Christophe Richard : un prof de philo qui aime l’impermanence

Publié le

Christophe Richard prend refuge très jeune auprès du 10e Pawo Rinpoché, grand maître tibétain en exil. Trois ans plus tard, il rencontre le Dalaï-Lama. Et ne cesse, depuis, de développer la patience, l’écoute et la bienveillance. En parallèle de sa pratique, il enseigne la philosophie. La pensée grecque rejoint ainsi l’esprit bouddhique dans sa perception du quotidien.

Christophe Richard nous reçoit assis dans son canapé, chez lui, près de Caen. Les coussins rouge et jaune représentent les huit signes auspicieux du bouddhisme. Les dragons des tasses de café semblent danser dans le liquide chaud, dont l’odeur agréable chatouille nos narines. L’atmosphère est propice à la confidence. Le professeur de philosophie se raconte. Sa barbe poivre et sel de quelques jours fait ressortir, dans son visage, ses yeux qui pétillent à l’énoncé de sa rencontre, à quatorze ans, avec le bouddhisme et le 10e Pawo Rinpoché. Devant lui, la photo du maître spirituel trône sur une étagère, à côté de la statue d’un pèlerin de l’île japonaise de Shikoku. Son attrait pour le bouddhisme est parti d’un désir farfelu d’adolescent. À l’âge de treize ans, il lit, fasciné, les romans prétendument autobiographiques du Britannique Lobsang Rampa. « Il racontait avoir subi, au Tibet, l’opération destinée à ouvrir son troisième œil. Cela me faisait rêver. Je voulais pratiquer la télépathie, léviter », se souvient le futur pratiquant du Vajrayana, qui contacte aussitôt la Société des amis du bouddhisme, à Paris. Moment opportun : un jeune lama bhoutanais de 26 ans, Lama Gyurmé, vient d’arriver dans la capitale. Quand, quelques mois plus tard, ce dernier invite Pawo Rinpoché, Christophe prend refuge auprès du grand maître tibétain et se rend vite compte que les élucubrations de Lobsang Rampa ne tiennent pas la route. « Ce que j’ai découvert m’a plu davantage. Pawo Rinpoché m’a complètement renversé ! Il était un grand Saint du bouddhisme, un équivalent de Saint-François d’Assise. Les gens pleuraient quand ils croisaient son regard ».

L’adolescent et le Dalaï-lama

À chaque vacance, le jeune pratiquant bouddhiste part désormais faire des retraites en Dordogne. Son maître, plutôt que de se contenter de lui donner des enseignements, le met toujours en situation de les pratiquer. Enthousiaste, Christophe Richard songe un temps à devenir traducteur, ou moine, avant d’opter finalement pour une vie d’ermite dans l’Himalaya. À dix-sept ans, il prend son billet d’avion, pensant ne jamais revenir. Juste avant le départ, il rencontre une femme, qui deviendra la mère de ses deux premiers enfants. Il ne restera que deux mois en Inde avec une idée : rencontrer le Dalaï-lama. À Dharamsala, le jeune bouddhiste se pointe au quartier général du chef spirituel, où il se présente en tibétain. « Très simplement, les moines ont ouvert l’agenda et m’ont demandé quel jour me conviendrait. Aujourd’hui, ça serait infaisable. » Quelques jours plus tard, Christophe Richard se présente à son rendez-vous : « Je l’attendais avec d’autres sur le perron. Il a ouvert la porte et m’a tendu la main à l’occidentale. Je l’ai mise sur ma tête pour lui demander une bénédiction », se souvient-il, amusé. « Nous avons discuté vingt à trente minutes de Pawo Rinpoché, de la France, de mes pratiques. J’étais impressionné et en même temps très à l’aise, comme si on se connaissait depuis toujours ».

