Comment est née l’idée de ce film ?
Je réalise des films pour les chaînes de télévision Discovery, History, etc. Cette activité peut s’avérer stressante vu les deadlines… Il m’arrivait de perdre mon sang froid, notamment avec mes enfants ; je n’étais pas le père que je voulais être. Un jour, j’ai découvert le magazine Mindful ; il m’a intéressé et j’ai commencé à pratiquer la Mindfulness, car cette méditation laïque me convenait. Je la pratique depuis douze ans, aussi ai-je décidé de réaliser un documentaire qui présente une approche non-religieuse de la méditation : la qualité d’attention au moment présent.
Quels ont été vos instructeurs ?
Je n’ai pas étudié de façon formelle, j’ai suivi des méditations guidées, j’ai lu et participé à des retraites.
Quelle est l’évolution de la Mindfulness ces dernières années aux États-Unis ?
Elle est de plus en plus populaire, même si des malentendus subsistent, car on l’associe parfois au bouddhisme ou à d’autres courants spirituels. Alors que la méditation laïque, préconisée par le docteur Kabat-Zinn, existe dans la police, les écoles… Et c’est précisément la distinction entre le religieux et le laïc qui a permis sa diffusion.
Quel statut la société américaine accorde-t-elle à cette pratique ?
Il y a de plus en plus de laïcs aux États-Unis, d’où sa progression, mais aussi parce qu’elle est compatible avec une appartenance religieuse, comme en témoigne Tim Ryan, un politicien de confession catholique : il ne perçoit pas d’antagonisme entre ses croyances religieuses et sa pratique méditative.
Vos interlocuteurs évoquent souvent la souffrance comme catalyseur de leur engagement…
En effet, c’est le plus souvent à cause de leurs souffrances qu’ils sont amenés à la Mindfulness ou, comme moi, à cause d’un burn-out, d’une tension nerveuse. Mais pour la majorité, la motivation première reste le stress.
La pratique de Mindfulness est-elle devenue un outil de santé mentale plus qu’un enseignement philosophique ?
C’est une façon de se relaxer. Les recherches scientifiques ont découvert qu’un même niveau de détente est atteint en pratiquant qu’avec un tranquillisant, et que cela améliore les fonctions cérébrales. La plupart des gens y viennent donc par désir de se détendre, même s’ils y trouvent autre chose plus tard, comme une amélioration de leurs relations personnelles. Car avec l’approfondissement de la pratique, on se rend compte que les relations s’améliorant, on arrive à aider les autres. On aurait tendance à associer la méditation à une action égoïste, parce qu’on se centre sur soi, mais en avançant, on réalise qu’en soulageant sa propre souffrance et en modifiant sa relation aux autres, on agit sur la société.
Était-ce cette idée que vous souhaitiez démontrer dans votre film ?
Je tenais à éclaircir des malentendus à propos de la Mindfulness et expliquer ce qu’est cette pratique, en quoi elle sert la société… Car elle ne s’adresse pas qu’à des gens aisés, tout le monde peut y accéder, des enfants aux vétérans, pour lesquels ont été mis en place des programmes publics.
« On aurait tendance à associer la méditation à une action égoïste, parce qu’on se centre sur soi, mais en avançant, on réalise qu’en soulageant sa propre souffrance et en modifiant sa relation aux autres, on agit sur la société. »
Lors d’un entretien avec Joe Biden à propos de l’affaire George Floyd, Trevor Noah suggérait l’instauration d’équipes de travailleurs sociaux pour seconder le travail de la police. Que pensez-vous d’une formation à la Mindfulness pour la police ?
C’est en train de se faire et je m’en réjouis. Car l’affaire George Floyd a montré à quel point la police a besoin de développer son intelligence émotionnelle. On ne peut pas leur demander de tenir le rôle de travailleurs sociaux et d’appliquer en même temps la loi : le rôle de la police est d’enrayer le crime. Et la pratique de la Mindfulness les aiderait à utiliser leur intelligence émotionnelle lors de situations difficiles, afin qu’ils soient capables de garder le contrôle de leurs émotions et de considérer l’autre comme un être humain plutôt que d’appliquer des jugements hâtifs : il est déprimant de voir autant de gens incarcérés dans ce pays. La mise en pratique de la Mindfulness améliorerait sûrement cette situation.
L’introduction de la Minfulness dans la vie sociale est-elle synonyme de la « révolution silencieuse » évoquée dans le film ?
C’est ce que croit Diana Winston : la possibilité de changer le monde grâce à la pratique. Et je le pense aussi. Mais la transformation de la société prendra du temps, les manifestations actuelles le prouvent. L’espoir, c’est l’enseignement de la Mindfulness dans les écoles aux enfants.
Que vous a apporté la pratique de la Mindfulness ?
Cela m’a aidé à ne pas sauter sur des conclusions et à garder mon sang-froid. Et même s’il m’arrive encore de me mettre en colère, je suis plus présent. Comme l’annonce le livre du journaliste Dan Harris, 10% percent happier, je suis dix% plus heureux. Car être conscient de ses pensées, de ses émotions, transforme l’existence, et c’est cela que j’ai souhaité exprimer en montrant une option laïque, qui le permet. On peut aussi pratiquer la Mindfulness en mangeant, en marchant, pas seulement en étant assis. Et puis, il faut essayer d’agir de façon « mindful ».
Car c’est un outil de non-violence…
En effet. C’est le cas pour la police, en prison et à l’école, où cela enseigne une alternative à la violence physique. Dans le contexte actuel des manifestations et du questionnement sur les violences policières, il s’agit d’un enjeu déterminant. C’est la raison pour laquelle j’ai réalisé ce film : pour dire à quel point il importe que ce mouvement, en progression, continue de grandir.