Michel Banassat : un guide hors des sentiers battus

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Ex-moine bouddhiste et guide-conférencier, spécialiste des communautés asiatiques parisiennes, Michel Banassat chemine au fil de ses visites dans ce Paris caché, méconnu, sur la Voie du Bouddha.

Il a deux amours : l’Asie et Paris. Deux points cardinaux que Michel Banassat relie chaque semaine durant ses promenades dans la Ville Lumière en lorgnant du côté du soleil levant. Sa manière d’enjamber les continents en arpentant les rues du quartier chinois. Où qu’il se trouve, sa boussole indique le plein Est. Rendez-vous au cœur du « Triangle de Choisy » (1), sur la dalle du centre commercial des Olympiades, écrasée par les tours de béton et les toits incurvés des boutiques construites au début des années 70. Un cliché de l’architecture asiatique que le guide n’a de cesse de combattre durant ses parcours downtown Chinatown (2). Sans attendre, il m’entraîne vers l’une des deux vraies pagodes du quartier. La première, le temple bouddhiste de l’Amicale des Teochews de France (3), coincé dans un renfoncement du démesuré lego urbain ; une seconde, cachée des regards dans le passage souterrain de la rue du Disque. Discrétion. Nous voilà au cœur de la religion chinoise, « un syncrétisme entre bouddhisme, taoïsme et confucianisme, qui illustre parfaitement la conception pragmatique de la religion des Chinois », résume-t-il, face aux statues des Trois Joyaux (4) qui trônent dans la salle de prières. Sur les côtés, les dix-huit Luohan, les disciples du Bouddha et gardiens de la Loi, surveillent et encerclent les visiteurs, tel un cordon de spiritualité. Sur l’un des murs, une fresque d’Avalokiteshvara retrace l’épopée du Bodhisattva de la Grande Compassion, à qui Michel Banassat a consacré deux ouvrages (5).

La fascination pour les mystères de l’Est

Il guide, il chemine, au propre comme au figuré, depuis qu’il a découvert, lors de son premier voyage en Asie en 1987, les charmes de l’Orient. « Tout a basculé lors d’un voyage en Chine lorsque j’avais une vingtaine d’années. J’avais l’impression d’être chez moi sans n’y avoir jamais mis les pieds ». À l’époque, l’étudiant « autodidacte », qui sort d’une année de prépa à Sciences Po guère passionnante, est en quête spirituelle. « Mais les religions du livre, reposant sur des croyances, ne me convenaient pas. J’ai été conquis par le message du Bouddha, qui prône la réalisation personnelle et invite à chercher le divin qu’il y a en chaque être humain. À croire en soi », explique cet homme qui se méfie des commandements, quels qu’ils soient. Après quelques semaines d’immersion, Michel Banassat rentre à Paris et devient moine bouddhiste à la Pagode du Blanc-Mesnil, disciple du Vénérable Gnanissara. Il étudie le canon Pali, le sanskrit et les sutras de base, dont celui du Lotus, son préféré, « un texte d’une grande poésie qui présente l’enseignement du Bouddha prodigué au Pic des Vautours. C’est certainement le sutra le plus ésotérique, car il contient 28 chapitres qui donnent lieu à de nombreuses interprétations. » Il quitte le monachisme au bout de huit semaines : « C’est une discipline de vie contraignante, il faut suivre 227 règles de conduite, passer des heures en méditation, mais c’est vrai, on se sent mieux après ». Pourquoi, alors, avoir laissé tomber la kesa, la robe des moines ? « J’avais envie de retourner à ma vie de laïc, mais je reviendrai certainement au monastère dans une prochaine vie. Nous, les bouddhistes, nous avons du temps… », élude-t-il, d’un regard espiègle. Aujourd’hui marié à une Chinoise, il pratique au quotidien en conciliant les enseignements des écoles Hinayana et Mahayana. Si dans ses visites guidées, Michel Banassat laisse peu de place aux silences – il a tellement de choses à dire et à rectifier -, en interview, l’homme au crâne presque rasé et à la barbe de sage pratique le ping-pong verbal, à savoir les échanges courts. Sourires énigmatiques, regard malicieux, parfois désabusé, il répond par des questions, des fulgurances, parfois par ellipse. D’un trait, d’une phrase, il trace une perspective.

Les légendes sur l’empire du Milieu

Dans ses circuits, plus culturels que touristiques, il fait régulièrement escale dans les quelques lieux de culte du quartier, mais déplore que ses clients soient plus intéressés par les pires légendes sur l’empire du Milieu ou par des questions terre-à-terre sur le mode de vie de la communauté chinoise que par la profondeur des vues philosophique du bouddhisme. Dans ce quartier, la spiritualité est avant tout affaire de tradition, notamment chez les jeunes « peu pratiquants, car ils sont pris dans l’engrenage de la civilisation occidentale consumériste », et de « superstition » chez les plus anciens.

« Les Occidentaux recherchent dans le bouddhisme un confort personnel. Or, cette religion explique justement qu’il ne faut jamais être centré sur soi. Et non, le zen n’est pas synonyme de « cool » ! »

Le bouddhisme, une Voie bis ? Non. À ses yeux, il s’agit d’une tradition qui nécessite des clés de lecture et que « l’on revienne à l’étude de la doctrine originelle ». « Les Occidentaux recherchent dans le bouddhisme un confort personnel. Or, cette religion explique justement qu’il ne faut jamais être centré sur soi. Et non, le Zen n’est pas synonyme de « cool » ! ». Aussi, il est important de revenir aux fondamentaux pour voir, plus loin. Selon lui, le bouddhisme apporte des réponses concrètes aux défis actuels, notamment en matière d’environnement. Ou bien encore à la question de la condition animale chère à Michel Banassat, qui a écrit une Défense des droits et de la vie des Animaux (Éditions You-Feng) en 2012, bien avant l’actuelle séquence médiatique. « Un acte d’amour véritable pour nos amis les animaux, êtres faibles, vulnérables, qui sont malheureusement bien souvent déconsidérés, dénaturés, manipulés, exterminés, exploités à des fins iniques, et torturés par le plus grand prédateur existant sur cette terre, à savoir l’homme », écrit-il dans son introduction. Lui rejette toute hiérarchie entre les espèces et, l’été, fait attention à ne pas écraser d’insectes, ces prétendus « nuisibles ». Pas à pas, mais par milliers vu son activité, Michel Banassat n’a de cesse de raconter ce Paris d’autres lumières, avec à chaque étape, ce doux rappel : « Suivez le guide ! »

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François Leclercq

François Leclercq est le fondateur de Bouddha News, site internet qui a pour but de diffuser des informations et des conseils pratiques sur le bouddhisme et la spiritualité. François Leclercq est né et a grandi à Paris. Il a étudié le bouddhisme à l'Université de Paris-Sorbonne, où il est diplômé en sciences sociales et en psychologie. Après avoir obtenu son diplôme, il s'est consacré à sa passion pour le bouddhisme et a voyagé dans le monde entier pour étudier et découvrir des pratiques différentes. Il a notamment visité le Tibet, le Népal, la Thaïlande, le Japon et la Chine.

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