Myoken Eric Salaün : « C’est le Zen qui m’a choisi. »

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Depuis dix ans, la méditation occupe une place centrale dans sa vie. Moine bouddhiste Zen et coordinateur du dojo Zen de Paris, Eric Salaün s’emploie à se former et à faire découvrir cette pratique qui a changé sa vie.

Comment en êtes-vous venu à pratiquer la méditation ?

C’est pendant l’adolescence, à la fin des années 1970, que j’ai découvert la méditation, mais aussi la sophrologie. Ma mère souffrait de douleurs chroniques, on lui avait recommandé ces pratiques qui l’ont beaucoup aidée. Sa thérapeute lui avait remis des cassettes que j’ai écoutées ; c’est ainsi que j’ai fait connaissance, très jeune, avec la méditation. Par la suite, les deux voyages d’un an chacun que j’ai faits en Asie, notamment en Inde, ont réveillé ce tropisme, cette attirance pour le travail intérieur et la spiritualité.

Votre première assise en posture de zazen, en 2008, aurait été une révélation…

Je cherchais une voie, une pratique pour aller plus loin et pour me relier à une certaine transcendance, à cette dimension que je ressentais comme très importante. Le hasard m’a dirigé vers le zazen, vers Josy Thibaut, qui avait connu maître Deshimaru. Cela a été en effet une vraie révélation ! Je me suis assis et quand je me suis relevé, trois quarts d’heure plus tard, j’ai ressenti un choc ; j’avais trouvé ce que je cherchais. Je m’emploie depuis à faire découvrir et à transmettre aux autres cette pratique qui a changé ma vie.

Qu’est-ce que zazen a changé dans votre façon d’être, de vivre et d’appréhender le monde ?

J’étais un homme plutôt introverti et timide, zazen m’a permis de travailler sur moi-même et cela m’a transformé. Ces pratiques m’ont ouvert l’esprit et permis de m’apaiser. Des peurs, des souffrances et des formes d’inconfort ont alors disparu. Je me suis ouvert aux autres. Le pouvoir de transformation de shikantaza est étonnant : il s’agit de s’asseoir et d’observer tout simplement. La répétition régulière recèle une force extraordinaire.

Je pratique tous les jours au moins une heure et fais zazen avec mon groupe deux fois par semaine. L’étude de la pleine conscience a, elle aussi, influé sur ma vie quotidienne. Je regarde désormais ce qui m’entoure avec plus d’attention et suis encore plus présent à la magie du quotidien.

Pourquoi avez-vous fait le choix de la voie du bouddhisme Zen Soto ?

C’est le Zen qui m’a choisi, je n’ai pas cherché à explorer d’autres voies. J’ai rencontré le Zen et j’ai compris que c’était exactement ce que je recherchais. C’est une pratique difficile, sans concession, que je qualifierais volontiers de rugueuse, mais cela m’a plu immédiatement.

Mais aussi et surtout, c’est le résultat d’une rencontre humaine et profonde avec Josy Thibaut qui, je l’ai découvert bien après, se trouvait être la mère de celui qui allait devenir mon maître actuel, Kosen Thibaut. C’est donc Josy qui m’a initié et avec qui j’ai eu la chance et le privilège de pratiquer pendant huit belles années.

Pourquoi avez-vous souhaité être ordonné moine bouddhiste Zen ?

Cela a été un appel auquel j’ai répondu, mais aussi une forme d’engagement envers moi-même. Après quelques années de pratique, j’ai pris l’ordination de bodhisattva. Au moment de la cérémonie, j’ai ressenti quelque chose de l’ordre de la transmission entre mon maître, Maître Kosen, et moi. J’ai eu l’impression, par la suite, que ma pratique avait beaucoup changé suite à cette ordination. J’ai pensé que devenir moine allait m’ouvrir à une nouvelle dimension. Depuis, la pratique de la méditation est devenue centrale dans ma vie.

Vous allez être certifié, au mois de décembre, instructeur de méditation en pleine conscience (MBSR). Quels bénéfices avez-vous retirés de cette formation ?

