Lama Pema verse de la semoule dans une vasque, avant de poser des branches de sapin sur les flammes du barbecue. La cérémonie d’offrande de fumée peut commencer dans la cour du centre Vajradhara Ling, à Aubry le Panthou. Destinée à tous les êtres vivants, elle est destinée à purifier événements passés, présents et à venir. Puis, pendant que le Vénérable Lama Gyourmé, en robe traditionnelle tibétaine, chante des mantras, abrité sous un parapluie, les spectateurs sont invités à déposer des offrandes de nourriture dans le feu
Le premier Festival pour la paix de Normandie est ainsi lancé. La voix d’Isabelle, chargée de présenter les animations et interventions du week-end, invite le public à rejoindre les différentes activités. À l’intérieur du stupa, Nathalie Eno débute son intervention sur le reiki, sous le regard du grand Bouddha, à sa gauche. « Le patient doit prendre part à son processus de guérison, qui est à la fois physique, mental, émotionnel et spirituel. Le reiki ne se substitue jamais à des traitements médicaux, il les accompagne », explique la praticienne, qui met en garde contre les formations proposées sur internet.
La vacuité, « foisonnement des possibles »
Un peu plus loin, dans le temple, Laurent Nottale commence sa conférence sur les sciences et le bouddhisme. L’astrophysicien compare les grands principes du Bouddha avec ceux de la physique. D’abord, la loi de l’impermanence : « Tout se transforme. Même l’espace change au fil du temps », explique-t-il. Puis, il aborde la loi du karma, qui enseigne que toute action entraîne un effet. « En physique, on considère que tout changement au cours du temps dépend d’une action initiale. » Et, enfin, celle sur la vacuité : le bouddhisme affirme l’absence d’existence propre de toute chose. Elle renvoie au principe de relativité – de position ou de vitesse – démontré par Galilée et Einstein. C’est également la base de la physique des particules initiée par Richard Feynman, qui a prouvé le caractère composé des éléments. « La vacuité, c’est le foisonnement des possibles : chaque objet est infini », déclare Laurent Nottale.
« La vacuité, c’est le foisonnement des possibles : chaque objet est infini. » Laurent Nottale.
Après un déjeuner à base de dhal aux lentilles corail, retour dans le stupa, où Christophe Richard, professeur de philosophie à Caen, met le point sur les « i » en précisant que cette question ne se pose qu’en Occident : « Le bouddhisme est-il une religion ou une philosophie ? ». L’enseignant, rappelle qu’il y a, dans le bouddhisme, des prêtres, des rituels, des temples… Et, ajoute-t-il, « si le mot religion vous dérange tant, vous pouvez parler de spiritualité, mais ça revient au même. » Le lendemain, il parle les bienfaits de cette spiritualité dans la vie quotidienne : « Il y a un temple en chaque être vivant, explique-t-il. L’important est de revenir à l’essentiel, de se relier et de s’ouvrir aux autres ».
Mantras sous la pluie, enfants méditants
Le samedi se termine par un concert, en contrebas du monastère. Alors que Lama Gyourmé et le compositeur Jean-Philippe Rykiel gagnent, par une passerelle en bois, le petit îlot au milieu d’une mare entourée de saules, 70 spectateurs s’assoient sur des chaises ou dans l’herbe sur la pente. Derrière les cyprès qui délimitent la zone, des vaches paissent tranquillement dans la prairie. La voix de Lama Gyourmé s’élève, faisant résonner des mantras tibétains, accompagnés du tintement de ses clochettes. Les doigts de Jean-Philippe Rykiel dansent sur le clavier. Un sourire illumine son visage. Une grosse averse vient perturber le spectacle. « C’est une pluie de bénédictions », s’exclame le compositeur, en référence au nom d’un album du duo. Le chant des oiseaux, qui semble faire partie intégrante de la musique, salue le retour du soleil pour conclure cette journée.
Dans l’après-midi, certains rejoignent l’intervention de Pierre Bourges sur les techniques de concentration de l’esprit. Pendant ce temps, devant le stupa, d’autres suivent une démonstration de sabre japonais.
Le dimanche matin, démarrage en douceur. Sylvie Gamo, chercheur en psychologie de l’éducation à l’Université de Strasbourg propose, dans le temple, une méditation à des enfants. Ils sont accompagnés par des adultes. Pieds légèrement écartés, genoux débloqués, ils commencent par se concentrer sur le souffle, inspirant puis expirant en levant et pliant les bras, et en posant ensuite leurs mains sur les hanches. Puis, ils commencent une méditation avec des visualisations qui concernent la nature. Expérience réussie. Chloé, 13 ans, affirme s’être « sentie relaxée en entendant l’eau » dans sa tête. Emmanuelle, qui a accompagné ses enfants, a ressenti « une facilité à se détendre ». Comme de nombreux visiteurs, elle est venue par curiosité. D’autres, comme Éric, connaissaient déjà le lieu : « J’y ai suivi une retraite de trois jours et je suis venu pour la visite du Dalaï-Lama, en 2008. C’est un endroit très calme qui permet d’intérioriser », reconnaît l’homme de 55 ans, originaire de l’Eure.
Voyage du Japon à la Mongolie
Le Festival pour la paix s’adapte à différents publics. Dans l’après-midi, certains rejoignent l’intervention de Pierre Bourges sur les techniques de concentration de l’esprit. Pendant ce temps, devant le stupa, d’autres suivent une démonstration de sabre japonais, par des adeptes de Caen et Alençon. « Il s’agit d’une pratique très codifiée, qui implique le dépouillement et un travail sur le corps et la spiritualité », explique la sensei (professeur) Chantal Macarez, 67 ans.
Le retour des gouttes n’empêche pas les festivaliers de descendre ensuite jusqu’à l’îlot, pour écouter « l’écho des steppes » du duo féminin Yesun. Des chansons et mélodies mongoles entraînantes et envoûtantes à la vièle (Morin khuur) ou au luth (Tovchuur). Une épopée, une balade paisible en Mongolie de l’Ouest, un chant de fête à danser dans la yourte en imitant l’aigle ou les pas du cheval… Plusieurs spectateurs tapent dans les mains pour clore ce festival en rythme