À quand remontent les premiers jardins japonais ?
C’est au Ve et VIe siècle de notre ère que les Japonais sont entrés en contact avec la civilisation chinoise qui rayonnait alors dans tout l’Extrême-Orient. Et c’est à cette époque qu’ils lui ont emprunté certains de ses traits les plus caractéristiques : son écriture, sa tradition bouddhiste, son système architectural et son art raffiné des jardins.
Quels sont leurs principaux éléments constitutifs ?
Depuis des temps immémoriaux, les hommes s’emploient à forger des paysages équilibrés et harmonieux, ce que l’on appelle en Extrême-Orient des compositions de montagne et d’eau (sansui). Le jardin permet de donner vie, en trois dimensions, aux paysages imaginés par les peintres.
« Les jardins secs, faits de pierre et de sable blanc ratissé, peuvent servir de support de méditation. »
Les créateurs de jardins commencent par creuser un étang. Puis ils aménagent des cours d’eau, des cascades, et forment des montagnes artificielles et des petites îles à l’aide de la terre excavée pour réaliser le plan d’eau, mais aussi à l’aide de rochers. Les Chinois ont été les premiers à introduire des roches pour symboliser la montagne, avant d’être imités par les Japonais au VIIe siècle. Les fameux jardins secs (kare-sansui, « paysage sec », en japonais), faits de pierre et de sable blanc ratissé, sont, eux, typiquement japonais. C’est au XIIIe siècle que les monastères zen ont commencé à se doter de ces jardins, extrêmement dépouillés, constitués uniquement d’éléments minéraux.
Ont-ils tous une dimension spirituelle ?
Les jardins secs sont présentés comme des énigmes (kôan) qui peuvent servir de support de méditation. Il n’est pas rare de voir, sur des photos anciennes, des moines en posture de méditation devant ces « jardins zen ». Il est certain que jardiner, ratisser et désherber développe la concentration et une forme de détachement par rapport au mental. Mais ces jardins avaient aussi, au départ, outre leur dimension esthétique et spirituelle, une fonction productive. Ils nourrissaient la communauté tout en lui fournissant les fleurs et fruits utilisés pour les offrandes dans les temples bouddhistes.
Quelle est la symbolique, le sens caché des pavillons de thé que l’on trouve parfois dans ces jardins ?
Ce sont les moines bouddhistes chinois, qui, sous la dynastie des Tang (618-907), ont été les premiers à consommer du thé de manière à rester éveillés pendant leurs longues séances de méditation. Des moines japonais se sont ensuite emparés de cette habitude. Et plusieurs grands maîtres ont alors développé la voie du thé (chadô), l’art de préparer, de servir et de partager le thé. Cette cérémonie se déroule dans des pavillons ad hoc entourés d’un petit jardin. Dans ces espaces très dépouillés, seule l’alcôve, le tokonoma, inspirée de l’architecture des monastères bouddhiques, est décorée. Une partie des enseignements de la voie du thé puise ses racines dans cet héritage monastique.
Les végétaux ont, eux aussi, une dimension spirituelle…
Oui, c’est le cas notamment des lotus qui plongent leurs racines dans la boue avant d’émerger à la surface de l’eau en produisant une très belle fleur. Les lotus, qui symbolisent la foi et la progression du disciple vers l’Éveil, se retrouvent dans tout l’art bouddhique, en Inde, en Chine comme au Japon. Les statues de Bouddha sont souvent assises sur un « trône de lotus ». Ce qui explique que l’on ait pu cultiver tant de lotus au sein de ces jardins.
En quoi les jardins japonais créés dans l’hexagone se distinguent-ils de leurs homologues nés au Pays du soleil levant ?
Ceux qui ont été créés en France ont réinterprété, à leur manière, les jardins japonais. Ils sont souvent l’œuvre de fondus de culture et d’art japonais. D’autres ont été aménagés lors de jumelages entre villes. Le petit jardin japonais du musée Albert Kahn, à Boulogne-Billancourt, créé en 1908-1909 avec l’appui de spécialistes japonais, avant d’être plusieurs fois réaménagé, figure parmi les plus beaux. Ne manquez pas non plus le jardin du XIIe arrondissement de Paris, aménagé place de Fontenoy, au siège de l’Unesco. Ce jardin de 1 700 m2, mêlant art paysager oriental et œuvres contemporaines, a été conçu en 1957, sous la houlette d’Isamu Noguchi, un architecte nippo-américain