Vous avez découvert le zen en 1974, au dojo de Lille, avec le maître Taisen Deshimaru. Qu’est-ce qui vous a attiré ?
Ce qui m’intéresse dans le zen, c’est la participation entière du corps et de l’esprit à l’événement que nous vivons. Celle-ci permet d’observer, de sentir un phénomène au-delà de l’étroitesse des mots. Avant de rencontrer le Dharma, j’ai eu une éducation catholique, avec un curé de paroisse qui ne partageait pas des concepts trop enfantins. Il nous disait : « Le paradis, c’est ici et maintenant ». Ça avait déjà une saveur de bouddhisme avant l’heure.
Cette participation du corps et de l’esprit s’est-elle révélée essentielle dans votre pratique de la médecine ?
En tant que médecin, vous savez combien l’observation de l’autre est importante. Bien entendu, il faut connaître des moyens thérapeutiques, mais j’ai toujours voulu impliquer le patient dans la prise en charge de son traitement. La personne doit progressivement décider elle-même, au fur à mesure de ses connaissances, si elle n’est pas convaincue de l’efficacité thérapeutique actuelle, de tenter l’expérience d’autres moyens.
Être bouddhiste vous permet-il de sortir de vos « croyances » et de vos peurs ?
Se dire bouddhiste ne devrait pas avoir autant d’importance. Il est illusoire de se trouver une identité en se disant bouddhiste. D’ailleurs, on n’est pas plus garanti, dans la voie du Bouddha, d’avoir une famille de cœur que dans d’autres groupes sociaux.
« Ce qui m’intéresse dans le zen, c’est la participation entière du corps et de l’esprit à l’événement que nous vivons. Celle-ci permet d’observer, de sentir un phénomène au-delà de l’étroitesse des mots. »
Toutefois, la pratique nous permet de comprendre ou d’accepter un peu plus vite ce que nous sommes. Lorsque je me trouve en zazen, bien que mes croyances et mes peurs soient toujours présentes, je goûte ce que la vie m’offre à vivre.
Pourquoi était-ce important pour vous de créer le dojo zen d’Halluin ?
Quand j’ai monté le Funzo Dojo (« Dojo de la grande occasion »), à Halluin dans la banlieue lilloise, en 1986, je voulais mettre un espace à disposition, avec probablement une intention personnelle. Maintenant, je souffre de la maladie de Parkinson. Ce qui est bâti sert aux autres ainsi qu’à moi-même. Cela permet à chacun de venir retrouver ce temps de tranquillité nécessaire.
Comment la pratique zen vous aide-t-elle à vivre avec la maladie ?
Je perçois une utilité directe à la pratique de zazen : elle m’a récemment permis de m’asseoir avec souplesse, alors que je suis resté sur un brancard pendant plusieurs heures, et c’est pareil pour les nuits d’hôpital. Cette maladie me fait découvrir de nouveaux aspects de la relation à l’autre. Elle m’enseigne qu’il n’est pas utile de choisir l’enseignement verbal. Depuis cela, je me trouve plus tranquille et plus entier avec chacune des personnes que je rencontre