Dans votre essai, vous évoquez l’arrogance de l’être humain oubliant sa dépendance à la planète entière ou encore sa soif de certitude, quand l’imprévisibilité est l’essence même de la vie. Comment cela résonne-t-il au cœur de la pandémie actuelle ?
L’homme est dans cette quête de supériorité, de maîtrise, oubliant les « cécités de la connaissance » dont le philosophe Edgar Morin nous mettait en garde. On croit savoir. On manque d’humilité. Ce mot, dont la racine est commune avec « humus », nous invite aux choses essentielles de la terre. Cette simplicité n’est pas réductrice, elle est une occasion de nous enrichir, de fertiliser, d’aller plus loin en participant à quelque chose qui nous dépasse. Accepter que tout change nous permet de lâcher prise. Cela ne veut pas dire renoncer mais, au contraire, ouvrir les mains pour jouir de l’instant présent et de l’inattendu.
Comment alléger la souffrance du confinement ?
Ne cherchons pas à nier les souffrances d’une telle situation, qui sont terribles. Les accepter est une preuve de courage. En même temps, soyons assez vastes pour accueillir ce qui va bien. On peut ainsi créer de l’espace à l’oiseau qui chante ou au soleil qui brille. La nature nous apprend qu’après les tempêtes, la vie renaît. Prendre ainsi du recul sur l’événement permet de vivre les choses moins dramatiquement. C’est aussi l’occasion de nous recentrer sur nos valeurs en nous tournant vers l’intérieur, comme nous enseigne le bouddhisme. Les fidèles se définissent d’ailleurs volontiers comme des « Nangpas », littéralement « des êtres de l’intérieur ».
« La nature nous apprend qu’après les tempêtes, la vie renaît. Prendre ainsi du recul sur l’événement permet de vivre les choses moins dramatiquement. »
Vous développez, dans votre livre, la métaphore de la calade. En quoi nous est-elle précieuse aujourd’hui ?
La calade est un mot occitan qui désigne à la fois une pierre servant à paver la rue et la rue pavée elle-même. « Être calade » est une façon de s’unir à plusieurs pour explorer un territoire, mais aussi une occasion de permettre à d’autres d’aller plus loin. Chaque maillon, petit ou grand, participe à quelque chose de plus vaste. En ce moment, je vois des calades émerger, et je m’implique à leurs côtés, comme celle de ce groupe de bénévoles qui a mis en place une antenne d’écoute pour les personnes en deuil. C’est une calade d’humanité.