Dans le système politique, religieux et spirituel tibétain, le Panchen Lama se situe hiérarchiquement juste après le Dalaï-Lama. Tous deux appartiennent à l’école Gélugpa. Vient ensuite le Karmapa, qui représente l’école Kagyupa. Historiquement, les Dalaï-Lamas reconnaissent et valident les renaissances des Panchen Lamas et réciproquement. Depuis des siècles, ces trois grands lamas symbolisent pour leur peuple, la culture, la tradition, la civilisation, la pérennité et la force de l’identité et de la religion tibétaine. Les gouvernements successifs chinois l’ont bien compris et essaient depuis 1959 de s’octroyer la possibilité d’officialiser les renaissances des trois dignitaires, en proposant des candidats de leur choix. N’y étant pas parvenus ni le XIVe Dalaï-Lama ni avec le 17e Karmapa (1) Ogyèn Trinley Dorjé, qui se sont tous deux enfuis du Tibet, ils se sont emparés du 11e Panchen Lama, reconnu par le Dalaï-Lama, et désigné Gyaltsen Norbu, pour le remplacer. Le garçon est le fils d’un cadre du parti communiste.
Il existe actuellement deux Panchen Lamas
En intervenant dans ce processus religieux ésotérique, si essentiel à la continuité du bouddhisme tibétain, le gouvernement chinois, pourtant officiellement athée, joue avec l’âme culturelle du Tibet, célèbre pour sa pratique particulière du bouddhisme. Cette situation a conduit le Dalaï-Lama, exilé en Inde du Nord depuis 1959, à prendre publiquement position sur ses réincarnations futures. Sa Sainteté a ainsi dit en substance que celles-ci se feront en dehors du Tibet, voire n’existeront plus, ce qui dans ce cas mettrait fin à l’institution des Dalaï-Lamas.
Désormais le gouvernement chinois tente d’édifier l’influence et la renommée de Gyaltsen Norbu, grâce à :
– Son éducation dans une banlieue de Pékin par des tuteurs chinois.
– Sa nomination de plus jeune membre du Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois et celle de vice-président de l’Association des bouddhistes de Chine (février 2010).
– L’affirmation qu’il incarne le visage du bouddhisme tibétain.
Cette tentative orchestrée pour siniser la tradition tibétaine n’est pas nouvelle. Mao Zedong avait tenté, en vain, dans les années 50 de prendre le 10e Panchen-Lama et le jeune XIVe Dalaï-Lama sous son aile, les célébrant pour adoucir les coups de l’occupation et les convaincre de devenir des alliés utiles.
La situation du Panchen Lama, un grain de sable dans la politique de la Chine
Vingt-cinq ans après, la communauté mondiale n’oublie toujours pas la disparition de Gendun Choekyi Nyima et tente régulièrement de le faire libérer ou d’avoir de ses nouvelles grâce à des négociations et des échanges diplomatiques. Cette situation fragilise d’une certaine manière la Chine, qui donne l’image d’un pays effrayé par la menace d’un jeune enfant tibétain. Et montre l’étendue de ses contradictions puisque « la Constitution de la RPC garantit aux citoyens la liberté de croyance religieuse et la protection des activités religieuses normales ». (2) La réalité est bien autre. Le gouvernement impose aux différents groupes religieux de coopérer avec les autorités pour tenter de les affaiblir. Ces politiques de longue date sont en cohérence avec l’effort actuel de Xi Jinping pour « siniser la religion ». (3)