« La moitié de la vie sainte, Seigneur, n’est-elle pas amitié avec le beau, association avec le beau, communion avec le beau ? » « Non, Ananda, dit le Bouddha. Cela n’est pas la moitié de la vie sainte, c’en est l’entièreté. » Samyutta Nikaya
De l’Inde à la Chine, du Tibet au Japon, du Sri Lanka à la Thaïlande, le bouddhisme a été transmis également grâce à l’art. Regarder une image du Bouddha peut nous mettre en rapport avec son enseignement de manière aussi profonde que l’étude d’un traité théorique. Sans nous perdre dans le jeu souvent égarant des concepts, nous pouvons nous laisser émouvoir par celui qui fut nommé le Bienheureux et le rencontrer.
Nous oublions parfois cette ressource des images, car, pour nous, elles sont trop souvent de vulgaires éléments de communication. Elles sont des illustrations pouvant transmettre un ensemble d’informations et procurant parfois un plaisir esthétique. Mais dans la tradition bouddhique, l’œuvre d’art est la manifestation de la réalisation spirituelle du Bouddha et la contempler nous confronte à sa réalisation.
Toute œuvre d’art est, dans cette perspective, sacrée – à la fois vérité et présence. Elle répond à des canons précis et complexes, en conformité à une vision du monde et à un univers spirituel cohérent. Elle cherche ainsi à témoigner de l’harmonie du cosmos.
Mais elle doit aussi être animée d’un souffle vivant, émouvant et ardent. L’art bouddhiste n’est pas spirituel parce qu’il représenterait des sujets religieux, mais parce qu’il a donné naissance à des styles et à des exécutions non égotiques, où l’artiste s’efface devant l’Ouvert qu’il laisse se déployer. Dans le bouddhisme traditionnel, la beauté est la dimension où la vie se déploie dans sa plénitude la plus vive. L’artiste est à son service.
C’est par son art, du reste, que « toute tradition forge et forme une ambiance dans laquelle ses vérités se reflètent, dans laquelle les hommes respirent et vivent dans un univers de signification conforme à la réalité de cette tradition. C’est pourquoi, dans presque tous les cas pour lesquels nous avons un témoignage historique, la tradition a créé et formalisé son art sacré avant d’élaborer ses théologies et ses philosophies ». Bien avant que le bouddhisme n’ait développé une doctrine cohérente, qu’un penseur comme Nagarjuna par exemple, n’ait écrit ses traités subtils, l’architecture et la sculpture bouddhiques s’étaient développées