Tristan Lecomte : être ou ne pas être bouddhiste

Publié le

En l’absence de portrait-robot, comment savoir ce qu’est être bouddhiste ?

En Thaïlande où je vis, je rencontre parfois des gens qui me confient avec un petit sourire : « Je ne suis pas un bon bouddhiste, je vais rarement au temple, je médite peu ». Ceci, alors même que ces personnes sont un exemple vivant de l’enseignement du Bouddha, de lâcher-prise et de compassion.

Viennent alors ces phrases du Bouddha qui résonnent en moi (1) :

« Ne crois pas aux enseignements, y compris les miens, tant que tu n’en fais pas l’expérience par toi-même.
Ne crois pas sur la base uniquement de l’autorité de tes enseignants et doyens.
Ne crois pas aux traditions, juste parce qu’elles ont été transmises depuis plusieurs générations.
Mais si après avoir observé et analysé, tu penses qu’un principe est conforme avec la raison et bénéficie à l’humanité, accepte-le et vis-le. »

Le bouddhisme serait-il caractérisé par une démarche de questionnement, de remise en cause des règles établies ? Une démarche d’honnêteté intellectuelle et spirituelle, d’engagement aussi, d’action plus que d’acte de foi, que pourrait faire chaque pratiquant qui le souhaite, et qui consisterait à observer ses pensées, ses convictions et à les questionner librement. En somme, remettre en cause les principes mêmes du bouddhisme, serait-il être bouddhiste ?

Libérez-moi… du « moi » !

Poussons la provocation un peu plus loin. Les Quatre Nobles Vérités (2) invitent à cesser de s’identifier au mental, à l’ego pour s’en libérer. Prendre conscience que le « je » n’est pas une entité en soi, stopper le flux des projections et désirs qui amènent invariablement de la frustration et la souffrance, se libérer du moi qui emprisonne, « Not I, Not me, Not mine », tel serait le défi du bouddhisme ? Le nirvana n’est-il pas décrit comme un état intérieur où l’individu est libre de ses conditionnements habituels ?

Dans ces conditions, se revendiquer bouddhiste, se définir comme tel, n’est-il pas contradictoire ? Toute identification à une forme extérieure religieuse, toute inscription dans des rites, n’est-elle pas un obstacle pour le pratiquant, une forme d’attachement spirituel, qui le conditionne et l’éloigne de l’objectif véritable du bouddhisme ?

Se libérer du moi qui emprisonne, « Not I, Not me, Not mine », tel serait le défi du bouddhisme ?

Ainsi, vouloir libérer le « moi » de toute « étiquette », comme le fit le Bouddha en son temps, serait l’une des composantes de la voie. Une composante indicible qui se vit. Nous savons qu’après avoir réalisé l’Éveil, le Bouddha ne souhaita pas enseigner. Son enseignement prit différentes formes au cours des années et s’adapta toujours aux dispositions intellectuelles des disciples qui le lui demandaient. À titre personnel, je suis particulièrement touché par ce moment où pour toute réponse, il se contenta de faire tourner une fleur entre ses doigts. Cette simplicité, cette manière d’aller, sans mot, au cœur des choses, m’incite pour comprendre ce que signifie « être bouddhiste », à observer la nature et ma propre nature intérieure, et à questionner le chemin lui-même.

En procédant ainsi, je découvre la loi de l’impermanence, les causes de la souffrance, la loi de cause à effet… En procédant ainsi, je ne suis pas nihiliste et je ne considère pas non plus le bouddhisme comme une spiritualité qui vante le néant, mais je déconstruis mes croyances et me libère des rites et artifices inhérents à la religion.

J’aime l’idée que la prise de refuge dans le Bouddha, le Dharma et le Sangha est, pour moi, le point de départ, le socle qui, paradoxalement, me permet de me libérer de mes croyances. Je ne prétends pas que cette approche (3) exigeante qui me conduit à questionner sans relâche mes croyances est la voie, mais elle me donne du recul sur ce que je pense et ce que je crois être ou devoir être. C’est pourquoi je voulais le partager ici, pour aider ceux qui le souhaitent à trouver leurs propres réponses

Photo of author

François Leclercq

François Leclercq est le fondateur de Bouddha News, site internet qui a pour but de diffuser des informations et des conseils pratiques sur le bouddhisme et la spiritualité. François Leclercq est né et a grandi à Paris. Il a étudié le bouddhisme à l'Université de Paris-Sorbonne, où il est diplômé en sciences sociales et en psychologie. Après avoir obtenu son diplôme, il s'est consacré à sa passion pour le bouddhisme et a voyagé dans le monde entier pour étudier et découvrir des pratiques différentes. Il a notamment visité le Tibet, le Népal, la Thaïlande, le Japon et la Chine.

Laisser un commentaire