« Se Guérir ». La conférence-événement organisée par Alex Fighter, a lancé une réflexion collective sur les diverses approches du processus de guérison, en réunissant un panel international de praticiens, dont le docteur David Hamilton, auteur de Comment votre esprit peut guérir votre corps, le neurologue Antoine Sénanque (Guérir quand c’est impossible) et le Docteur Tibétain Nida Chenagtsang (The Yoga of Bliss). D’un commun accord, les intervenants ont mis l’accent sur la dimension mentale du processus de guérison et le caractère unique du patient, soulignant la pertinence d’une approche ciblée du soin, qui interroge les fondements de la relation médecin-patient et l’impact de sa dynamique sur les succès de la guérison. Une démarche prenant en compte le caractère imprévisible de la guérison, au regard de sa dimension psychologique. Le docteur Nida Chenagtsang, diplômé de médecine tibétaine de l’Université médicale de Lhassa, s’associe à cette approche thérapeutique focalisée sur la singularité de l’individu. Né au Tibet, il s’est installé à Rome à l’issue de ses études à Lhassa et diffuse des enseignements de médecine tibétaine. Représentant une nouvelle génération de praticiens, il évoque certains concepts de cette médecine millénaire.
Quels sont les fondamentaux de la médecine tibétaine et sa relation au bouddhisme ?
Le bouddhisme et la médecine tibétaine sont deux sœurs : le bouddhisme s’attache à la relation de cause à effet, tout comme la médecine tibétaine. Nous cherchons la cause de la maladie afin de proposer un remède. Dans notre tradition, il existe trois énergies : solaire et chaude, lunaire et froide, et celle du vent, neutre. Il importe d’équilibrer ces énergies, au niveau mental et physique. Pour cela, nous utilisons des solutions naturelles. Concernant certains états de dépression, il est possible, par exemple, d’aller marcher dans la nature, sans avoir à prendre forcément de médicaments. Le mode de vie, les problèmes de sommeil… Tout cela doit être pris en compte dans le traitement, car les solutions se trouvent souvent dans le mode de vie et le régime alimentaire.
Quel type de maladies la médecine tibétaine prend-elle en charge et à qui s’adresse-t-elle ?
La médecine tibétaine traite les problèmes digestifs et circulatoires, les troubles cardio-vasculaires, l’anxiété, l’hypertension, le taux de cholestérol élevé… Les personnes qui consultent suivent souvent un traitement médicamenteux et cherchent une alternative.
« Le bouddhisme et la médecine tibétaine sont deux sœurs : le bouddhisme s’attache à la relation de cause à effet, tout comme la médecine tibétaine. »
La médecine tibétaine propose d’autres solutions que la prise de médicaments. Ainsi, le massage, l’acupuncture, la saignée, l’acupressure, donnent de bons résultats sur la douleur. Il existe plusieurs options pour un même problème. Il y a aussi les mantras, la méditation, le régime alimentaire.
Vous avez mentionné les personnes souffrant de trauma, un concept occidental. Votre approche de la médecine a-t-elle changé depuis votre installation en Occident ?
Bien sûr, il faut s’adapter et penser à la santé différemment, avec de nouvelles solutions, sans toutefois rejeter la médecine officielle. Beaucoup de remèdes se trouvent dans la nature. Et chaque individu est unique : pour certains, la thérapie consistera à pratiquer le yoga ; pour d’autres, un mantra. Le même symptôme peut avoir des causes différentes, c’est pourquoi il importe de se concentrer sur l’individu. Certains patients bipolaires souhaitent pratiquer la méditation, mais ils n’y sont pas prêts ; une approche spirituelle ne ferait qu’empirer leur état. D’où l’importance des études scientifiques sur le yoga et la méditation pour la nouvelle génération de médecins.
Nouvelle génération dont vous faites partie ?
En effet. Il y a eu l’école de Dharamsala et celle de Lhassa, où j’ai étudié, un collège communiste, qui ne prodiguait pas les enseignements de mantras, de méditation ou de yoga… C’est ce que je voulais apprendre, mais tout cela n’était pas accessible dans l’éducation publique. Heureusement, nous avions de vieux maîtres en dehors de la classe, qui nous enseignaient ces approches thérapeutiques spirituelles. L’institut étant chinois, les enseignements étaient conçus par eux. La médecine tibétaine, ancienne de trois mille ans, a reçu des influences chinoise et indienne.
En quoi le mantra est-il différent de l’hypnose ? N’y a-t-il pas un facteur hypnotique dans le fait de répéter un son ?
Un mantra peut avoir un effet hypnotique et faire dormir, mais d’autres mantras vont réveiller et prodiguer de l’énergie. On ne donne pas un mantra à tout le monde, car le son ne peut pas tout aider, et il faut d’abord poser un diagnostic. Il existe des mantras pour le cœur, d’autres pour des problèmes neurologiques… On choisit donc le mantra approprié au cours de l’entretien avec le patient. La pratique du mantra se rapproche de la musicothérapie. D’ailleurs, l’écoute des oiseaux et des animaux dans la nature a aussi des vertus thérapeutiques.
Existe-t-il des pays plus ouverts à cette médecine ? Et comment voyez-vous votre rôle en Occident ?
L’Italie, la Suisse et l’Allemagne manifestent une certaine ouverture, et de plus en plus de gens sont intéressés par la médecine naturelle. J’espère que dans le futur, on aura la liberté de choix du traitement ; il est important d’amener une vision nouvelle pour repenser la santé. Parfois, le meilleur antidépresseur consiste à se reconnecter à la nature et aux gens, l’absence de liens étant nocive. Et lorsque l’amitié, la famille ou les rapports sociaux font défaut, ce manque relationnel porte atteinte à la santé.
Quelle est votre relation au Dalaï-Lama ?
Il représente une inspiration. Son ouverture a aidé la nouvelle génération.