Certaines personnes prennent plaisir à s’étendre sur leur parcours. Hô Thi Thanh Mai, présidente de l’Association des Bouddhistes Vietnamiens en France (ABVF) depuis 2013, n’est pas de celles-là. « Je vous suggère plutôt de brosser le portrait du docteur Dinh Hy Trinh, membre du conseil d’administration, doté d’une meilleure connaissance du bouddhisme », rétorque-t-elle par mail. Après quelques échanges, Mai accepte finalement un entretien à la pagode de l’Institut bouddhique Truc Lâm, dans les hauteurs de Villebon-sur-Yvette, dans l’Essonne. Dans ce lieu de quiétude, à flanc de collines, elle se sent à son aise. Autour d’un thé, je fais la connaissance d’un petit brin de femme énergique et simple. Pour gérer les tâches administratives et autres aléas qui lui incombent en tant que Présidente de l’association, la jeune retraitée se rend plusieurs fois par semaine à Truc Lâm. Ses souvenirs y sont nombreux. Au sommet du jardin au style japonais, un imposant Bouddha blanc, commandé au Vietnam en 1993, veille sur les fidèles.
Âgée de 69 ans, Hô Thi Thanh Mai fait partie du noyau dur de l’Institut bouddhique. C’est en 1969 qu’elle croise la route de son maître et fondateur de Truc Lâm, le Vénérable Thich Thien Châu, à la Sorbonne, Paris. Au sein de la prestigieuse université, Thich Thien Châu fonde un mouvement de jeunes étudiants vietnamiens. Âgés de 20 à 25 ans, la plupart ont fui la guerre. Comme Mai. Née à Saïgon, poumon économique du Vietnam, elle arrive à dix-huit ans en France avec ses parents et ses sept frères et sœurs, et est touchée par le message de ce maître. Rapidement, ce dernier devient pour les étudiants à la fois un guide spirituel et un grand frère.
Guérir la blessure du départ
À partir des années 1970, le groupe se réunit chaque année avec joie au mois de juillet pour un camp d’été au grand air. L’après-midi, Thich Thien Châu enseigne aux étudiants et leur apporte des bases solides sur le bouddhisme. « Au Vietnam, nous sommes bouddhistes par tradition, souligne-t-elle. On prie Bouddha comme on prie un bon Dieu. On n’est ni dans la recherche ni dans le questionnement, mais dans les rites ». Mai a tout à apprendre. Le concept d’impermanence du bouddhisme l’aide à se sentir bien dans ses baskets. Elle, qui en France comme au Vietnam, se sent étrangère. Elle n’a qu’une idée en tête : revenir au Vietnam. Malgré la misère, la guerre et la saleté, elle en garde un souvenir merveilleux. « Mon maître a guéri cette blessure du départ en m’apprenant que l’on est bien dans la vie qu’avec les gens que l’on aime. »
« Ma mission est de faire en sorte que l’association continue de transmettre un bouddhisme pur et simple, sans superstition, qui colle à la vie moderne. »
Les années passent, le groupe grandit. À chaque cérémonie, nouvel an, anniversaire du Bouddha ou fête de la piété familiale, la statue de Bouddha est déplacée dans une salle louée pour l’occasion. En 1980, le Vénérable Thich Thien Châu décide de faire ériger la pagode de Villebon-sur-Yvette. « Il m’a annoncé, heureux, que nous allions devenir voisins », se remémore Mai, qui habite à cette époque avec sa famille à Orsay. « Ce sont des boutures des bambous de mon jardin qui se sont multipliées à Truc Lâm, dont le nom signifie « forêt de bambous » en français », ajoute-t-elle. Les travaux durent une dizaine d’années.
Durant toutes ces années, tenant à sa liberté, Hô Thi Thanh Mai n’a pas souhaité occuper de fonction dans l’Association des Bouddhistes Vietnamiens en France, créée en 1977, qui compte aujourd’hui 80 membres actifs. Sa vie, de mère de famille de deux enfants, et les postes qu’elle occupa dans l’administration, au sein du ministère de l’Éducation nationale et des facultés de Sceaux et d’Orsay, lui prennent beaucoup de temps. Finalement, en 1995, elle accepte de devenir trésorière bien qu’elle ait « horreur de garder l’argent ». En octobre 1998, lorsque Thich Thien Châu décède en pleine nuit d’une crise cardiaque, à 68 ans, pour la communauté, le choc est grand. « Même quand on est bouddhiste, on se dit que les gens que l’on aime ne meurent jamais », confie-t-elle. En 2013, elle est élue Présidente et occupe cette fonction depuis. « Ma mission est de faire en sorte que l’association continue de répandre un bouddhisme pur et simple, sans superstition, qui colle à la vie moderne. » Ce bouddhisme qui lui a permis de se construire des racines solides en France. « Un de mes fils, qui vit aux États-Unis, m’a proposé de le rejoindre. J’ai refusé. Je suis bien maintenant ici, en France »