Très jeune, son destin a été lié à celui du Dalaï-Lama. Ses parents figuraient au nombre des huit mille Tibétains qui ont fuit le Tibet en 1959, au moment où leur chef spirituel a quitté le pays pour trouver refuge en Inde. Thupten Jinpa le rencontre pour la première fois à l’âge de six ans lors d’une visite que fit Sa Sainteté, au début des années 1960, au Stirling Castle Home for Tibetan Children, situé à Shimla, dans le Nord de l’Inde, où le jeune réfugié tibétain vit alors. « J’étais l’un des élèves choisis pour marcher à ses côtés pendant qu’il visitait l’école », explique Jinpa, comme il aime se faire appeler, dans son livre N’ayons plus peur. Se confiant alors au Dalaï-Lama sur son souhait de devenir moine, ce dernier lui répond : « Étudie bien et tu pourras devenir moine quand tu le voudras ». C’est ainsi que Thupten Jinpa rejoint à l’âge de onze ans, le premier jour du Nouvel an tibétain, le monastère de Dzonghar Choede. C’est là, pendant près de dix ans, dans cette communauté installée dans les paisibles collines verdoyantes de Dharamsala, qu’il vit, travaille, médite et psalmodie. Dix ans plus tard, il intègre Ganden, une grande université monastique du Sud de l’Inde. En 1985, le Dalaï-Lama, convaincu par sa maîtrise de l’anglais et ses talents de débatteur à Ganden, lui propose de devenir son interprète pour la langue anglaise. « J’étais en larmes : même en rêve, je n’avais jamais imaginé qu’un jour j’aurais le privilège de servir le Dalaï-Lama de si près. » À l’âge de 27 ans, il commence alors à accompagner Sa Sainteté lors de ses voyages internationaux. Il devient son interprète auprès des publics anglophones, mais aussi lors d’importantes conférences scientifiques comme les Mind & Life Dialogues. Il l’assiste également dans ses projets d’écriture traduisant et éditant plus de dix de ses livres, dont Sagesse ancienne, monde moderne. Éthique pour le nouveau millénaire et Le Dalaï-Lama parle de Jésus : une perspective bouddhiste sur les enseignements de Jésus.
Qu’a-t-il appris d’essentiel auprès de Sa Sainteté ? « Je n’ai jamais rencontré un homme qui pense autant au monde et à son devenir. Tous les jours, il pense aux moyens d’aider les êtres. J’ai appris aussi auprès de lui l’importance de l’humilité. C’est un homme humble », insiste Thupten Jinpa.
Interface entre deux cultures
Après ses études à Ganden, il poursuit son cursus à l’Université de Cambridge (Grande-Bretagne), où il obtient un doctorat. Il fonde alors l’Institut des classiques tibétains. Son objectif ? Traduire en anglais des textes clés du bouddhisme tibétain. « Nous avons créé une collection qui compile des textes classiques tibétains, de manière à ce qu’ils soient le plus faciles possible à lire », explique-t-il.
« Le Dalaï-Lama ? Je n’ai jamais rencontré un homme qui pense autant au monde et à son devenir. Tous les jours, il pense aux moyens d’aider les êtres. J’ai appris aussi auprès de lui l’importance de l’humilité. C’est un homme humble. »
Conscient que son destin est de servir d’interface entre deux cultures, de relais entre sa tradition bouddhique tibétaine et le monde contemporain, il part enseigner les études religieuses à l’Université McGill à Montréal (Canada). À l’âge de trente-huit ans, il décide de quitter la vie monacale. « Je voulais fonder une famille. Ce que je n’ai jamais vraiment connu au cours de ma vie. J’ai vécu dans un pensionnat religieux depuis l’âge de quatre ans et demi. Puis, ma mère est morte quand j’avais neuf ans. » Son métier le conduisant à œuvrer de plus en plus au niveau international, à devenir une sorte de pont entre l’Est et l’Ouest, il se convainc qu’il sera désormais plus utile en travaillant dans le monde, plutôt que dans un monastère. Aujourd’hui, il vit à Montréal avec son épouse et ses deux adolescentes. Outre ses travaux de supervision d’étudiants en doctorat à l’université McGill, il dirige l’Institut des classiques tibétains et préside le Compassion Institute basé en Californie. Il est également le président du conseil d’administration du Mind & Life Institute, situé en Virginie, qu’il conçoit comme un catalyseur. « Nous essayons de relier, d’établir des ponts entre les recherches cliniques et les applications dans la société, dans le domaine de la santé et de l’éducation particulièrement. » La dernière Mind & Life Conversations, qui s’est tenue à Dharamsala cet automne, avait pour thème : compassion, interconnexion et transformation.