Professeur Tu-Anh Tran : « La maladie peut être une porte d’entrée vers une vie plus intense. »

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Chef de service de pédiatrie au CHU de Nîmes, le professeur Tu-Anh Tran utilise depuis plus de dix ans la méditation pour soigner ses jeunes patients. L’automne dernier, il a publié un livre, Méditasoins : petites méditations pour grands maux de l’enfant, dans lequel il évoque les bienfaits de cette méthode non médicamenteuse qui soulage et parfois guérit.

Comment en êtes-vous venu à utiliser la méditation pour soigner vos patients, enfants et adolescents ?

Tout a commencé en 2007 quand je travaillais à l’hôpital Bicêtre à Paris dans le centre de référence des maladies rhumatologiques et inflammatoires de l’enfant. Il me semblait alors qu’il n’y avait pas de distinction franche entre les maux d’origine organique et ceux d’ordre psychologique. Mes longues années de pratique de la méditation m’en avaient convaincu. Les maladies psychosomatiques sont l’exemple de cette interaction entre la psyché et le soma. J’ai commencé à proposer de la méditation aux enfants afin de pacifier leur état psychologique. À ma grande surprise, leur situation pathologique s’améliorait souvent de façon spectaculaire. J’en suis venu, peu à peu, à élaborer des techniques précises visant à soulager différents maux dont souffrent les enfants.

Vous avez par la suite systématisé l’utilisation de cet outil au CHU de Nîmes…

Après une thèse en immunologie, j’ai été nommé professeur de médecine à l’université Montpelliers-Nîmes. J’ai continué d’utiliser la méditation comme complément thérapeutique au CHU de Nîmes pour soigner les enfants. J’avais pris l’habitude d’enregistrer les méditations sur le téléphone portable de l’enfant de manière à ce qu’il puisse pratiquer à la maison. Un jour, un enfant m’a suggéré d’écrire un livre avec une partie audio. C’est devenu Méditasoins, ouvrage dans lequel j’explique la marche à suivre par les enfants à travers vingt cas cliniques. J’y propose quatorze méditations simples à pratiquer à tout moment.

Les exercices que vous proposez sont-ils inspirés de pratiques bouddhistes ?

La plupart de ces exercices provient des enseignements de Thich Nhat Hanh et de la méditation Vipassana. Certains exercices néanmoins, comme la méditation de l’autocompassion, proviennent à la fois de pratiques bouddhistes mais aussi des enseignements de la tradition ignatienne.

Comment se déroulent les consultations ?

Elles commencent toujours par une écoute profonde du jeune patient et des membres de sa famille. Je les écoute attentivement sans les interrompre pour qu’ils puissent exprimer tout ce qu’ils ont à dire. J’établis ensuite un diagnostic. Ces enfants sont souvent angoissés face au futur du fait de leur maladie. Je leur propose alors de respirer et de faire mentalement un scanner corporel, exercice qui consiste à observer les sensations dans chaque partie de leur corps et à détendre progressivement chacune d’elles. Cet outil permet d’obtenir, en restant éveillé, un relâchement très profond. Dans la majorité des cas, les enfants retrouvent le calme et le sourire après ces exercices et commencent à voir les choses différemment. On peut dès lors établir un plan de prise en charge. Je leur apprends ensuite la relaxation en position couchée pour qu’ils puissent s’endormir paisiblement. En raison de la maladie, les enfants doivent gérer le fait d’être différents des autres (fragilité, handicaps, absences répétées, ou signes visibles de la maladie). Ils doivent parfois faire face aux moqueries ou à l’incompréhension de leurs camarades ou de leurs professeurs. Je leur propose alors des exercices d’autocompassion pour qu’ils retrouvent l’estime d’eux-mêmes. Quand ils ont trop de ruminations, je leur apprends à observer les pensées qui surgissent et à les laisser partir.

Comment les parents réagissent-ils à ces pratiques ? Manifestent-ils parfois une forme de réserve ou de suspicion à l’égard de la méditation ?

Non, car je ne leur parle pas de méditer. J’invite mes jeunes patients à inspirer et à expirer et à se concentrer sur les sensations. Je propose aux parents de les accompagner dans ces exercices. Ils approchent ainsi la méditation de façon expérientielle et peuvent s’apercevoir de son effet bénéfique.

Quels sont les maux et les maladies que vous parvenez le mieux à atténuer, voire à guérir grâce à la méditation ?

