Fusionner avec le cosmos : la puissance de l’art

- par Henry Oudin

Publié le

Attention chefs-d’œuvre ! Courez admirer les toiles vibrantes et irradiantes de couleurs du peintre chinois Hsiao Chin. « Les Couleurs du Zen », sa rétrospective, à l’affiche au Musée Guimet jusqu’au 3 juin, est une invitation à la contemplation.

Ses toiles sont une ode à la joie, un hymne à la vie. Un hymne à la couleur, aux couleurs orange, rose, turquoise, bleu et vert, vibrantes et irradiantes, qui inondent ses œuvres nous invitant ainsi à la contemplation. C’est une explosion de couleurs, mais aussi de formes (rondes, carrées, triangles ou rectangles) qui sautent aux yeux des visiteurs pénétrant les salles d’exposition de l’hôtel d’Heidelbach, qui héberge pour quelques semaines la rétrospective Hsiao Chin. Une explosion de formes géométriques comme en témoigne notamment « The universe projection », une toile de 1965 constituée de rayons irradiant une énergie cosmique qui donnent l’impression d’un mouvement circulaire ouvert sur l’espace.

Au fil des salles, le visiteur découvre aussi des peintures constellées de points formant une forme de magma cosmique qui génère une énergie très stimulante. « Après les épreuves que j’ai traversées au cours de ma vie et les révélations qui ont suivi l’étude du bouddhisme zen, j’en suis venu à prendre conscience de la petitesse du Moi. J’ai réalisé que c’est seulement lorsque ce « petit Moi » ne fait plus qu’un avec le « grand Moi » cosmique que son existence a une quelconque signification et valeur. Je tente de fusionner avec le cosmos à partir de l’état de « non-Soi » et de faire l’expérience de cette illumination portée par la puissance du cosmos », explique-t-il à Maggie Wu, de la Hsiao Chin Foundation, dans un texte du catalogue de l’exposition.

Première exposition muséale à Paris

C’est la première fois qu’un musée français consacre une exposition à cet artiste chinois, né il y a 84 ans à Shanghai. Quelques-unes de ses toiles avaient cependant déjà été montrées à Paris en 1964, dans la galerie internationale d’art contemporain. Il est regrettable qu’il ait fallu attendre cinquante-cinq ans pour qu’une œuvre d’une telle force, présente dans les collections du MoMA et du MET, et d’autres grands musées occidentaux, de Philadelphie à Toronto, de Barcelone et Lausanne, soit montrée sur les bords de Seine par une institution.

« Après les épreuves que j’ai traversées au cours de ma vie et les révélations qui ont suivi l’étude du bouddhisme zen, j’en suis venu à prendre conscience de la petitesse du Moi. » Hsiao Chin

« Les couleurs du Zen » réunit une cinquantaine de toiles emblématiques de son œuvre qui ont été prêtées par la Hsiao Chin Foundation et par des collectionneurs privés européens et asiatiques. « Nous avons réuni un corpus caractéristique des grands moments de l’œuvre du peintre et de ses évolutions depuis les années 1950 à travers une sélection d’œuvres iconiques », explique Jérôme Neutres, le commissaire de l’exposition.

Un point c’est tout

C’est une œuvre tissée d’influences asiatiques et occidentales. Hsiao Chin a été formé, au début des années 1950, à Taipei, dans la capitale de Taïwan, par maître Li Zhongsheng, « un professeur d’art hors pair qui savait guider chaque jeune âme », souligne l’artiste. Celui-ci l’invite à écouter sa voix intérieure et à « ne pas imiter les autres ». Le jeune homme, qui souhaite explorer le monde, part vivre quelque temps en Espagne, à Madrid puis à Barcelone, avant de s’installer en Italie, à Milan à partir de 1959. C’est là, en 1961, influencé par l’étude des textes sacrés tibétains dans lesquels il se plonge alors, qu’il crée le mouvement « Punto », le point en italien. Le point qui est le plus petit composant de l’art. « Punto » se réfère à la conception philosophique extrême-orientale selon laquelle toutes les choses sont Une. Ses toiles se parsèment alors de signes. Des signes – « des gestes intérieurs » écrivait Henri Michaux – qui évoquent la calligraphie chinoise comme dans sa très belle série « Dancing light ». En 1973, en étudiant la pensée zen, il s’aperçoit qu’elle rejoint les recherches artistiques modernes qu’il entreprend. « Le zen a eu une telle influence, souligne-t-il, que j’ai décidé d’abandonner les contraintes de la rationalité occidentale pour laisser le champ libre à mon intuition orientale ». Quatre ans plus tard, de retour des États-Unis, où il est parti enseigner et où il a rencontré Mark Rothko et Willem de Kooning, il lance un autre courant, « Surya », qui signifie le soleil en sanskrit. Le soleil, source de vie et d’énergie. Il se met alors à peindre des images aux couleurs électriques qui rayonnent à partir d’un point.

Forme d’expressionnisme abstrait mâtinée de sagesses orientales, l’œuvre de Hsiao Chin jette un pont entre l’art oriental et l’art occidental, en tentant d’infuser dans ce dernier l’esprit de contemplation qui fleurit et s’épanouit en Asie : l’esprit du zen qui vise à retrouver un royaume idéal, « où la nature et l’homme ne font qu’un », par-delà les limites de la vie et de la mort

Photo of author

Henry Oudin

Henry Oudin est un érudit du bouddhisme, un aventurier spirituel et un journaliste. Il est un chercheur passionné des profondeurs de la sagesse bouddhiste, et voyage régulièrement pour en apprendre davantage sur le bouddhisme et les cultures spirituelles. En partageant ses connaissances et ses expériences de vie sur Bouddha News, Henry espère inspirer les autres à embrasser des modes de vie plus spirituels et plus conscients.

Laisser un commentaire