Le shôgun -chien, militant de la cause animale

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En 1685, un dictateur japonais décide de protéger les chiens au nom du Bouddha.

C’est au Japon, en février 1646, que Tokugawa Tsunayoshi voit le jour. Il appartient au clan de shôgun (dictateurs) qui domine le Japon depuis que Tokugawa Ieyasu a pris le pouvoir en 1600. En 1681, Tsunayoshi devient le 5e shôgun de cette dynastie.

Son règne bénéficie d’un contexte favorable, car l’archipel prospère. Le commerce intérieur florissant alimente l’essor de la bourgeoisie. Celle-ci soutient Tsunayoshi, qui se lance dans une politique de redistribution des richesses, en imposant lourdement l’élite des samouraïs. Il ordonne notamment aux fonctionnaires de nourrir et de loger les pauvres aux frais de l’État…

Mais un jour, Tsunayoshi perd son fils unique. La rumeur rapporte qu’il consulte alors un moine bouddhiste, et que ce bonze l’aurait accusé d’avoir négligé le Bouddha. La mort de son enfant serait le signe que le Ciel lui reproche de mal gouverner, de ne pas assez protéger les faibles. Le dictateur va alors s’employer à améliorer le sort des êtres vulnérables, orphelins, veuves… Et aussi celui de l’animal associé à son signe astral : le chien.

Peines de mort pour les tueurs de chiens

Il promulgue à partir de 1685 une série de lois dites de Compassion qui lui vaudront plus tard le surnom de shôgun-chien. Maltraiter un quadrupède, qu’il soit chien ou cheval, devient d’abord passible d’amendes ou de peines de prison. Puis il décide de durcir les sanctions et édicte que tuer un chien vaut peine de mort. Or, les hautes castes détiennent des centaines de chiens de chasse, une activité depuis longtemps proscrite par le bouddhisme, mais largement pratiquée par les nobles. Les pauvres, eux-mêmes, obligent des chiens errants à de sanglants combats, pour parier et essayer ainsi de gagner de l’argent. Avec ces nouvelles lois de Compassion, il devient très dangereux de s’en prendre à ces animaux, y compris quand ils provoquent des nuisances… Une des premières victimes est un vétérinaire, qui a crucifié un chien pour le punir d’avoir tué un de ses canards. Lors d’un procès devant la Cour suprême, le dignitaire est condamné à un suicide rituel.

Dès lors que tuer des chiens vaut condamnation à mort, des meutes incontrôlées se multiplient, comme les accidents. En 1695, le dictateur, menacé par le mécontentement populaire, oblige alors les propriétaires fonciers à construire des chenils pour accueillir tous ces errants.

En s’efforçant de défendre les faibles, humains comme animaux, dans une société dominée par la violence des samouraïs, le shôgun-chien fut peut-être, à sa façon, un prédécesseur des actuels militants antispécistes.

Quand il meurt en 1709, son neveu et successeur, Ienobu, fait abolir les lois de Compassion, en prétendant que cet acte résulte des dernières volontés de son prédécesseur. Des dizaines de milliers de chiens citadins sont aussitôt capturés et déportés dans les campagnes.

Dans l’histoire du Japon, Tsunayoshi a longtemps été présenté comme un fou qui voulut étendre la protection du Bouddha aux chiens, et opprima pour cela son peuple, sans tenir compte de la non-violence que prône le bouddhisme. Mais en s’efforçant de défendre les faibles, humains comme animaux, dans une société dominée par la violence des samouraïs, il fut peut-être, à sa façon, un prédécesseur des actuels militants antispécistes ?

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François Leclercq

François Leclercq est le fondateur de Bouddha News, site internet qui a pour but de diffuser des informations et des conseils pratiques sur le bouddhisme et la spiritualité. François Leclercq est né et a grandi à Paris. Il a étudié le bouddhisme à l'Université de Paris-Sorbonne, où il est diplômé en sciences sociales et en psychologie. Après avoir obtenu son diplôme, il s'est consacré à sa passion pour le bouddhisme et a voyagé dans le monde entier pour étudier et découvrir des pratiques différentes. Il a notamment visité le Tibet, le Népal, la Thaïlande, le Japon et la Chine.

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