Dix pour cent des enfants qui viennent me voir présentent des troubles de l’attention avec hyperactivité. Ils ne parviennent pas à se concentrer et sont tout le temps agités. Ils peuvent développer aussi des troubles d’opposition et de provocation. Quand on introduit la respiration consciente chez ces patients, les enfants la saisissent comme une bouée de sauvetage, car ils sont souvent en situation d’échec scolaire avec une mauvaise estime de soi. Je leur apprends à utiliser le souffle comme moyen de ramener la conscience dans le corps et de se concentrer. Ils sont très réceptifs et assidus à la méditation, car ils comprennent très rapidement que ces pratiques les libèrent.

« Je propose aux enfants de respirer et de faire mentalement un scanner corporel, exercice qui consiste à observer les sensations dans chaque partie de leur corps et à détendre progressivement chacune d’elles. Cet outil permet d’obtenir, en restant éveillé, un relâchement très profond. »

Je soigne également des patients qui souffrent de douleurs très diverses. Il ne s’agit pas uniquement de douleurs physiques. Il y a toujours une réaction psychologique à la douleur physique. En s’appuyant sur la méditation, on parvient à supprimer ou à atténuer la composante morale de la souffrance morale. Ainsi, la méditation aide à mieux vivre avec des douleurs psychosomatiques. Petit à petit, les sensations désagréables ne les gênent plus.

Quels autres troubles parvenez-vous à soigner grâce à la méditation ?

La méditation est efficace contre les tics, les tocs, les insomnies, les angoisses qui peuvent aggraver des difficultés respiratoires comme l’asthme ou les maux de tête. Je travaille aussi sur les maladies inflammatoires et les maladies auto-immunes.

Peut-on guérir d’une maladie auto-immune en s’appuyant sur la méditation ?

Quand je reçois des patients qui souffrent de maladies auto-immunes, je leur fais faire un exercice qui vise à leur permettre de se réconcilier avec leurs organes qui dysfonctionnent. Je leur propose d’abord de faire un scan corporel, puis je les invite à envoyer de l’énergie de tendresse en direction des organes malades. J’ai observé chez les patients qui méditent régulièrement une baisse de leurs auto-anticorps. Et, grâce à cette méthode, nous pouvons diminuer les médicaments prescrits au début du traitement, voire les arrêter.

Parvenez-vous à soigner les phobies de l’enfant ?

La phobie est une peur inconsciente. Elle vient d’un événement passé que l’enfant a expérimenté avec peur, sans être conscient de ses sensations corporelles. Il ne veut pas que cet événement se reproduise et interpose la peur entre le vécu mental de la situation et le ressenti corporel. Ce blocage l’empêche de revivre ces sensations désagréables. Alors que c’est en faisant face à ces sensations, tout en restant équanime, que l’on sort de cette panique. Pour accompagner ces enfants, je commence par les placer en état de réassurance. Je les accompagne ensuite afin qu’ils puissent revenir, par l’imagination, à la situation phobique qu’ils redoutent. S’ils acceptent de vivre les sensations corporelles ainsi déclenchées, sans réagir et avec calme, ils parviennent à se libérer.

Au bout de combien de séances obtenez-vous des résultats ?

Pour les phobies par exemple, une seule séance suffit en général. Pour les tics nerveux, après une marche méditative et une séance de zazen, les troubles passent d’ordinaire. Je conseille de continuer de méditer pour prévenir le retour des tics quand le stress revient. Il importe avant tout d’apprendre les techniques et de les mettre en pratique. Quand l’enfant les maîtrise, il peut ensuite les utiliser lui-même et parvient à être autonome au bout de deux ou trois séances. Pour conclure, la maladie peut être une porte d’entrée qui permet à l’enfant d’accéder à une vie plus intense grâce à la pleine présence de soi.

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Sophie Solère

Sophie Solère est une journaliste économique et sociale qui s'intéresse depuis des années à l'environnement et à l'interdépendance. Elle travaille pour Bouddha News, une plateforme de médias dédiée à la spiritualité et à la sagesse bouddhiste. En pratiquant le yoga et la danse méditative, Sophie a découvert le pouvoir des voyages spirituels, qui offrent tant de chemins pour se (re)trouver. Elle se consacre à partager avec les lecteurs de Bouddha News des histoires inspirantes et des conseils précieux sur la pratique spirituelle et l'environnement.

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