Le récent voyage de retour en Inde de Sa Sainteté le Dalaï Lama après sa convalescence à New York après une opération chirurgicale a été marquant pour plusieurs raisons. La plus importante d'entre elles a peut-être été sa rencontre émouvante avec Sa Sainteté le 17e Gyalwang Karmapa, Ogyen Trinley Dorje, leur première rencontre en personne depuis sept ans et qui a eu des répercussions dans toute la communauté tibétaine mondiale.
Le Dalaï Lama a subi avec succès une opération de remplacement du genou à New York le 28 juin. Après sa sortie de l'hôpital, il a passé du temps dans le nord de l'État de New York pour récupérer et se réadapter. Il s'agissait de la première visite du Dalaï Lama aux États-Unis depuis 2017. Le 22 août, avant le départ de Sa Sainteté des États-Unis, des membres de la communauté tibétaine d'Amérique du Nord ont offert une prière pour la longue vie du chef spirituel tibétain à New York.
Suite à cet événement, le Dalaï Lama est retourné à sa résidence de Dharamsala, dans l'Himachal Pradesh, au nord de l'Inde, le 28 août, avec seulement une brève escale à Zurich, où la communauté tibétaine a également offert une prière de longue vie le 25 août. C'est lors de cette courte escale que Sa Sainteté a pu retrouver brièvement Sa Sainteté le Karmapa, pour la première fois depuis le 34e enseignement du Kalachakra du Dalaï Lama à Bodh Gaya en 2017.
Dans une déclaration ultérieure sur la rencontre datée du 28 août et partagée sur les réseaux sociaux, Sa Sainteté le Karmapa a appelé les Tibétains à vivre et à travailler en unité pour aider à réaliser les aspirations du Dalaï Lama et a évoqué à quel point il était ému de reconnaître que le Dalaï Lama avait vieilli depuis leur dernière rencontre. La déclaration du Karmapa a également noté la forte aspiration du Dalaï Lama à entreprendre un pèlerinage au site bouddhiste sacré du mont Wutai dans la province du Shanxi, en Chine, qui est associé au bodhisattva de la sagesse, Manjushri :
Récemment, lorsque j’ai eu la chance de revoir Sa Sainteté le Dalaï Lama à Zurich, en Suisse, et d’entendre sa voix douce, j’ai ressenti un mélange de joie et de tristesse. C’était différent de ce que je vois habituellement dans des vidéos ou autres. En voyant son visage en personne, il semblait avoir considérablement vieilli, et même en l’entendant parler, sa voix s’était affaiblie. C’était si différent de ce qu’il était auparavant que j’avais du mal à le supporter. Sa Sainteté a utilisé toute la force de son corps, de sa parole et de son esprit pour nous, et quand je l’ai vu si fragile physiquement, c’était comme si les sentiments de tristesse et de gratitude qui m’envahissaient étaient en compétition les uns avec les autres.
Étant donné son état physique et son épuisement apparent, je n’ai pas dit grand-chose, mais je lui ai expliqué qu’il n’y avait rien de plus grand qu’il puisse faire pour le bouddhisme et les êtres sensibles que de vivre longtemps. J’ai écrit les autres choses que je souhaitais partager avec lui et je les lui ai proposées. Il a passé dix minutes à les lire attentivement, puis a parlé des prédictions selon lesquelles il vivrait jusqu’à l’âge de 110 ans, de son souhait principal d’aller en pèlerinage à Wutai Shan en Chine, et de l’importance de préserver, de protéger et de diffuser les enseignements complets du véhicule de base, du Mahayana et du tantra, qui sont comme un joyau unique que l’on ne trouve qu’au Tibet.
Bref, voir son visage et entendre sa voix m'a donné un sentiment de rareté et de valeur qui ne m'était jamais venu à l'esprit auparavant. De plus, nous devons réaliser bientôt tous ses souhaits pour ce qu'il aimerait accomplir dans cette vie ; il n'y a pas de temps à perdre ni de distraction.
Les difficultés que Sa Sainteté a endurées pour nous dépassent l’entendement. Compte tenu de son âge et de sa condition physique actuelle, rien n’est plus important pour lui que de se reposer et de prendre soin de sa santé. Nous devons tous, moi-même et les autres, en être conscients et attentifs.
En particulier, si Sa Sainteté pouvait retourner au Tibet au cours de cette vie et poser à nouveau le pied sur son sol, cela seul comblerait les espoirs de tous les Tibétains, vivants et défunts, et exaucerait les vœux du gourou. Il est donc crucial que nous tous, frères et sœurs tibétains, coopérions harmonieusement au service de Sa Sainteté pour exaucer ses vœux et, à tout le moins, que nous fassions des vœux et des offrandes jour et nuit.
Quelle que soit la région d’où nous venons, la religion que nous suivons ou les opinions ou positions que nous défendons, pour le bien du Tibet dans son ensemble, nous devons faire ce qui est important et abandonner ce qui est mineur – il est important de ne pas confondre l’or avec le laiton ou de réduire le bois de santal en cendre avant de le vendre.
Plus important encore, j’exhorte chacun à garder à l’esprit que nous avons un lama et un joyau qui exauce tous les souhaits comme lui et à susciter un dévouement encore plus grand pour travailler pour le dharma et le bien-être du peuple tibétain. (Karmapa)
Après leur rencontre, au cours de laquelle le Karmapa a exhorté le Dalaï Lama à se reposer davantage, des photos de cette rencontre propice ont largement circulé sur les réseaux sociaux. Selon les médias, ces retrouvailles ont suscité des spéculations sur la possibilité d'un retour du Karmapa en Inde, mais aucune confirmation fiable n'a été apportée à ce sujet.
Le Karmapa est le chef de la lignée Karma Kagyu, la plus grande lignée Kagyu, l'une des quatre principales écoles du bouddhisme tibétain, les autres étant les écoles Gelug, Nyingma et Sakya. L'institution du Karmapa est la plus ancienne tulku Lignée du bouddhisme tibétain, remontant au premier Gyalwa Karmapa, Düsum Khyenpa (1110-1193), et antérieure de plus de deux siècles à la lignée du Dalaï Lama. En raison d'un désaccord au sein de l'école Karma Kagyu sur le processus de reconnaissance des incarnations, l'identité du 17e Karmapa reste sujette à controverse. La majorité des bouddhistes tibétains reconnaissent Ogyen Trinley Dorje comme la réincarnation du 16e Karmapa Rangjung Rigpe Dorje, tandis qu'une minorité influente reconnaît Trinley Thaye Dorje.
Né au Tibet en 1985, Sa Sainteté est parti pour l'Inde en 1999, invoquant le manque de liberté religieuse. En 2017, le Karmapa s'est rendu en Europe, période durant laquelle il a acquis la nationalité dominicaine. Depuis, il n'a pas pu retourner en Inde en raison des formalités administratives entourant son certificat de résidence délivré par le gouvernement indien aux réfugiés tibétains. Le Karmapa a un nombre important de fidèles en Inde, en particulier dans l'État du Sikkim, au nord-est du pays.
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