Règle d’or et moment axial : le monde au temps de Bouddha

- par Henry Oudin

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Il y a 2500 ans de cela, le bouddhisme est né dans un moment de création spirituelle et sociale sans équivalent dans l’histoire.

Le Bouddha historique a délivré son message dans un contexte précis, en Inde, il y a environ vingt-cinq siècles. C’est un temps unique dans l’histoire mondiale, où les sociétés d’Asie et d’Europe connaissent une effervescence, une expansion démographique et des échanges commerciaux de plus en plus nombreux.

Le moment axial

Qu’on en juge ! En même temps que se font jour les enseignements de l’Éveillé, de nouvelles pensées émergent partout : en Chine, Confucius enseigne comment être un homme de bien. Autour du personnage probablement mythique de Lao-Tseu se posent les bases du taoïsme. Peu de temps après, les légistes théorisent les premiers États modernes (ainsi que l’absolutisme). Et en réaction, Mo-Zi met en œuvre le moïsme, une utopie communautariste préfigurant les rêves communistes.

En Méditerranée, Pythagore enseigne mystique et mathématiques, et bien d’autres philosophes grecs s’apprêtent à diffuser des idées qui bouleverseront la planète. En Iran, le prophète Zoroastre a popularisé la vision d’un monde voué à l’Apocalypse et disputé entre les ténèbres et la lumière. Alors que les Hébreux, déportés à Babylone (actuel Irak), consolident leur invention du Dieu unique qui fédérera plus tard le christianisme et l’islam. En Inde, c’est l’apparition du bouddhisme, l’évolution du jaïnisme (1) sous la forme qu’il a aujourd’hui avec le sage Mahâvira, et l’institutionnalisation du brahmanisme, plus tard appelé hindouisme.

Le message du Bouddha, de Confucius, du Prophète hébreux Isaïe et des autres s’adresse, non plus aux gens de leurs communautés, mais à tous les humains. Bouddha et ses contemporains créent des sagesses universelles, pour tous.

Il faut comprendre dès lors que le message du Bouddha apparaît dans un contexte très précis. Il y a deux mille cinq ans sont fondées les sagesses, religions et idéologies qui sont aujourd’hui à la base de quasiment tous les systèmes de pensée que l’on utilise aujourd’hui (en mettant de côté les rares traditions survivantes des peuples « autochtones », tel le chamanisme, devenues largement minoritaires). Ce moment exceptionnel a été baptisé par le philosophe allemand Karl Jaspers l’« âge axial ».

La Règle d’or

Toutes les pensées citées (bouddhisme, jaïnisme, confucianisme, taoïsme, philosophies grecques, monothéisme des Hébreux, zoroastrisme…) ont en commun, comme l’a fort bien démontré Olivier Du Roy (2), de reposer sur la Règle d’or : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse. » Ce n’est plus un interdit simple comme ceux qui fondaient la vie avant les grandes révélations (ex. : « Tu ne tueras pas ton voisin »), des commandements simples qui permettaient de régler la cohabitation dans des sociétés fermées, sans grands rapports avec l’extérieur.

À partir du moment où les sociétés deviennent plus denses, les échanges beaucoup plus nombreux, l’humanité plébiscite des modes d’interactions inédits. Le message du Bouddha, de Confucius, du Prophète hébreux Isaïe et des autres s’adresse, non plus aux gens de leurs communautés, mais à tous les humains. Bouddha et ses contemporains créent des sagesses universelles, pour tous. D’où cette formulation en double négation, qui oblige à concevoir ses rapports avec autrui sur la base de la réciprocité.

Avec les religions universelles apparaissent les empires universels, premiers États structurés sur une économie réellement monétarisée. Car la monnaie est inventée au même moment, en trois endroits au moins de l’Eurasie.

Sagesses, argent et États formaient un triptyque fondateur. Toutes les sociétés qui ont existé depuis ont combiné ces éléments : les grandes philosophies et religions de la coexistence, les États ayant vocation à organiser la cohabitation de tous, et l’argent pour assurer les échanges. C’est l’équilibre entre les trois forces qui cimente nos sociétés. L’argent accroît les inégalités, car il est facilement accaparé par les plus entreprenants, les sagesses appellent à partager pour soulager les tensions, et l’État arbitre dans un sens, ou dans l’autre, en prélevant et en redistribuant. Il en est ainsi depuis 2500 ans.

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Henry Oudin

Henry Oudin est un érudit du bouddhisme, un aventurier spirituel et un journaliste. Il est un chercheur passionné des profondeurs de la sagesse bouddhiste, et voyage régulièrement pour en apprendre davantage sur le bouddhisme et les cultures spirituelles. En partageant ses connaissances et ses expériences de vie sur Bouddha News, Henry espère inspirer les autres à embrasser des modes de vie plus spirituels et plus conscients.

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