L’impermanence, d’Héraclite au Bouddha

De retour en France, Christophe passe son bac et opte pour un cursus de philosophie. « Curieusement, le bouddhisme m’a permis de comprendre la philosophie occidentale, malgré les nombreuses divergences conceptuelles qui existent entre des deux disciplines ». Christophe illustre son propos en prenant l’exemple du Panta Rei, d’Héraclite, qui signifie « tout coule », et du « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». « Quand on connaît les discours du Bouddha sur l’impermanence, on s’y retrouve », reconnaît-il.

« Rencontrer Pawo Rinpoché m’a complètement renversé ! Il était un grand Saint du bouddhisme, un équivalent de Saint-François d’Assise. Les gens pleuraient quand ils croisaient son regard ».

Après avoir un temps envisagé une thèse avec le professeur Guy Bugault, spécialiste des textes bouddhiques en sanskrit, à la Sorbonne, Christophe renonce. « Pour préparer le Capes et l’agrégation, mieux valait connaître mes classiques ». Il travaille finalement sur le concept d’imitation chez Aristote et, à l’âge de vingt-cinq ans, donne ses premiers cours de philosophie.

À ses élèves, le professeur parle rarement du bouddhisme. « Je considère ma pratique comme une démarche personnelle, mais, s’ils me questionnent, je réponds toujours ». Christophe fonctionne de la même manière avec ses trois enfants. « Mes filles, qui ont aujourd’hui trente et vingt-huit ans, ont baigné dedans. Un jour, l’une d’elles m’a presque reproché de ne pas l’avoir obligée à être bouddhiste pour lui permettre d’avoir une pratique spirituelle », s’amuse-t-il. Son jeune fils, qu’il a appelé Pawo en hommage au maître tibétain, a le temps, à douze ans, de choisir sa voie.

De l’utilité des « gens pénibles »

À cinquante-huit ans, Christophe ne ressent plus le besoin de méditer assis. « C’est comme respirer, je ne peux plus dissocier ma vie de ma pratique ». Il a bien suivi des retraites de quelques mois à Nehnang Samten Choling, en Dordogne, mais un ami moine lui a assuré, un jour, que « cela ne servait à rien de faire des retraites, car la vie était une retraite ». L’enseignant s’en explique : « Il faut parfois des gens pénibles pour travailler la patience, la bienveillance et l’écoute au quotidien ». Depuis dix ans, il enseigne comment développer ces qualités à Vajradhara-Ling (Orne). Une formation en quatre dimanches. « À la fin, ceux qui le souhaitent prennent refuge auprès de Lama Gyourmé ». Chaque année, Christophe retourne aux sources, au Népal, pour voir les enfants qu’il parraine, et se rend dans un monastère de la capitale, Katmandou, où Pawo Rinpoché a fini sa vie, il y a près de trente ans. En France, Christophe Richard retrouve l’atmosphère himalayenne dans son petit temple, situé au deuxième étage de son domicile. Sur l’autel, une trentaine de statuettes, des offrandes de riz, de fleurs et d’encens. Un trident couronné d’une tête de mort rappelle l’impermanence, alors qu’un coussin représentant une tête de tigre révèle que la pratique de Tcheu se déroule en ces lieux. Un refuge rassurant pour les demandeurs d’asile tibétains qu’il accueille chez lui – environ deux par an -, le temps d’apprendre le français et d’avoir des papiers. « Quand ils arrivent, ils se sentent chez eux ».

Photo of author

Sophie Solère

Sophie Solère est une journaliste économique et sociale qui s'intéresse depuis des années à l'environnement et à l'interdépendance. Elle travaille pour Bouddha News, une plateforme de médias dédiée à la spiritualité et à la sagesse bouddhiste. En pratiquant le yoga et la danse méditative, Sophie a découvert le pouvoir des voyages spirituels, qui offrent tant de chemins pour se (re)trouver. Elle se consacre à partager avec les lecteurs de Bouddha News des histoires inspirantes et des conseils précieux sur la pratique spirituelle et l'environnement.

Laisser un commentaire