Drukmo Gyal Dakini : La « Voix qui guérit »

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Entretien avec une chanteuse qui, à travers les chants traditionnels tibétains et des mantras de guérison, soigne les corps et les âmes.

Vous êtes née dans une famille de yogis : quelle y était la place de la musique ?

Dans ma famille, nous ne pratiquions pas la musique comme les Occidentaux l’entendent, il s’agissait plutôt de chants dévotionnels, de ces mélodies que vous pouvez parfois entendre quand vous méditez. Chanter n’était pas tant une technique vocale particulière qu’une recherche personnelle et spirituelle.

On vous surnomme la « Voix qui guérit », car vous chantez des mantras de guérison. Comment agissent-ils sur le corps et l’esprit ?

Je comprends ce surnom et ce que les auditeurs perçoivent dans ce type de concerts, notamment quand ils recherchent la vibration du son et sa résonance, mais cela ne correspond pas à la réalité dans le sens où l’énergie du mantra ne vient pas uniquement de moi ! Cette expérience naît de l’interaction entre le public et l’artiste.

Y a-t-il des réactions qui vous étonnent de la part du public européen ?

Ce qui me surprend le plus, c’est lorsque je sens la tension de l’auditoire s’estomper pour laisser place à une atmosphère de recueillement. C’est comme s’il n’y avait plus de notion de temps : j’ai parfois l’impression que j’ai chanté trente minutes, alors que le concert a duré trois heures ! (Drukmo Gyal a terminé en février une tournée en France, organisée par l’association Yuthok Ling Toulouse, rattachée à Sorig Khang International, ndlr). Même lorsqu’il y a des enfants, aucun ne se lève ni ne gesticule, l’horloge n’existe plus, ils se laissent envahir par la musique. Cela veut dire que, malgré la durée du concert, le public vit une expérience de pleine conscience, dans l’instant présent, sans les limites, les barrières, habituelles du quotidien. C’est pour cela que j’aime chanter dans des salles de petites jauges, une centaine de personnes environ, afin que chacun puisse partager cette expérience de manière complète, en toute liberté.

« Chanter des mantras, ce n’est pas une question de technique vocale, mais d’énergie, il faut savoir faire le vide, se libérer de ses émotions et accueillir ce qui vient à nous. »

Qu’est-ce qui vous plaît tant dans cet art à la fois artistique et thérapeutique ?

Justement, le fait justement d’être à la fois dans l’art et de la thérapie ! (rires) Chanter des mantras, ce n’est pas une question de technique vocale, mais d’énergie, il faut savoir faire le vide, se libérer de ses émotions et accueillir ce qui vient à nous. Bien sûr, chanter des mantras ne touchera pas à tout le monde comme par magie, cela s’adresse plus à ceux qui n’arrivent pas à s’arrêter de parler et de cogiter (rires). Ce qui importe de comprendre au sujet des mantras, c’est que le son n’est pas uniquement un phénomène auditif, les vocalises ou les mélopées que nous faisons, incluent aussi le silence ! Or, le silence, sa résonance, est le son le plus profond, le plus bénéfique qui existe pour l’être humain. C’est pour cela qu’il est primordial de savoir faire le silence en soi avant de chanter des mantras. Beaucoup de personnes sont incapables de le faire, de se concentrer ; les mantras sont un formidable moyen de vivre enfin en pleine conscience.

Selon vous, dans quel domaine le message bouddhiste peut-il apporter une réponse aux problématiques actuelles ?

Comme l’enseigne le bouddhisme, ce qui pourrait permettre aux hommes et aux femmes de se sentir épanouis, de ressentir pleinement le bonheur, d’être bonne santé, serait de réaliser que les problèmes qu’ils rencontrent ne sont pas des… problèmes ! (rires) Nous sommes malheureusement entraînés à ne voir que des obstacles, à dramatiser, à nous faire des montagnes de telle ou telle situation… Le bouddhisme nous apprend à accueillir les problèmes et à comprendre les causes de la souffrance pour nous en libérer.

 

Remerciements à Nelly Thorin

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Fabrice Groult

Fabrice Groult est un aventurier, photographe et bouddhiste qui parcourt le monde depuis son plus jeune âge. Après avoir étudié le bouddhisme en Inde, il s'est engagé dans un voyage de dix-huit mois à travers l’Asie qui l'a mené jusqu'en Himalaya, où il a découvert sa passion pour la photographie. Depuis, il a parcouru le monde pour capturer des images de beauté et de sagesse bouddhiste. Il a été guide pendant dix ans, et est aujourd'hui journaliste chez Bouddha News.

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