Contempler sereinement l’incertitude

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À l’heure du Coronavirus, nous voyons la peur du manque émerger et avec elle la panique. Nous voyons également la solidarité croître et la pollution s’effacer. Le temps du confinement ralentit le monde et le transforme déjà. Et si cet événement signait le virage tant attendu d’une autre manière de vivre ?

On espérait que quelque chose bouge, que l’humanité tout entière se rende compte que tout est interconnecté et qu’elle agisse de concert pour changer les choses, mais seule l’impuissance nous répondait. Ce n’est ni la fonte des glaces, ni la foule en colère, ni les milliers de réfugiés qui s’échouent à nos frontières qui a pu arrêter la machine, mais un micro-organisme, un virus.  Le Covid-19 nous a pris de court et nous nous retrouvons en situation d’extrême vulnérabilité. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous ressentons tous la même chose au même moment et quelque chose se réveille. L’impermanence est une réalité oubliée qui, si elle est ressentie en son cœur, en sa chair, peut tout transformer.

La leçon de Fukushima

Il y a neuf ans exactement, j’étais au Japon lors du tremblement de terre et de l’explosion nucléaire de Fukushima. Les premières heures après le séisme nous mirent tous dans un état de stress physique et psychique inconnu, et alors que les répliques ne cessaient de secouer la terre toutes les quatre heures, on annonça un possible tsunami dans la baie de Tokyo. Je pris mon passeport, un duvet, de l’argent, de l’eau puis je montai sur la plus haute colline de Kamakura. Je retrouvai une poignée de personnes avec qui nous avons commencé à attendre. Après plusieurs heures, la profonde sensation de ne pas être à ma place m’assaillit, je réalisai que je ne pouvais passer ma vie à avoir peur de la perdre, car cela m’empêchait de la vivre ! Je redescendis de ma montagne et allais là où mon cœur m’appelait, vers ceux que j’aimais dans un café sur la plage. Je n’ai jamais eu autant la sensation d’être vivante qu’au bord de cette plage potentiellement dangereuse. Au cœur de l’incertitude, face à la mer.

« Je contemple le monde sans moi. » Alexandre Jollien

Il y a quelques semaines à l’annonce du virus, j’ai ressenti la même panique, la peur du manque, l’urgence de devoir se protéger et puis je me suis assise.

Où trouver l’existence merveilleuse ?
Si ce n’est lorsque la vigilance dissipe la confusion.
Telle est la voie du silence et de la clarté
La racine du détachement extérieur et de la subtilité intérieure
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Zazen, la méditation sans objet. Un cadre, celui de l’axe ouvert à l’inconnu, d’un dos allongé sans tension, d’une respiration libérée, d’un mental qui ne cherche plus rien à atteindre, qui ne cherche plus à solutionner, qui ne cherche même pas à se calmer ni à s’apaiser. L’assise contemplative de la méthode sans méthode, la voie de la contemplation du silence joliment exprimée par Alexandre Jolien : « Je contemple le monde sans moi ». Oui, ce virus nous fait ressentir dans notre chair et notre cœur combien nous sommes tous reliés, que ce soit par un postillon ou un cours en bourse, ce qui bouge à un endroit touche tout le monde.

Explorer la contemplation de l’incertitude, c’est revenir au cœur de notre existence, vivre ce qui est, tel que c’est.

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Sophie Solère

Sophie Solère est une journaliste économique et sociale qui s'intéresse depuis des années à l'environnement et à l'interdépendance. Elle travaille pour Bouddha News, une plateforme de médias dédiée à la spiritualité et à la sagesse bouddhiste. En pratiquant le yoga et la danse méditative, Sophie a découvert le pouvoir des voyages spirituels, qui offrent tant de chemins pour se (re)trouver. Elle se consacre à partager avec les lecteurs de Bouddha News des histoires inspirantes et des conseils précieux sur la pratique spirituelle et l'environnement.

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