Des souhaits pour la paix dans le monde : le 7e Kagyu Meunlam à la Grande Pagode de Vincennes

- par Henry Oudin

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Reportage au cœur du Kagyu Meunlam, le festival dédié aux « souhaits pour le bien de tous les êtres »

En cette fin juin 2019, l’épisode de canicule qui frappe le pays pousse une partie des Parisiens à se calfeutrer chez eux ou à rechercher un espace climatisé pour fuir les puissants rayons du soleil. D’autres optent pour un refuge dans l’un des rares espaces de verdures de la capitale : le bois de Vincennes. Pour ceux qui s’engagent le long du lac, après une dizaine de minutes de marche, se dresse sur leur droite un étrange assemblage de bâtiments dont les principaux sont les anciens pavillons du Cameroun et du Togo de l’Exposition coloniale universelle de 1931. Ce lieu abrite aujourd’hui la Grande Pagode bouddhique et sa statue du Bouddha – qui, du haut de ses neuf mètres, en fait la plus grande d’Europe. C’est dans ses murs que, du 28 au 30 juin, s’est déroulée la septième édition du Kagyu Meunlam.

« Illuminer les pays de ce monde comme des lampes à beurre. »

Kagyu Meunlam, kezako ? En tibétain, « meun » désigne le souhait, l’aspiration, et « lam » la voie. Autrement dit, l’école bouddhiste tibétaine Kagyupa rassemble de façon non sectaire pendant ces trois journées toutes les personnes ayant le désir de s’adonner à des « souhaits pour la paix et le bien de tous les êtres » à travers des prières, des chants et d’un enseignement dispensé pour la troisième année consécutive par Ringu Tulku Rinpoché, l’un des grands maîtres de cette école. Son enseignement porte cette année sur « les neuf étapes de Samatha » (shiné, en tibétain), la méditation amenant à la quiétude de l’esprit, au calme mental.

Ce festival et ce rituel constituent le temps fort annuel des Kagyupas. Ils portent directement l’empreinte de son jeune chef, Orgyen Trinley Dorjé, le XVIIe Karampa, qui émit le vœu en 2014 « de voir les Kagyu Meunlam illuminer les pays de ce monde comme des lampes à beurre ». Ces cérémonies sont depuis réalisées sur tous les continents, à commencer par Bodhgaya, là où le Bouddha Shakyamuni a atteint l’Éveil il y a près de 2600 ans.

« En tout juste une heure de temps, toutes mes tensions se sont évanouies. »

À 10h30, en ce samedi matin, les participants sortent de la pagode pour la première pause de la journée. Les journées sont bien chargées puisqu’elles s’étalent de 9h à 18h, les quelques pauses café organisées matin et après-midi offrent une coupure bienvenue pour pouvoir se dégourdir les jambes et se détendre quelques instants. Pourtant, le recueillement est palpable, on n’observe aucune manifestation d’un relâchement immodéré. Pendant que la file pour le café s’allonge, les sourires s’affichent sur de nombreux visages et rien ne semble à même d’entamer la sérénité qui se dégage du lieu, pas même les enfants qui jouent en se faufilant parmi les participants. C’est d’ailleurs ce que retient Pascal, 62 ans (même s’il en paraît 45 !) et qui dit avoir fait « toutes les précédentes éditions, sauf une ». Pour celle-ci, ajoute-t-il, « je suis arrivé stressé à cause de toutes les difficultés que je rencontre en ce moment, mais j’ai le sentiment qu’en tout juste une heure de temps, toutes mes tensions se sont évanouies ».

« Juste écouter et se laisser porter par les mélodies et sonorités tellement particulières des Tibétains, tout en méditant, disant des mantras ou faisant de vœux ou souhaits altruistes en silence. »

La centaine de participants vient d’un peu partout en France, bien sûr, mais aussi de l’étranger. Ainsi est-on surpris tout à coup d’entendre des Américains partager les raisons qui les ont poussés à venir : ils « joignent l’utile à l’agréable » puisque ce festival permet à un père, Steve qui vit dans une petite ville du Colorado, de retrouver son fils, Jason, qui lui réside à Chypre ! Steve est plus particulièrement touché par « les cérémonies tournées vers les défunts, contribuer à ce qu’ils puissent s’orienter vers de meilleures renaissances », alors que Jason, quant à lui, est constamment « ému par tout le cérémoniel », mais aussi « par la personne de Ringu Tulku Rinpoché ». Et c’est d’ailleurs « aussi pour rencontrer Rinpoché » qu’ils se sont dit que « Paris était finalement une destination idéale pour cette réunion familiale (rires) ».

Ringu Tulku Rinpoché, le « lama fainéant »

C’est maintenant au tour du maître de cérémonie de poursuivre l’enseignement débuté la veille. Cette phase d’enseignement a débuté lors du Meunlam 2018. « Cela correspond mieux aux attentes et à la sensibilité des bouddhistes occidentaux, ayant du mal à participer à de longs rituels quotidiens », explique Damien Delebarre, dénommé Djampa en tibétain. Il vit en Inde depuis 2001, a pris les vœux de moine en 2006, et il est depuis 2010 le traducteur français attitré du XVIIe Karmapa. L’enseignement est donné en anglais, traduit en français par l’un des moines appartenant à la communauté qui a organisé cet événement. On comprend vite pourquoi Ringu Tulku Rinpoché suscite une telle ferveur chez ceux qui viennent l’écouter : en rien « père fouettard », il se pose au contraire comme le pratiquant le plus « fainéant » qui soit, absolument incapable de pratiquer correctement la méditation, et évoque dans de grands éclats de rire toutes les fois où il n’a pas vu le temps passer en méditation tant il avait finalement « bien dormi » sur son coussin !… Autant de pseudo anecdotes personnelles qui peuvent faire écho aux expériences vécues par son auditoire, et qui contribuent à le déculpabiliser et à détendre l’atmosphère.

« Détendre », non « distraire ». En effet, comme l’a indiqué Steve et Jason, Ringu Tulku Rinpoché précise que les personnes qui viennent aux journées peuvent suivre « le chant du maître de cérémonie et des moines, en récitant à haute voix la phonétique des textes tibétains », ou simplement en « réfléchir à leur sens, toujours profond, grâce à la traduction française ou anglaise ». Ou encore, « juste écouter et se laisser porter par les mélodies et sonorités tellement particulières des Tibétains » tout « en méditant, disant des mantras ou faisant de vœux ou souhaits altruistes en silence. »

Et c’est bien là ce que le visiteur de passage ressent en assistant pendant quelques heures à ces différentes pratiques rythmant le Kagyu Meunlam : une détente, voire même une certaine sérénité… Aussi, en quittant à regret la Grande Pagode, une phrase prononcée par la chanteuse Tina Turner s’insinue en notre esprit : « Je ne suis pas sage, mais le commencement de la sagesse est là ; c’est comme se détendre et accepter les choses ». Voilà une pensée sur laquelle bien méditer ou s’endormir, non ?

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Henry Oudin

Henry Oudin est un érudit du bouddhisme, un aventurier spirituel et un journaliste. Il est un chercheur passionné des profondeurs de la sagesse bouddhiste, et voyage régulièrement pour en apprendre davantage sur le bouddhisme et les cultures spirituelles. En partageant ses connaissances et ses expériences de vie sur Bouddha News, Henry espère inspirer les autres à embrasser des modes de vie plus spirituels et plus conscients.

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