Des signes qui ne trompent pas de Pierre Kroll

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« Se presser de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer. » On pense à la maxime de Beaumarchais en découvrant le dernier ouvrage de Pierre Kroll. Dans Des signes qui ne trompent pas, le caricaturiste belge rassemble 300 dessins humoristiques sur tous les signes annonciateurs de l’effondrement de notre civilisation industrielle. Parmi lesquels le dérèglement climatique et son cortège funèbre : sécheresses, canicules, augmentation du niveau des océans, fonte accélérée des glaces, inondations, etc. Mais aussi l’effondrement de la biodiversité, les pollutions (emballages plastiques, marées noires, etc.), la prolifération du nucléaire, l’épuisement des ressources naturelles, les dérives de l’agro-industrie ou encore les inégalités sociales et Nord-Sud. En trois traits de crayons et deux bulles, Pierre Kroll nous interpelle avec profondeur sur l’injustice climatique. Comme dans ce dessin où l’on voit deux habitants du Bangladesh, les corps immergés dans l’eau boueuse suite à une inondation, en train de commenter les actualités :
– Il paraît qu’avec le réchauffement, les gens du Nord ne pourront plus faire de ski.
– Les pauvres !

Alors que la cathédrale du vivant n’en finit pas de brûler, nos dirigeants politiques et économiques continuent de regarder ailleurs. Face à cet aveuglement, Pierre Kroll cite le philosophe Michel Serres : « S’il y a une voie pour un signal moral, c’est le rire ». Et propose d’éveiller les consciences grâce à ce livre teinté d’un humour noir « très belge ! » pour qu’enfin nous passions à l’action. Inspiré, là encore, par Michel Serres qu’il cite dans son avant-propos : « Si vous faites des livres catastrophiques seulement, si vous faites des pessimismes seulement, nous n’allons plus agir ».

Ses dessins, publiés pour la majorité dans les médias depuis les années 1980 jusqu’à aujourd’hui, restent – dramatiquement – intemporels. Tel cet Américain obèse qui tend une liasse de dollars à un Africain famélique en lui disant : « Tenez, mon vieux, un peu d’agent et je pollue à votre place ». Même si certaines caricatures font écho à une actualité précise. Par exemple, ce dialogue entre deux pingouins pour illustrer, comme l’indique l’auteur, « le mois de juillet 2019 qui fut le plus chaud jamais enregistré dans le monde » :
– Donc, pour le réchauffement climatique, c’est cuit.
– Façon de parler. »

Dans l’avant-propos qu’il signe, Pierre Kroll, diplômé d’une licence en sciences de l’environnement, précise son intention : « Ce n’est pas un livre scientifique ni un pamphlet militant, on en trouve bien assez comme ça. Il n’est inspiré ni par la collapsologie ni par le capitalisme vert, il n’est pas sans gluten ni vegan. C’est un recueil de dessins avant tout ». Autant de dessins mettant en lumière des « signes qui ne trompent pas. »

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Fabrice Groult

Fabrice Groult est un aventurier, photographe et bouddhiste qui parcourt le monde depuis son plus jeune âge. Après avoir étudié le bouddhisme en Inde, il s'est engagé dans un voyage de dix-huit mois à travers l’Asie qui l'a mené jusqu'en Himalaya, où il a découvert sa passion pour la photographie. Depuis, il a parcouru le monde pour capturer des images de beauté et de sagesse bouddhiste. Il a été guide pendant dix ans, et est aujourd'hui journaliste chez Bouddha News.

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