Au détour de nombreux pâturages où paissent des vaches normandes, l’allée de graviers mène à la maison aux tuiles plates, caractéristiques du Perche. La porte est ouverte. Ani Yeshé Lamo, affairée aux fourneaux dans sa robe de nonne, nous accueille avec un grand sourire. « Heureusement que j’aime faire la cuisine. Même avec un seul retraitant, c’est trois fois par jour », dit-elle en souriant. Elle mélange oignons, tomates et laitue dans le saladier. La plupart proviennent du potager, juste à côté. La fille d’Ani, Michaela, et sa petite fille, Ambre, arrivent avec des pastèques dans les mains et prennent le relais en cuisine. L’occasion de faire avec Ani Yeshé Lamo le tour du centre. Son activité a vraiment démarré en 2011, lorsque Ani est venue occuper les lieux, à la demande de Lama Gyourmé. « Jusqu’à la forêt, en bas, c’est Mahamoudra Ling », indique la nonne. Le terrain, qui compte cinq hectares, comprend deux grands bâtiments et trois petites maisons, ces dernières sont réservées aux retraitants.
« Une belle parenthèse »
Un groupe de Qi gong venu de Pontoise réside en ce moment dans les lieux. Dans un coin de verdure, en contrebas du jardin, les participants font bouger leurs bras lentement, en suivant leur respiration. Le groupe de Qi gong termine sa dernière activité. Certains partent ranger leurs chambres. Mireille, 65 ans, préfère rester dans le jardin. « On ressent ici le calme, la simplicité, ce qui permet de suivre notre programme en toute sérénité ». « C’était une belle parenthèse », confirme Annie, 70 ans, qui se repose également sur une chaise longue. « Un stage sur plusieurs jours permet un travail plus approfondi, avec plus d’émotions que les cours hebdomadaires », explique l’enseignante. Elle vient ici pour la seconde fois et salue la « cuisine végétarienne cinq étoiles » d’Ani Yeshé Lamo. Mathieu, un jeune commercial de 32 ans, attablé à l’ombre, abonde en ce sens : « C’est appréciable de pouvoir décrocher ».
« Nous ne sommes pas différents de tout ce qui nous entoure. Ainsi sont les lois de l’interdépendance ». Ani Yeshé Lamo
Josette, l’enseignante de Qi qong de l’association Bouger autrement, a découvert le site il y a une dizaine d’années. « Ani est si accueillante et disponible que j’ai l’impression de visiter quelqu’un de ma famille », dit-elle. Elle se considère comme sympathisante bouddhiste et aime particulièrement cet endroit « qui permet de travailler la lenteur, la douceur, la bienveillance, le rapport à la nature », se réjouit-elle.
Des mantras et des cymbales
En retournant vers la maison principale, j’aperçois de loin, sous un parasol, un Bouddha blanc au milieu de compositions florales et minérales. « Souvent, on me prend pour une fleuriste », s’amuse-Ani. L’heure du déjeuner approche. Alors que le groupe se retrouve autour d’une table du jardin, notre hôte retourne en cuisine. Tout en coupant des avocats, elle m’explique le déroulement des journées à Mahamoudra Ling. Quatre sessions de méditation quotidiennes sont proposées : les rituels de la Tara Verte, de Mahakala, de Chenrézi et de Tcheu. D’autres prières ou événements peuvent venir se greffer, en fonction des périodes de l’année : rituels de libération des animaux à chaque pleine lune, retraites de Milarépa, de reiki ou de yoga, mais aussi jardinage et pratique artistique en plein air.
Sonia, une retraitante, arrive juste à l’heure pour le rituel de Mahakala, « le Protecteur de l’enseignement du Bouddha et des activités de nos maîtres ». Ani Yeshé Lamo s’installe dans le temple, face à la salle, et récite des prières dédiées à ce culte. Puis, elle enchaîne avec le rituel de Chenrézi en expliquant aux personnes présentes : « Nous allons maintenant habituer notre esprit à la compassion pour que cesse la souffrance chez les êtres ». Lorsque vient le moment de la récitation des mantras, le tintement des cymbales et le son du gong résonnent dans le temple. Puis, Ani nous invite à rester dans la nature de l’esprit.
Méditer au son du ruisseau
Alors que le groupe du week-end partage le thé, Chili, le chat roux et blanc de la maison, se repose à la douce lueur du soir. Pendant ce temps, Ani est repartie préparer le dîner et coupe les carottes et les poireaux en cuisine. Soupe et quiche végétarienne sont au menu.
Le lendemain, le rituel de la Tara Verte, à 7 heures, marque le début de la journée. Prières à l’arbre du refuge, offrandes au mandala, récitation de mantras et méditation alternent pendant une heure…
Le petit-déjeuner est ensuite pris en silence : muesli, miel aux noix, pain et fruits secs ravivent les papilles des convives.
Alors que le soleil matinal teinte le Bouddha blanc, posé sur son rocher, Ani s’échappe vers la forêt. Des rayons de lumière traversent les feuilles et font scintiller au loin le ruisseau. La nonne s’arrête, s’assoit en position du lotus, près d’un petit torrent, et commence une méditation au son de l’eau. Une biche passe à quelques mètres, lui jette un coup d’œil furtif. Plus loin, une mare de boue révèle une sorte de « baignoire » naturelle où les sangliers aiment se rouler. « Ici, c’est un micro univers », me dit Ani que j’accompagne dans cette retraite au milieu de la nature. Elle propose souvent aux retraitants une méditation où ils s’assoient sur des pierres au milieu des fleurs, dans la forêt, pour qu’ils puissent se reconnecter avec la nature et avec eux-mêmes. Ce lien avec l’univers est essentiel pour la nonne qui ajoute : « Nous ne sommes pas différents de tout ce qui nous entoure. Ainsi sont les lois de l’interdépendance ».