Quand avez-vous découvert l’Overview Effect ?
Ma première véritable expérience avec l’Overview Effect date de 1996. Préoccupé par les dérèglements écologiques, j’étais en quête de solutions capables de faire émerger une conscience planétaire de façon à ce que nous respections le vaisseau sur lequel nous sommes tous embarqués. J’avais alors 23 ans et venais de lire Clairs de Terre, écrit par un collectif d’astronautes sous la direction de Kevin W. Kelley, devenu depuis notre conseiller. L’ouvrage renfermait de très belles photos de la Terre vue de l’espace, mais aussi des textes éblouissants écrits pas ces astronautes. Ceux-ci parlaient d’une manière très poétique de la beauté de la Terre, de conscience planétaire, de leur sentiment d’appartenir à un grand tout vivant, et de leur conviction d’une interconnexion entre tous les hommes et le vivant. Et c’est à ce moment-là que j’ai découvert ce concept d’Overview Effect. J’ai compris alors que c’est en naviguant dans l’espace qu’ils ont perçu des choses que nous avions du mal à appréhender, ici-bas, sur Terre. La question était alors de savoir comment faire vivre cette expérience à un maximum de gens, sans pour autant les envoyer dans l’espace.
Ces astronautes auraient été profondément transformés intérieurement du fait de cette expérience ?
Tout à fait. Ces hommes très rationnels avaient pourtant peu de chance de se laisser submerger par leurs émotions. Ils n’avaient pas particulièrement de conscience écologique ni de préoccupations d’ordre spirituel. Or, cet événement les a réellement touchés au cœur et profondément transformés. Si ces personnes l’ont été, cela prouve que l’on peut également parvenir à émouvoir et transformer une grande partie de la population.
En outre, l’Overview Effect aurait généré, chez eux, un sens des responsabilités très aiguisé à l’égard de notre planète…
L’Overview Effect se manifeste de plusieurs manières. Il génère, chez ceux qui l’ont vécu, des formulations extrêmement poétiques qui reflètent une perception très subtile de la Terre, perçue comme un être vivant. Comme un vaisseau fragile et unique dans le cosmos, sur lequel nous sommes tous embarqués. Un vaisseau fragile dont les 7,7 milliards de Terriens sont les intendants. La notion clé d’interconnexion, chère aux bouddhistes, générée par l’Overview Effect est sans doute la plus complexe à appréhender. Nous, les humains, dépendons tous les uns des autres. Nous respirons les mêmes gaz, buvons la même eau, dépendons des mêmes ressources… Si nous nous comportons mal à l’égard d’autrui, nous sommes les premiers à être affectés en vertu de la règle d’or que l’on retrouve dans toutes les traditions spirituelles : « Ne fais pas aux autres et à la Terre ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse à toi-même ».
C’est donc pour éveiller à ce sentiment si cher au bouddhisme d’interdépendance et d’appartenance au même vaisseau que vous avez lancé le projet Blueturn ?
Au départ, j’ai développé cette vision dans mes deux romans Siècle bleu, qui racontent comment l’expérience généralisée de l’Overview Effect pourrait changer le monde. Ensuite, l’idée fut de tenter l’expérience dans le monde réel et c’était en effet l’objectif du projet Blueturn, lancé il y a trois ans sur la base d’images d’un satellite de la NASA placé en orbite en 2015. C’est le seul à pouvoir prendre des images de la Terre éclairée en train de tourner. J’avais le pressentiment que l’Overview Effect serait renforcé si l’on parvenait à montrer la Terre dans sa totalité et sa majesté avec ses nuances de couleurs. Grâce à notre technologie d’algorithmes développée par mon ami Michaël Boccara, nous avons réalisé la première vidéo de la Terre vue de l’espace. Nous avons diffusé ces images de la rotation de la Terre, accompagnées d’une musique, de façon à ce qu’elles génèrent un effet hypnotique et conduisent ceux qui les visionnent à être émus.