C’est une formation très riche qui m’a amené à étudier en profondeur l’ensemble du programme MBSR, ainsi que la façon de le transmettre comme il est composé de différentes pratiques : par exemple, le scan corporel ou les mouvements en conscience inspirés du Yoga. Ce programme m’a beaucoup apporté à titre personnel. C’est une pratique complémentaire à celle du zen.

« L’étude de la pleine conscience a, elle aussi, influé sur ma vie quotidienne. Je regarde désormais ce qui m’entoure avec plus d’attention et suis encore plus présent à la magie du quotidien. »

Le choix de suivre cette formation dispensée par Esprit clair est d’abord la résultante d’une rencontre, celle de Yasmine Liénard, psychothérapeute cognitivo-comportementaliste qui a créé cet institut intégrant la pleine conscience, la psychologie, les thérapies cognitives et émotionnelles, les neurosciences et les sciences contemplatives. L’ouverture d’esprit que j’y ai rencontrée m’a beaucoup plu. L’équipe se compose notamment d’un ancien moine du Village des Pruniers, d’un traducteur des grands maîtres tibétains, qui a trente ans de pratique tibétaine et qui jette des ponts entre bouddhisme et physique quantique, et d’un ancien avocat devenu instructeur MBSR, d’une professeure de Tai Chi titulaire d’un doctorat en philosophie et un master en sciences cognitives.

Les programmes de méditation laïque que j’anime dans le cadre du projet Méditer Autrement attirent beaucoup plus de monde que d’autres qui s’inscrivent dans une tradition bouddhiste. Cela peut être, par la suite, une porte d’entrée vers d’autres pratiques, vers le bouddhisme tibétain ou vers le Zen par exemple.

Parallèlement à ces formations, vous avez intégré l’association Mindfulness Solidaire…

Je suis entré dans cette association créée il y a deux ans. Les programmes sont à destination des personnes vivant en situation de précarité. Nous allons au devant d’elles pour leur faire découvrir ces pratiques : en milieu carcéral notamment, dans des foyers accueillant des SDF, mais aussi dans des entreprises d’insertion, où nous côtoyons notamment des personnes handicapées et des migrants. Nous les initions à la méditation, à l’intelligence émotionnelle, aux cercles de parole.

Vous avez œuvré en milieu carcéral. Quels résultats avez-vous obtenus auprès des détenus ?

En effet, nous avons mené plusieurs programmes en milieu carcéral dans la prison de Meaux-Chauconin en premier lieu, puis une autre, très récemment, à Lille. Il s’agit d’offrir aux personnes un espace de reconnexion avec elles-mêmes, de les amener à prendre conscience de leur valeur, de leur qualité, de leur potentiel afin de pouvoir les amener vers le meilleur d’elles-mêmes. Après ces séances, il arrive que des détenus viennent nous voir et évoquent les bénéfices qu’ils en ont retirés. À la prison de Meaux-Chauconin, nous avons déjà animé cinq programmes à destination des détenus. Par la suite, nous aimerions organiser d’autres programmes destinés aux surveillants de prison et au personnel d’encadrement qui, eux aussi, sont en souffrance. La responsable des activités et des programmes (comme le nôtre) de la prison, qui est souvent en contact avec les détenus, a observé des changements importants dans leurs attitudes, dans leurs façons de se comporter et de communiquer notamment. La méditation et les cercles de parole se révèlent être des outils précieux pour ces personnes qui ont rarement la parole et ne sont pas souvent écoutées.

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Fabrice Groult

Fabrice Groult est un aventurier, photographe et bouddhiste qui parcourt le monde depuis son plus jeune âge. Après avoir étudié le bouddhisme en Inde, il s'est engagé dans un voyage de dix-huit mois à travers l’Asie qui l'a mené jusqu'en Himalaya, où il a découvert sa passion pour la photographie. Depuis, il a parcouru le monde pour capturer des images de beauté et de sagesse bouddhiste. Il a été guide pendant dix ans, et est aujourd'hui journaliste chez Bouddha News.

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