« Les enseignements Dzogchen sont l’essence de tous les enseignements tibétains, si directs qu’ils furent toujours tenus un peu cachés ». Transmis de maîtres à disciples depuis Garab Dorje, être réalisé qui vécut au nord-ouest de l’Inde au IIe siècle avant J.-C., les enseignements Dzogchen « demeurent aussi appropriés à la situation de l’homme d’aujourd’hui qu’ils l’étaient hier ». Ainsi s’exprime Chögyal Namkhai Norbu, maître Dzogchen décédé en 2018, à près de 80 ans. Né au Tibet, où il a été reconnu comme la réincarnation de plusieurs grands maîtres bouddhistes et où il a étudié des milliers de textes et reçu d’innombrables initiations, il a préféré la vie simple d’un professeur de langues et littératures tibétaines à l’université de Naples. C’est là que ses étudiants, comprenant qu’ils avaient affaire à un maître Dzogchen, lui ont demandé de leur donner des enseignements. Chögyal Namkhai Norbu a accédé à leur requête à la fin des années 70, d’abord en Italie et bientôt dans le monde entier.
Dzogchen et Tantra a été rédigé à partir de transcriptions de ses enseignements oraux entre 1978 et 1984 (1). Émaillé d’anecdotes et de descriptions inédites, il donne à voir la profondeur et la richesse d’une voie spirituelle qui, même si elle a été transmise dans la culture du Tibet, n’appartient à aucun pays donné. Dzogchen, terme tibétain qui signifie « grande perfection », se réfère à notre état primordial, fondamentalement pur depuis l’origine, en lequel rien n’est à rejeter ni accepter. Cet état n’a aucune nationalité. « Pour comprendre et entrer dans l’état primordial, il n’est besoin d’aucune connaissance intellectuelle, historique ou culturelle. Il est au-delà de l’intellect de par sa nature même », rappelle Namkhai Norbu. L’auteur n’hésite pas à raconter comment ses propres constructions mentales se sont effondrées lorsque, vers l’âge de 17 ans, il reçut l’introduction directe de son maître Tchangchoup Dordjé. Ce vieux médecin tibétain qui ne savait ni lire, ni écrire, ni accomplir de rituels élaborés, avait développé la clarté d’un grand pratiquant Dzogchen.
« Le Dzogchen ne demande à personne de croire en quoi que ce soit. Il suggère plutôt à l’individu de s’observer lui-même et de découvrir quelle est sa véritable condition. »
Auteur de nombreux livres, Chögyal Namkhai Norbu a su garder l’art du conteur. D’un ton direct et précis, il alterne les commentaires sur la structure des enseignements bouddhistes et la place du Dzogchen, voie dite de « l’autolibération », et les récits truculents de ses rencontres avec des maîtres peu ordinaires. L’une vivait dans le noir depuis plus de cinquante ans, un autre résidait dans une grotte inaccessible, à se demander comment il parvenait à se nourrir. Il rappelle aussi comment les enseignements Dzogchen peuvent être intégrés à la vie quotidienne. « Le Dzogchen ne demande à personne de croire en quoi que ce soit. Il suggère plutôt à l’individu de s’observer lui-même et de découvrir quelle est sa véritable condition. »