Bernard Guillerm : « La pandémie m’encourage à être plus proche de mes employés. »

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Pratiquant bouddhiste depuis 1984, Bernard Guillerm dirige plusieurs grandes surfaces alimentaires dans la région brestoise. Pendant la pandémie de Covid-19, il s’efforce d’être à l’écoute de ses employés et de les protéger au maximum contre les risques de contamination, et surveille les approvisionnements pour répondre à la demande de produits de première nécessité. Dans cette période potentiellement stressante, les séances de méditation theravada combinées à une alimentation saine lui permettent de garder le cap. Il reçoit, à domicile, les conseils d’un maître de Qi Gong thaïlandais, ancien moine bouddhiste. Des enseignements qui s’avèrent bénéfiques pour toute sa famille.

En cette période de pandémie, ressentez-vous une responsabilité particulière vis-à-vis des consommateurs et de vos salariés ?

Notre responsabilité est très importante. On doit nourrir la population et, dans le même temps, adopter des mesures spécifiques pour protéger nos salariés contre le virus. Nous avons immédiatement équipé les caisses avec du plexiglas ; fourni des gants, des gels, des visières à poser sur les casquettes pour protéger des postillons, et des masques dès que nous en avons reçus. En quelques jours, tous les gestes barrières ont également été adoptés. Cela a permis de faire face en prenant le maximum de précaution à l’afflux de clients. Certains ont cependant mal pris le filtrage aux entrées, qui évite d’avoir un trop grand nombre de personnes en même temps dans le magasin.

Comment faites-vous face à l’assaut de certains consommateurs sur certains produits comme les pâtes ou le papier hygiénique ?

Nous n’avons pas de réserve d’appoint. Les produits arrivent directement des entrepôts. Il nous faut donc suivre en permanence les approvisionnements et voir ce qui peut être amélioré. Des ruptures surviennent parfois, mais nous sommes livrés très rapidement. Globalement, ça se passe bien, nos clients sont raisonnables. Nous n’avons pas vraiment eu de comportements à risque en magasin, si ce n’est quelques personnes faisant leurs courses en famille comme si de rien n’était. Nous leur avons alors gentiment demandé de venir seules et de ne prendre que le nécessaire.

Vos salariés peuvent-ils exercer leur droit de retrait ? Et sont-ils inquiets pour leurs conditions de travail ?

Nous n’imposons à personne de venir. Si quelqu’un juge que c’est trop risqué, nous le comprenons. Nos employés travaillent sur la base du volontariat. Nous avons la chance de n’avoir que 5% d’absentéisme, ce qui s’explique notamment par la forte part d’étudiants dans nos équipes. S’il y avait quelques inquiétudes au départ chez certains d’entre eux, elles ont été vite dissipées dès qu’ils ont été équipés. De plus, nous essayons d’organiser leurs horaires de façon à ce que ça ne soit pas une contrainte pour eux. Par exemple, ils peuvent venir travailler plus tôt le matin pour partir plus tôt, lorsque les premiers clients arrivent, de manière à ce qu’il n’y ait pas trop de croisements dans le magasin. Autre point important : dans notre secteur, en cette période de crise, les emplois en CDI ne sont pas menacés, car les grandes surfaces alimentaires se portent bien. Nous pouvons travailler dans un climat de confiance. Il y a une très bonne ambiance, une émulation dans l’entreprise. Tout le monde est mobilisé, des responsables jusqu’aux employés.

Un patron reste un patron et n’est pas un thérapeute. Que représente la dimension d’aide et de soutien dans ces conditions pour vous ? Votre démarche est-elle soutenue par l’enseignement bouddhiste ?

