Le Tibet est un pays qui fascine, d’autant plus qu’il bénéficie en Occident de l’aura de personnages charismatiques tels que le Dalaï-Lama ou, pour la France, son interprète Matthieu Ricard, pour ne citer qu’eux. Mais le connaît-on vraiment ? Au-delà de la mythologie, des clichés et autres idées fausses, l’ouvrage de Katia Buffetrille – anthropologue et tibétologue à l’École Pratique des Hautes Études – réussit ici le pari d’aborder une époque peu connue du grand public – le Tibet des XVIIe et XVIIIe siècles – de manière tout à fait accessible pour le néophyte.
La vraie différence d’avec les ouvrages historiques sur le Tibet parus jusqu’à maintenant réside dans la conception même du livre. En effet, grâce au format proposé par la collection Guides Belles Lettres des Civilisations, le lecteur peut, au choix, lire l’ouvrage de façon linéaire, de la première à la dernière page, ou bien passer de chapitre en chapitre dans l’ordre qu’il souhaite, en se laissant guider par sa curiosité ou ses interrogations du moment, ou, enfin, utiliser directement l’index très fourni afin de trouver rapidement une information précise. Ce qui s’avère très utile ici puisque le livre couvre le Pays des neiges des XVIIe et XVIIIe siècles en dix chapitres, qui abordent l’histoire, la géographie, l’organisation politique et administrative, la société et l’économie, les religions, la vie intellectuelle, le rapport au temps, les arts, les loisirs, ou encore la vie privée. Le spectre est vaste !
Mais pourquoi avoir abordé précisément ces deux siècles ? Il y a de multiples raisons à cela : ces deux cents ans constituent une époque charnière du pays qui a vu la mise en place des structures administratives du pays qui ont perduré jusqu’en 1959 (date de l’invasion du Tibet par la Chine), ce fut une période d’un foisonnement culturel inégalé, de grands personnages comme le Ve Dalaï-Lama ont marqué de leur empreinte la société dans son ensemble, et – très prosaïquement – de nombreuses sources sont parvenues jusqu’à nous. La bibliographie choisie proposée en fin de volume démontre d’ailleurs que l’auteure s’est plongée dans un très grand nombre d’entre elles, aussi bien en langues occidentales qu’en tibétain ! Sans surprise, les sources d’origine religieuses sont largement représentées, mais les rapports des missionnaires et autres voyageurs qui se rendirent sur le haut plateau himalayen sont également des témoignages de première main particulièrement fascinants, qui nous permettent de saisir ce qu’était la société tibétaine à l’époque. À noter que les références bibliographiques sont réparties en fonction des grands chapitres du livre, ce qui se révèle pour le moins pratique pour ceux qui souhaitent approfondir certains points.
Richement illustré, L’âge d’or du Tibet n’est pas un guide de voyage au sens strict, mais il nous propose un voyage dans une époque dans un Tibet que l’on découvre ouvert sur l’extérieur, tolérant vis-à-vis des autres religions (il y avait tout de même deux mosquées à Lhassa !) et en pleine transformation avec la mise en place d’une unité politique et administrative qui fait de Lhassa la capitale d’un territoire gigantesque. Ce livre éclaire un Tibet d’hier qui a perduré jusqu’au milieu du XXe siècle et qui, malheureusement, est en train aujourd’hui de disparaître.