En quoi consiste le projet Planet Heart que vous allez lancer au printemps 2020 ?
Nous voudrions permettre aux gens, grâce à Planet Heart, de vivre chez eux une expérience très profonde. Nous avons travaillé sur le storytelling de façon à que les spectateurs entendent la Terre leur parler. Un compositeur de musiques de films américain de renom a conçu une musique qui vise à susciter un sentiment amoureux des hommes envers la Terre. Après avoir vécu l’Overview Effect, les spectateurs pourront exprimer leur amour pour la Terre en lui envoyant un message vocal d’amour. Celui-ci orbitera autour de la Terre sous la forme d’une petite étoile d’amour, une « love star ». La Terre sera ainsi entourée d’une cohorte d’étoiles qui détiendront, chacune, le message d’un être humain. Il s’agit de remplacer symboliquement l’énergie négative qui orbite autour de la Terre par une énergie d’amour qui nous élève et contribue à soigner la Terre. Planet Heart permettra, aussi, de vivre une expérience immersive plongeant les hommes au cœur de la Terre, le « Planet Heart », une grotte digitale souterraine baignée d’une musique très méditative et où sera stocké l’ensemble des étoiles d’amour qui auront été postées par l’humanité. Il sera possible d’évoluer en s’immergeant dans cette caverne en provoquant ainsi des sentiments extrêmement forts chez ceux qui vivront cette expérience.
« L’Overview Effect génère, chez ceux qui l’ont vécu, des formulations extrêmement poétiques qui reflètent une perception très subtile de la Terre, perçue comme un être vivant. Comme un vaisseau fragile, dont les 7,7 milliards de Terriens sont les intendants. »
Par ailleurs, afin de vivre une aventure non pas individuelle mais collective, un algorithme fonctionnera, chaque heure, et permettra de positionner dans un cercle toutes les personnes connectées autour de la Terre. Ce cercle sera précédé d’une introduction musicale induisant de la cohérence cardiaque pour être dans un état optimum de réception et d’émission. Les humains connectés vivront ainsi une expérience commune en se connectant à la Terre par le cœur et se trouveront ainsi plongés dans un état émotionnel et vibratoire synchrone dans lequel, chacun, pourra recevoir et donner de l’amour en amplifiant ainsi l’Overview Effect. On espère ainsi que l’effet collectif sera ainsi démultiplié et que Planet Heart portera l’Overview Effect à l’échelle de la planète. Et nous verrons si l’utopie imaginée dans mes romans Siècle bleu prend corps ou pas. J’y crois fermement.
Vous évoquez dans vos écrits des parentés entre l’Overview Effect et la légende de Shambhala. Qu’en est-il ?
C’est le hasard d’une rencontre – mais on sait bien qu’il n’y a pas de hasard – au printemps dernier qui m’a permis de découvrir un livre qui établit ce lien troublant. Shambhala, ouvrage publié en 1976 par Andrew Tomas aux éditions Robert Laffont, imagine une rencontre entre un homme et un lama tibétain représentant de cette communauté d’esprits éclairés qui porte le nom de Shambhala. Auprès de ce dernier, il visualise que les problèmes de l’humanité seront résolus lorsque la vision de la Terre depuis l’espace sera rendue possible par la diffusion d’images de la NASA. Le lama souligne aussi que, quand des lumières bleues dissiperont et remplaceront les énergies négatives qui entourent la Terre et que les humains seront synchronisés par le cœur, un changement d’état de conscience surviendra et une nouvelle ère naîtra de cette révolution du cœur. C’est troublant, car c’était exactement l’intention du projet Planet Heart, sans que je n’aie jamais eu connaissance ni de ce livre ni de cette légende, chère à la bouddhiste Joanna Macy, initiatrice de l’écopsychologie. Je suis convaincu que c’est une voie qui pourrait amener la paix sur Terre et l’harmonie entre les peuples et la Terre. Alors tentons-la, tous ensemble et rendez-vous au printemps 2020 sur Planet Heart !