et peintures, ressort du Hinayana comme du Mahayana.
L’encadrement de porte de la grotte 4, datée du VIe siècle, présente ainsi un très beau relief figurant le bodhisattva sauveur des huit grands périls, faisant face à une image du Bouddha enseignant. La chapelle de ce même vihara abrite un Bouddha assis encadré par les bodhisattvas Vajrapâni et Padmapâni.
Les peintures traitent presque exclusivement de ce que l’on peut appeler la « légende dorée » du Bouddha : vies antérieures, récits édifiants et épisodes de la vie du Bouddha Shakyamuni. Source d’inspiration dominante pour les peintures les plus anciennes, une trentaine de jâtaka sont illustrés, et certains d’entre eux, qui semblent avoir joui d’une grande popularité, sont plusieurs fois représentés. Puis, avançant dans le temps, les épisodes de la vie du Bouddha Shakyamuni prennent une place croissante.
Mais l’identification de bien des scènes reste encore incertaine et parfois âprement discutée entre spécialistes.
La valeur exceptionnelle des peintures d’Ajantâ apparût très tôt évidente et force fut de constater leur dégradation accélérée après la découverte du site. Dès 1844 fut donc mis en place un Conseil chargé de la conservation des sanctuaires et de faire exécuter des copies des peintures. Le peintre Robert Gill, ancien officier de l’armée britannique, devait passer 27 années de sa vie en Inde pour remplir cette dernière mission, suivi par plusieurs autres. La première campagne de restauration fut lancée en 1920.
Aujourd’hui, devant l’afflux des touristes, la question est régulièrement posée de limiter plus strictement l’accès au site.