Marc Puissant : « Bouddha et Jésus nous invitent à mourir au petit moi pour renaître à notre être essentiel. »

- par Henry Oudin

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La voie du Bouddha a été pour lui un chemin de transformation et de guérison. Enseignant du Dharma laïc et élève de Thich Nhat Hanh, Marc Puissant anime depuis quinze ans des retraites de Pleine conscience et de réconciliation. Il évoque dans son livre, Du mal au bien, de la souffrance au bonheur, ce qui réunit christianisme et bouddhisme, et l’importance de lancer des passerelles entre ces deux traditions.

La rencontre avec votre Maître Thich Nhat Hanh aurait joué un rôle déterminant dans votre processus de transformation et de guérison ?

La première rencontre qui m’a redonné le goût de vivre a été celle de Swami Chidananda en Inde. Celle-ci s’est faite à une période où j’étais malade et dépendant de la drogue. J’ai été accueilli et soigné dans son ashram de Rishikesh, aux pieds de l’Himalaya. C’est Swami Chidananda qui m’a redonné accès à cette force de vie qui était en moi et que j’ignorais. Après cette rencontre, il m’a fallu encore vingt à trente années de travail sur moi et de psychothérapies pour commencer à libérer mes potentiels. Mais, c’est bien ma rencontre avec Thich Nhat Hanh et sa présence pleine de tendresse qui m’a permis de fissurer l’armure qui enfermait mon cœur et de me regarder pour la première fois avec bienveillance. Les rencontres avec Thich Nhat Hanh, mais aussi avec d’autres « guides » comme Arnaud Desjardins, Karl Grief Durckeim et Annick de Souzenelle, m’ont permis de progresser sur mon chemin. Ceux-ci ont parfaitement intégré les enseignements empreints de sagesse qu’ils ont reçus, dont ils ont su faire une parole vivante qui ouvre et met en route. Une parole vivante que je ne trouvais plus dans la tradition chrétienne qui était la mienne.

Qu’est-ce que ces deux traditions, bouddhisme et catholicisme, ont en commun ?

C’est grâce à Annick de Souzenelle, qui m’a fait redécouvrir la Bible, que j’ai compris que le message de Jésus, comme celui de Bouddha, sont des chemins de transformation et de guérison. Des chemins qui nous bousculent et nous invitent à une transformation radicale de nous-mêmes. Bouddha et Jésus nous disent tous les deux qu’ils sont du monde sans être du monde. Ils nous invitent à mourir à l’ego, au petit moi pour renaître au Soi, à notre être essentiel. Dans les deux cas de figure, c’est souvent une expérience ou une rencontre qui précède la foi. Hélas, chez les chrétiens, on a très souvent mis en avant les dogmes sans nous dire que l’on pouvait aussi faire l’expérience de la rencontre de Jésus vivant. Dans le bouddhisme, en revanche, on met beaucoup plus l’accent sur l’expérience vivante d’une rencontre avec ce que l’on appelle notre « nature de Bouddha », le plus vaste que soi. Et c’est cette rencontre-là qui nous ouvre à la confiance, à la foi dans le Dharma – la pratique.

« C’est bien ma rencontre avec Thich Nhat Hanh et sa présence pleine de tendresse qui m’a permis de fissurer l’armure qui enfermait mon cœur et de me regarder pour la première fois avec bienveillance. »

On retrouvait ce même cheminement, autrefois, dans le message de Jésus. Mais, au fil des siècles, l’Église a gommé ces aspects, cette possibilité d’un lâcher-prise, d’une mort-résurrection symbolique qui seule permet la rencontre mystique avec le Christ, et elle en est venu, progressivement, à transformer la foi en croyance. Or, comme le montre Thich Nhat Hanh dans son livre Jésus vivant, Christ vivant, le Christ, comme le Bouddha, continuent à être vivants à travers leurs disciples qui sont en chemin et vivent leur enseignement. C’est la rencontre qui est déterminante, elle nous bouscule, nous retourne et nous ouvre à un nouvel état de conscience. On se sent alors porté et inspiré par une énergie de vie, d’amour et de paix.

Pourquoi est-ce important, à vos yeux, de lancer des passerelles entre christianisme et bouddhisme ?

C’est important, car le bouddhisme reste encore minoritaire en Occident, même après deux ou trois générations d’acclimatation. Il y aurait, en Europe, d’après certaines estimations, environ 500 000 pratiquants, et deux ou trois millions de sympathisants. Peu de pratiquants prennent, en revanche, réellement appui sur le Dharma – l’enseignement du Bouddha – pour en faire un chemin de vie et de guérison. Le message du Christ demeure, lui, beaucoup plus présent dans l’inconscient collectif même s’il est en forte régression. Il imprègne notre culture humaniste. J’ai l’intuition – qui est aussi celle de Thich Nhat Hanh – que les bouddhistes peuvent aider les chrétiens, qui ont cessé de pratiquer et ceux qui pratiquent encore, à redécouvrir avec un regard neuf – celui de l’interdépendance – la Source d’eau vive en eux annoncée par Jésus à la Samaritaine. J’observe d’autre part une forte progression de la mindfulness – ou pleine conscience – dans notre société. Son succès tient sans doute au fait que c’est une pratique « laïque », détachée de toute religion, qui permet néanmoins d’accéder à une certaine transcendance. Cette pratique est porteuse d’une éthique globale dont a grand besoin notre société qui a perdu ses repères.

Qu’apportent au monde d’aujourd’hui les dialogues interreligieux auxquels vous prenez part ?

En tant que pratiquants « engagés », nous devons témoigner, qu’au-delà de nos différences, nous sommes frères et sœurs, et que nous pouvons participer ensemble à des projets communs pouvant ouvrir des pistes alternatives au vieux monde. Nous devons aussi cheminer avec tous les mouvements alternatifs non religieux : écologistes, pacifistes, spiritualistes… Au-delà de nos différences religieuses, géographiques, politiques, ou sociales, nous pouvons travailler ensemble, à condition que chacun cultive l’écoute de l’autre, la bienveillance et le respect de celui-ci dans ses différences. Le Bouddha nous invite à sortir de la certitude de détenir la vérité et à nous enrichir des trésors des autres traditions, sans chercher à faire du syncrétisme. Nous pouvons aussi prier ensemble, unis dans la même source qui nous anime tous. Nos rencontres témoignent qu’il est possible de vivre nos différences dans l’écoute profonde de la parole d’autrui, de manière bienveillante et respectueuse. Au sein de notre société consumériste et individualiste, nous avons à témoigner de nos valeurs communes : partage, solidarité avec les plus démunis, tolérance, compassion, sobriété et respect des hommes et de la planète. Nous avons aussi un rôle à jouer dans les débats éthiques touchant à la bioéthique, à l’intelligence artificielle, à la PMA, etc. Nous sommes parmi les derniers « dinosaures » à nourrir encore une vision anthropologique de l’homme, ce qui nous pousse à demander aux décideurs de prendre le temps de s’informer, d’étudier en profondeur ces questions et de prendre en compte les éclairages des grandes traditions avant d’adopter, après mûres réflexions, de nouvelles technologies

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Henry Oudin

Henry Oudin est un érudit du bouddhisme, un aventurier spirituel et un journaliste. Il est un chercheur passionné des profondeurs de la sagesse bouddhiste, et voyage régulièrement pour en apprendre davantage sur le bouddhisme et les cultures spirituelles. En partageant ses connaissances et ses expériences de vie sur Bouddha News, Henry espère inspirer les autres à embrasser des modes de vie plus spirituels et plus conscients.

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