De manière générale, je fais toujours le maximum pour être à l’écoute de mes employés. La situation actuelle me pousse à être encore plus proche des équipes, à aborder avec elles tous les points bloquants, à veiller à la communication et à tout faire pour entretenir un climat serein. C’est avant tout une démarche humaine, bien plus qu’une démarche de pratiquant bouddhiste. Néanmoins, la méditation me conduit à être plus vigilant. Pratiquer le soir me permet de remettre la journée en perspective, de pacifier les idées qui peuvent surgir de manière désordonnée et de me rendre ainsi plus disponible après. Cette méditation peut se faire en position assise, en marchant, en étant allongé ou en gardant un moment de silence pendant le repas. Dans cette épreuve que nous subissons, il est important de ralentir notre rythme cardiaque et d’observer nos pensées, de nous regarder nous-mêmes pour pouvoir aider les autres.

À quoi ressemble une journée type pour vous ?

Depuis le début de la pandémie, je pratique une demi-heure tous les matins, au réveil, et pendant la journée, je fais attention à manger sainement, à faire le plein de vitamines. Je démarre par une boisson à base de gingembre broyé, de ciboulette hachée et de peau de mandarine ayant bouilli pendant cinq minutes. C’est une recette de mon docteur chinois, Longfei, basé à Gap, dans les Hautes-Alpes. Au petit-déjeuner, je prends un smoothie de fruits à base de mangues, de bananes et de pommes. Et le soir, un smoothie de légumes composé de concombres, de courgettes et de branches de céleri. Si possible, des produits issus de l’agriculture biologique. Je bois aussi beaucoup d’eau chaude et de thé tout au long de la journée. Je vis au jour le jour. Je ne reporte pas au lendemain ce que j’ai à faire, et je le fais sans me brusquer, à mon rythme. La journée terminée, je suis ravi de rentrer chez moi.

« Je suis certain que nous sortirons renforcés de cette épreuve. La difficulté du moment nous oblige à revenir à l’instant présent. On ne peut plus se préoccuper du lendemain, car chaque jour est fait d’inconnu. »

Vous accueillez chez vous un grand maître de Qi Gong thaïlandais. La présence de cet ancien moine bouddhiste est-elle bénéfique à votre famille ?

Nawat Thaweephak et sa femme, Natcharee, résidaient chez nous avant le confinement. Ne pouvant pas rentrer en Thaïlande à cause des événements, ils sont donc restés avec nous. Quand je rentre le soir, je fais d’abord un peu d’exercice, seul, à l’extérieur. Puis Nawat nous propose un quart d’heure de Qi Gong avant le dîner. Vers 21h, je fais ensuite une heure de méditation avec lui et on récite si possible le Namo Tassa, une prière theravada. Le maître thaïlandais, un grand enseignant qui a dirigé plusieurs monastères dans son pays, est très vigilant à ce qui se passe pour moi. On fait le point sur la journée, on regarde ce que l’on peut améliorer. Son calme est exemplaire. Les réponses qu’il apporte à mes questions, ses conseils, positifs, m’encouragent. Et c’est bénéfique pour tout le monde.

Restez-vous serein malgré la situation mondiale actuelle ?

Je suis confiant. Après avoir été privé de liberté comme en ce moment, on ne pourra qu’apprécier ensuite le moment où on la retrouvera. Alors qu’on n’écoutait plus vraiment le chant des oiseaux, on prendra sans doute plus le temps de le faire. Un nouveau monde va apparaître. Je suis certain que nous sortirons renforcés de cette épreuve. La difficulté du moment nous oblige à revenir à l’instant présent. On ne peut plus se préoccuper du lendemain, car chaque jour est fait d’inconnu. J’espère qu’après tout ça, il y aura plus de solidarité, qu’on va réapprendre à vivre ensemble, à vivre tout court.

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Sophie Solère

Sophie Solère est une journaliste économique et sociale qui s'intéresse depuis des années à l'environnement et à l'interdépendance. Elle travaille pour Bouddha News, une plateforme de médias dédiée à la spiritualité et à la sagesse bouddhiste. En pratiquant le yoga et la danse méditative, Sophie a découvert le pouvoir des voyages spirituels, qui offrent tant de chemins pour se (re)trouver. Elle se consacre à partager avec les lecteurs de Bouddha News des histoires inspirantes et des conseils précieux sur la pratique spirituelle et l'environnement.

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