La religion dominante et officielle à l’époque était le brahmanisme, qui s’appuyait sur les écritures sacrées, les Veda et Upanishad. Elle affirmait que tous les êtres vivants sont soumis au saṃsara, un enchaînement perpétuel de vie, de mort et de renaissance, et dont ne pouvaient s’échapper que les brahmanes, en fusionnant l’âme individuelle (atman en sanskrit) avec l’âme universelle (Brahman), et ceci grâce aux rites sacrificiels et aux formules magiques, dont ils étaient les seuls détenteurs. Les autres castes, c’est-à-dire la grande majorité des gens, se retrouvaient ainsi exclues de tout espoir de délivrance.
Une pensée révolutionnaire
C’est alors que la pensée du Bouddha est apparue, particulièrement originale et novatrice, on pourrait même dire révolutionnaire. D’une part, le Bouddha ne reconnaît pas l’autorité des écritures sacrées, et réfute l’existence de l’âme individuelle et de l’âme universelle. D’autre part, il propose une vision radicalement différente du monde, reposant sur trois principes fondateurs : les Quatre Nobles Vérités, les Trois Caractéristiques de l’existence et le Principe de conditionnalité ou d’interdépendance (paṭicca-samuppada en pali).
Les Quatre Nobles Vérités constituent la pierre angulaire de la philosophie bouddhique :
- La première vérité est la constatation de la souffrance humaine, ou l’insatisfaction, l’imperfection, le mal-être (dukkha en pali)
- La deuxième concerne les causes de cette souffrance, qui sont la soif ou l’avidité, la colère ou la haine, l’ignorance ou l’illusion, encore appelées les « Trois Poisons ». Ceux-ci, par la loi du karma, c’est-à-dire de cause à effet, entraînent inéluctablement de la souffrance.
- La troisième est la possibilité d’extinction, de cessation de la souffrance, en éliminant systématiquement ses causes.
- La quatrième est la voie qui mène à l’extinction, à la cessation de la souffrance, consistant en une conduite de vie juste et bonne, appelée l’Octuple sentier de la sagesse.
En énonçant les Quatre Nobles Vérités, le Bouddha a fait preuve d’une véritable démarche médicale, en quatre étapes : diagnostic nosologique, diagnostic étiologique, pronostic et traitement. Il peut donc être considéré comme un grand médecin de l’âme.
Le message du Bouddha est clair et simple : la souffrance de chaque être humain, quel qu’il soit, est liée à sa conduite.
Par les Trois Caractéristiques de l’existence, il entend l’impermanence (anicca en pali ; le non-soi : anatta en pali) et la souffrance, qui sont intimement liées.
L’impermanence, c’est la loi du changement inhérent à toute existence : tout change sans cesse, rien ne dure, rien n’est éternel. C’est l’attachement aux choses que l’on voudrait être permanentes qui est source de souffrance.
Le non-soi signifie que chaque individu n’est pas une entité réelle établie, mais seulement une agrégation provisoire d’éléments corporels et mentaux, sans cesse changeants. C’est l’attachement à cette illusion du moi, du mien, qui nous fait souffrir.
Enfin, le principe de conditionnalité ou d’interdépendance occupe une position centrale dans le bouddhisme : tous les phénomènes sont conditionnés les uns par les autres, formant un immense maillage dans l’univers, interconnecté, interdépendant, interagissant. Le maître Thich Nhât Hanh a utilisé le terme « inter-être » en prenant comme exemple une feuille de papier, où se retrouvent aussi bien l’arbre d’où elle tire la substance, que la terre, l’eau, et le soleil qui nourrissent l’arbre, le bûcheron qui l’abat, l’usine qui le transforme en papier, la papeterie qui le vend et l’écolier ou l’écrivain qui l’utilise… Nous « inter-sommes » tous, nous sommes tous reliés par des liens invisibles. D’où la nécessité de vivre en harmonie, avec bienveillance et compréhension mutuelle, entre humains, mais aussi avec le monde animal, végétal et minéral.
Ainsi, le message du Bouddha est clair et simple : la souffrance de chaque être humain, quel qu’il soit, est liée à sa propre conduite, et c’est par ses propres efforts, et non grâce aux dieux ou aux puissances surnaturelles, qu’il parviendra à la délivrance.